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29 avril 2024 1 29 /04 /avril /2024 11:06

Le besoin – le besoin, non le désir, ou l’envie, ni même la pulsion au sens d’inclination incontrôlée quasi pathologique – de former des phrases, un texte, qui emprisonnent des fulgurances (constats, sentiments/sensations, pensées, résurgences, développements introspectifs, etc.) persiste dans sa force, et se mue plus souvent qu’à son tour en tourment. En véritable tourment, tel un rapace prisonnier de ma boîte crânienne qui tournerait là inlassablement, déployant ses lentes, régulières, oppressantes girations jusqu’à ce que je franchisse le seuil de l’acte scriptural. Soit en saisissant un stylo et une feuille de papier, ou bien en ouvrant le capot de mon ordinateur afin de jeter sur un «fichier word» ces mots et phrases accumulés dans le désordre jusqu’à déborder et exigeant impérieusement d’être mis en forme – i.e. ordonnés en une composition à la fois signifiante et qui fût pourvue de quelque intérêt esthétique. Il devrait en résulter un soulagement, un semblant de paix intérieure, dût-elle être temporaire… pourtant je bloque. Je laisse, de plus en plus longtemps, ces mots et phrases, passer en rangs serrés, planer ou au contraire stagner des jours et des jours en moi sans leur donner un semblant d’issue – une publication ici, fût-ce sous forme d’une «brève d’un jour», voire d’un «sans nom», ma dernière trouvaille catégorielle pour tâcher d’offrir une case acceptable à ces jets que je ne parvenais pas à ranger ailleurs mais sans pour autant savoir les jeter, les détruite. Une catégorie que je suppose mieux à même que les autres de ne pas rester déserte trop longtemps. À tort, ou à raison...

Mais où donc est le danger de telles publications, dans un blog aussi confidentiel que celui-ci? Faut-il qu’il soit immense pour que je me dérobe aussi souvent!

Je ne fais que répéter là (et en des termes différents je l’espère) un questionnement obsessionnel, un désarroi – un cri silencieux qui n’en hurle pas moins – maintes fois exprimé ici même et pourtant je me laisse aller une fois de plus à contempler cette étreinte sourde et maléfique qui enserre mon geste dans un étau avant qu’il aille à son terme afin d’essayer, une fois de plus, de m’en libérer. Mais c’est chose vaine car ces mots et phrases trouvés pour dire cette incarcération n’ordonnent nullement les profondeurs obscures que la lumière d’un texte dissiperait enfin. À sans cesse textifier autour de l’impossible écriture je me soulage à pas si bon compte que cela puisque «le dur», ce qui résiste contre vents et marées à la textification, continue de se lover immobile en moi tel un increvable abcès.
Je circonvolue inlassablement sans oser de pas décisif… je me sens très probablement mieux protégée d’un quelconque effondrement cataclysmique par l'empêchement imputable à cette angoisse qui littéralement me «prend aux tripes» chaque fois que je consens à «écrire» (alors qu’il n’y a objectivement pas le moindre enjeu) que par le consentement à l’écriture solutionnante, celle qui textifierait significativement cette masse molle, mouvante, dense et incandescente comme du plomb en fusion qui se meut tout au fond de mes abysses intérieures.

 

Voici une dizaine de jours, tandis que je lisais Le Donjon de Lonveigh de Philippe Le Guillou (j'y reviendrai [enfin... j'ai l'intention d'y revenir et une ébauche est écrite qu'il me faut étoffer, compléter, affiner - en d'autres termes remanier afin qu'elle prenne sens et s'ajuste au vouloir-dire qui est l'humus du texte]), une fulgurance m'a traversée qui m'a détournée un moment de la lecture, le temps de retourner la bande-test photographique devenue marque-page et d'y inscrire ceci, en lignes onduleuses et mal raboutées, au crayon:

Voir apparaître l’image au fond du bac de révélateur me donne le sentiment de vivre un moment lustral. Une épiphanie lustrale. En tirant – en travaillant en chambre noire –, je porte sur les fonts baptismaux mes douleurs et mes failles, mes fautes irrémissibles (que je n’identifie pas de manière certaine mais dont je sais qu’elles gisent là quelque part dans l’obscurité de mes pensées – et de mes peurs). Je les lave de leurs lèpres corrodantes et leur donne une légitimité de lumière, en noir et blanc, sur la feuille de papier baryté aux tons froids des hivers de l’âme.

 

À n’en point douter il y a là une clef. Quelque chose de fondamental qui se dit de mon rapport à la pratique photographique, sans quoi je n’aurais pas pris le risque – car il s’agit bien, dans cet acte d’écriture, d’une prise de risque même si je ne vois pas ce qui le revêt d’une telle gravité – de l’arrêter ici dans sa forme native presque sans retouche, telle que je l’ai notée sous le coup de son irruption, en ayant soin de surcroît de noter, aussi, les circonstances de son émergence (lesquelles doivent donc tout autant valoir clef).

De même doit valoir clef l'image que j'ai choisie pour accompagner ce texte. Elle était déjà épiphanique lors de la prise de vue: en 2004, au musée Bourdelle, dans ce qui était le logement du sculpteur, un grand crucifix médiéval en bois était exposé, face à un tableau protégé par un verre. Je cherchais, une nouvelle fois, comment capter, avec mon reflex Minolta, cet ineffable qui, dans le visage christique, me fascinait et que je n'avais pas encore réussi à fixer sur la pellicule en dépit de tentatives répétées (cadrage difficultueux, incidence lumineuse toujours insatisfaisante... et, de ma part, manque de cette habileté technique qui m'eût permis de jouer efficacement sur les réglages). Soudain, je perçois son reflet dans la vitre protectrice... j'élève mon appareil, je cadre, mets au point, déclenche... Une seule prise de vue. Comme on dit, ça passe ou ça casse. Au développement, le négatif semble correct. Et le tirage confirme: j'obtiens exactement ce que j'espérais – une image à la fois assez explicite, et nimbée d'étrangeté, autant que de douceur, sans bruit intempestif. J'ai néanmoins essayé plusieurs fois de reprendre la même vue, chaque fois que je me trouvais dans cet espace avec une lumière analogue (et ce jusqu'à ce que de récents travaux chamboulent les configurations du musée, et que l'on déplace ce crucifix dans l'atelier) en espérant capter autre chose, un supplément quelconque, mais jamais, je dis bien jamais, je n'ai revu dans mon viseur ce qui, alors, avait passé sur la pellicule. Là aussi, dans cette unique manifestation, quelque chose se dit (que je ne décrypte pas. Pas encore)...

 

Voilà désormais vingt ans que cette image conserve à mes yeux son pouvoir de signifiance.

Elle est donc «réussie», à l'exacte confluence de l'acceptable technique et de l'intention esthétique.

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20 mai 2019 1 20 /05 /mai /2019 04:07

Voici quelques jours une séance de tirage a viré à la catastrophe. Une catastrophe pas vraiment annoncée car rien dans les premiers tests ne laissait prévoir de défauts rédhibitoires sur l'image, préalablement sélectionnée sur planche contact après scrutation attentive au compte-fil. Une fois les critères d'exposition déterminés, la voie était ouverte pour le tirage grand format. Mais lorsque je  sors l'épreuve de son bain de rinçage des plages de flou inattendues se révèlent... je refais la mise au point, mais le négatif bouge légèrement alors il faut réajuster les réglages... et la seconde épreuve est pire que la précédente, pas même regardable, bonne pour la poubelle: j'ai laissé l'optique à pleine ouverture après avoir réglé la mise au point. Qu'à cela ne tienne: troisième épreuve. Avec cette fois une vigilance accrue, des vérifications redoublées. Nouvelle déception: du flou toujours où il n'y en avait pas d'abord... et rien qui permette d'expliquer pourquoi une zone de l'image s'est floutée en cous de route. Or comment résoudre un problème quand on ne comprend pas ce qui le cause?
Alors c'est l'abandon. J'arrête là les frais. Mais je garde en mémoire la vision persistante de ce tirage tout amolli par ces flous inexplicables et, tournant en boucle comme une obsession mauvaise, la succession de mes gestes sous l'agrandisseur, le passage de la feuille de papier dans ses bains successifs et au bout du processus l'implacable constat: le tirage est foutu. Des jours durant tout cela s'est remâché dès qu'un peu de mou était donné aux pensées. Comme une bouchée à l'acmé de son amertume coincée entre langue et palais, que retiennent là des dards acérés qui empêchent de la déglutir et maintiennent en continu la lente instillation de son fiel... Sans discontinuer ce goût strident s'est longtemps répandu, envahissant le cœur qui se soulève.
Mais enfin cela passe – les dards s'émoussent, l'amère bouchée se délite, ne laissant plus qu'un souvenir agaçant de flaveurs discordantes qui elles aussi s'atténuent et finissent par se taire. Je n'oublie cependant rien de l'échec, mais je ne renonce pas non plus. Pas question de mettre de côté cette photo: puisque le négatif n'est pas à incriminer, je dois donc pouvoir obtenir en grand format ce que promet la planche contact... Ce sera l'affaire de la prochaine séance.

 

Ce calamiteux moment de tirage eut aussi pour conséquence d'éteindre en moi toute velléité de photographier. Jusqu'à ce que je réalise combien comptait pour moi de vivre un instant visuel, indépendamment de toute perspective de «réussite photographique»… Marcher les yeux au vent, regarder tous azimuts pour tâcher de voir. Et quand enfin je vois... m'arrêter, boire le voir jusqu’à sa lie; atteindre alors une forme sinon d’ivresse du moins de «perception modifiée» du réel comme sous l’effet d’une pensée stupéfiante... Puis initier la chorégraphie si souvent répétée de la prise de vue et recommencer autant de fois que je peux modifier mes cadrages. Cette lente danse en état de quasi hypnose ne revient-elle pas à guetter l’échelle de corde dont parle André Breton*? Est-ce parce que j'entrevois, subreptice, le mol balancement de cette échelle juste chue du haut des ténèbres que je me cale derrière mon viseur? Car je sais bien que, fondamentalement, je ne photographie pas pour retenir quoi que ce soit. Mais pour tenter de «prendre» le surgissement de cette échelle de corde ou, plutôt, ce qui dans la chose vue annonce son arrivée et lui donnera loisir de se maintenir perceptible, invitant sans relâche à la gravir. Si la photo est «bonne», alors l’échelle sera toujours là, à l’horizon du tirage, suscitant chez tout regardeur l’irrésistible envie de grimper après elle. Il faut deviner dans les tréfonds de l’image cet appât mouvant pour que l’image ait son plein pouvoir d’enchantement. Sinon, la photo ne sera rien autre qu’une photo – peut-être «bien composée», «bien équilibrée», et «rendant justice au sujet visé» mais d’où ne se déroulera jamais l’échelle bretonnienne.
Il se peut cependant que cet hypnotique rapport au voir ne soit pas pour moi un très bon atout photographique: perdue en scrutation, cherchant sans doute à attraper l'échelle de corde, à m'y cramponner pour atteindre son inaccessible sommet qui serait la clef de l’énigme, la fin des ténèbres de la «chose vue», comment puis-je alors accomplir le juste geste photographique – on ne peut être à la fois, à la même seconde, rationnellement, techniquement «photographe» et se noyer dans la nuit des choses….


* Dans Le Surréalisme et la Peinture, Gallimard, 1979.

 

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30 mars 2019 6 30 /03 /mars /2019 04:53

J’avais commencé à écrire ce texte avant d’aller voir l’exposition consacrée au trésor de Toutankhamon et je m’étais interrompue tandis que je tâchais d’évoquer, avec une pointe d’ironie amère, ce que m’inspirait l’attitude des antiquaires et brocanteurs s'opposant catégoriquement à ce que l’on photographie leur marchandise alors même qu’ils ne vendaient pas de créations dont ils eussent eu à craindre qu’on les duplique d’après la photo prise. Songeant à cette conviction si répandue jadis (peut-être encore aujourd’hui?) que l’âme d’une personne était  volée» quand on la photographiait, j’étais prête à imputer ces refus et réticences répétés à une sorte de «pensée magique» leur faisant redouter que chaque cliché emporte une fraction de l’objet photographié, le désubstantifiant ainsi peu à peu jusqu’à ce qu’il soit sinon dissous du moins invendable. C’était AVANT La Villette… Mais, ayant là-bas été témoin du comportement de la plupart des visiteurs, plus soucieux d’activer leur smartphone et de balancer leur butin sur la Toile grâce à sainte Wi-Fi sitôt les objets empixélisés que de véritablement s’attacher à regarder ce qui était exposé et à s’en émerveiller, plus proches de carnivores affamés en quête de proies que d’individus doués de raison et de curiosité attirés par de prestigieux vestiges, je perçois désormais pleinement  la dimension prédatrice du geste photographique – d’ailleurs la langue le dit: on prend une photo davantage qu’on ne la fait, même si l’usage consacre les deux verbes pour un même acte. Alors qu’on fait un dessin, un croquis, sans jamais le prendre… et, de là, je comprends mieux les motivations de ces commerçants qui, durant cette balade aux Puces, m’ont parfois lancé de péremptoires «Pas de photos!» du fin fond de leur boutique tandis que je m’attardais auprès d’un de leurs articles à l’étal.
Je ne me suis, quant à moi, jamais sentie animée par la moindre volonté de m’approprier quoi que ce soit quand je photographie; la prise de vue est un voyage intérieur, à plus ou moins grandes profondeurs selon ce qu’à travers mon viseur je tente d’approcher, et je réalise qu’elle tient aussi de l’exploration ontologique – aller vers soi par le truchement d’un aller-vers l’être des choses… Au fur et à mesure que j’affine la mise au point, que je vois se préciser l’exacte zone de netteté que j’aspire à obtenir sur le futur tirage, j’ai le sentiment très aigu de connaître un «moment d’être», d’accéder à une réalité plus-que-visuelle de ce que je cadre… une réalité dont je retrouverai la trace vive au tirage si ma prise de vue a été ontologiquement juste – et, surtout, techniquement bien menée. De tels «moments d’être» me sont clartés, des clefs… c’est un peu comme si, Eurydice, j’apercevais Orphée venu me tirer des Enfers. Lorsqu’on m’intime «Pas de photo!» cela revient à me dire «reste dans ta nuit!» Et lorsque sous l’effet d’une autocensure quelconque je renonce à une photo, je m’enjoins à moi-même de ne pas quitter mes ténèbres.

 

Mais revenons à nos Puces…

À la faveur d’une permission de photographier accordée à l’une d’entre nous que je suivais de près, un antiquaire souriant et disert engagea la conversation, s'enquit de l'endroit d'où nous venions, des buts de notre association, etc. De mon côté, je restai à l’écart: j’avais repéré, accrochés tout autour de son pas de porte, des miroirs de toutes formes suspendus en une abondance à demi organisée et dont les réflexions s'augmentaient de celles générées par d’autres objets vitrés tout proches. Un afflux de reflets, parmi quoi je tentais de déterminer ce qui allait être photographiable. Me voyant de la sorte absorbée, l'antiquaire s'adresse à moi, me questionne sur ma façon de photographier car il ne lui a pas échappé que j'avais entre les mains un boîtier argentique ‒ une bizarrerie aujourd'hui quand le numérique règne, du reflex le plus sophistiqué au téléphone le plus rudimentaire. Et moi de m'étaler avec complaisance, d'expliquer que je suis les cours d'un artiste-photographe qui a donné comme sujet à ces élèves les reflets. «Ah, mais si vous cherchez des reflets, vous avez de quoi faire... Tenez, regardez! là, et là... là encore... c'est drôle: je ne fais pas de photo et c'est moi qui vous montre où trouver vos sujets!» conclut-il en me désignant du doigt mille objets, et bien trop vite pour que je puisse cadrer, mettre au point, ajuster vitesse et ouverture puis réfléchir (!) assez jusqu’à décider de déclencher ou non car, nonobstant le thème qui m’occupe, face à un reflet, le déclic n’est pas automatique.

Situation embarrassante: habituellement lente à photographier je me sentais, là, pressée d’agir bien au-delà de ma vitesse de croisière coutumière. Comment, sauf à ne pas redouter de paraître indélicat, ou impoli, ne pas photographier avec frénésie quand on est si chaleureusement invité à le faire? Et Dieu sait que le feu des reflets s'y prêtait. Pourtant, je n'ai réalisé que quatre prises de vue, qui semblent «réussies» à l’examen du négatif mais que je dois encore mener jusqu'au tirage de lecture pour juger vraiment de leur qualité. C'est que je ne photographie pas un reflet pour la seule raison qu'il est un reflet; il faut que, à mes yeux tout du moins, surgisse dans le phénomène même de la réflexion des superpositions, des correspondances, des juxtapositions plastiquement intéressantes, ou drôles, ou surprenantes... ou qui simplement me parlent (une parole qui peut tenir du murmure, de l'à-peine intelligible tant elle est ténue, de l’infimité sémiotique…). Ainsi l'aimable antiquaire me montrait-il en effet des reflets mais parmi ceux-là, bien peu se sont révélés susceptibles, une fois cadrés et soumis aux réglages voulus, de mener vers cet au-delà de la visualité qui eût justifié le déclic... Il y avait par exemple, derrière une paroi de verre dotée de sa propre capacité réfléchissante un pan de mur entièrement couvert de petits miroirs semi-sphériques au cœur desquels de petites parcelles de réalité réfléchies et déformées s’agitaient en myriades mouvantes... Quel pullulement! mais à travers mon viseur, je ne voyais plus rien qu’un cafouillis dont je ne parvenais à isoler aucune bribe signifiante. Et quand à un moment je crus tenir dans le cadre un jeu satisfaisant de formes, je dus renoncer à déclencher car au premier plan se dressait une lampe de chevet que je ne pouvais évidemment pas déplacer et qui «bouffait» tout ce qui se tramait d'intéressant derrière elle, au pays des reflets...

En expliquant à l’antiquaire accueillant que je travaillais le thème des reflets, je faisais preuve d’une double inactualité – d’une part c’était la piste proposée l’an dernier aux élèves de l’atelier argentique du centre Rébeval, d’autre part c’est un motif dont je me suis rendu compte, en explorant occasionnellement mes archives, qu’il m’a inspirée dès mes années d’initiation. Alors continuons de verser dans l'inactualité… en convoquant ici un griffonnage non daté mais que je sais ancien, conservé bien que tracé sur un presque-déchet – une feuille de papier froissée amputée de lambeaux – et qui me paraît, aujourd’hui encore, juste de sens tout fragmentaire qu'il soit.

Reflet = corporéité dématérialisée des choses, sujette à tous les frissons, à tous les frimas de la perception...

Surface vitrée = lieu par excellence où le monde s'altère – id est:  se modifie» et «devient autre». Plus que le miroir, la vitre où ne s’attardent plus que des traces transparentes se substituant aux corporéités pleines est un lieu de bouleversements généralisés.

Et ce texte: lieu de convergence des temps; les périodes y fusionnent et les états de pensée – lui-même à sa manière phénomène de réflexion (dans tous les sens du terme!).

 

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12 mars 2019 2 12 /03 /mars /2019 15:08

À la faveur d’une sortie photo aux Puces de Saint-Ouen avec quelques membres de l’association Photovision France – tous fervents et habiles numéristes au milieu desquels j’étais la seule équipée d’un boîtier argentique – et tandis que nous déambulions, à l’affût des photogénies qui pourraient se présenter, la conversation a, inévitablement, glissé sur des comparaisons entre les deux pratiques. Sans doute ai-je eu des propos irréfléchis, ou mal interprétés car bien vite a fusé la question «Mais enfin, pourquoi tu opposes le numérique et l’argentique?»
Ce que, justement, je ne fais jamais puisque je pratique les deux – ce sont d’ailleurs presque toujours des images numériques que je glisse dans les pages de ce blog –, et souvent simultanément pour les mêmes sujets. Avec la même propension à cogiter, à tâcher d’élucider ce qui, pour moi, est en jeu dans l’une et l’autre approche, mais avec, aussi, cette certitude que chacune est déployée dans des sphères d’intention totalement différentes, ne se chevauchant pas fût-ce d’un iota quand bien même j’ai cadré/capté avec chaque appareil une bribe de réel identique. Je crois bien n’avoir rien dit de sensé ni de clair dans le feu des échanges, me trouvant prise de court comme toujours dans ces contextes conversationnels où mon «esprit d’escalier» m’empêche de tenir des propos argumentés et intelligiblement formulés; et le regret que j’en ai m’intime de mettre au net, par ce texte-là, un peu de ce qui m’apparaît de mes rapports différenciés avec l’image argentique et l’image numérique.
En simplifiant beaucoup, je dirai que le numérique a partie liée avec l’immédiateté – on voit, on déclenche, on examine ce que l’on vient de prendre et l’on décide ce que l’on en fait dans un même mouvement ramassé dans un très court laps de temps; ce qui relèvera ensuite du choix et du post-traitement des images choisies ne change rien à ce tassement de l’intention, de geste et de la décision photographiques en une seule unité de prise de vue – quand l’argentique implique des temps d’attente plus ou moins longs après la prise de vue, des temps blancs si l’on veut, des temps de silence visuel, puisque le résultat ne sera visible qu’à l’étape finale des traitements, celle du tirage sur papier.


Voilà un premier déblaiement. Et puis il y a cet écart majeur: la photographie numérique est désespérément a-sensorielle… point d’olfaction – les pixels n’ont pas d’odeur, les chimies argentiques, si… même les films sentent quand on les dégage de leur étui pour les placer dans le boîtier, et les feuilles de papier quand on les sort de leur pochette… ‒ ni de tactilité: hormis le tripatouillage de clavier et de souris, les pixels n’exigent pas que l’on touche (l’image numérique n’a pas besoin du papier pour exister, un écran lui suffit), le grain d’argent, si; le toucher est sans cesse sollicité: on touche le film pour l’insérer dans le boîtier puis l’en sortir, ensuite pour le développer quand on fait cette opération soi-même, les feuilles de papier pour les plonger dans les cuves, les rincer, les mettre à sécher… En argentique la manipulation est permanente d’où ce sentiment que j’ai d’avoir véritablement et de bout en bout «la main» sur mon image, d’être pleinement opérative.


Au fur et à mesure que j’écris d’autres choses se pressent que je pourrais continuer d’énumérer pour éclairer mes «rapports différenciés» avec l’argentique et le numérique mais je prends conscience, aussi, que cet éclaircissement n’était pas le but d’abord poursuivi par ce texte. La toute première motivation était de fixer une fulgurance, puis cela fait il m’a fallu étoffer, enrober, défulgurer d’une certaine manière et voilà la «fulgurance» affectée d’un long préambule dont je ne suis plus sûre qu’il ne la gâte pas…


Le lendemain de cette sortie photo, donc,

… réfléchissant une fois de plus à ce que je faisais réellement – je veux dire au-delà du déclenchement – lorsque je prenais (et le verbe «prendre» est ici employé dans toute l’ampleur de son déploiement sémantique) une photo argentique, cela a fulguré:

J’essuie les larmes du temps.

Cette très brève phrase a brillé, imposé son tranchant dans le mol endormissement de ma réflexion. Longtemps elle a tournoyé satisfaite d’elle-même, a résisté au sommeil de la nuit qui pourtant, bien souvent, frappe de ridicule en se dissipant au matin ce qui la veille luisait d’un tranquille éclat, s’est indurée au lieu d’être, penaude, éjectée de la mémoire et garde sa nécessité alors même que je la saisis au clavier après l’avoir écrite à la main sur un bout de papier en transit. Alors sans doute dois-je comprendre que je continuerai ainsi à pratiquer la photo argentique tant que je serai encline à éponger les sanglots du temps. Jusqu’à ce que je cesse de l’être – soit que le souci de visualité en vienne à être seul à m’animer, et l’image numérique suffira dès lors à me satisfaire pleinement, soit que le temps s’arrête un jour de pleurer. De passer?

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24 février 2019 7 24 /02 /février /2019 19:32

Au départ d'une quête photographique encore inaboutie au moment où j'écris (mais qui connaît une phase en quelque sorte préparatoire à travers ce texte où je tâche de fixer en un autre langage que celui de l'image non seulement ce que je recherche mais aussi ce que j'espère, tente, projette...) il y eut ceci:

Cette photo a été prise dans la cour Marly du musée du Louvre, par un morne après-midi de novembre parce que, de la gueule ouverte de ce cheval marin agonisant sous le trident de Neptune, il m'avait semblé pouvoir obtenir une image susceptible d'être proposée à la sélection de la prochaine exposition Photovision, la dixième édition, dont le thème était «Sur tous les tons».  Un thème annoncé depuis longtemps et sur lequel j'avais déjà beaucoup réfléchi – en vain. Et la date limite de dépôt des candidatures qui approchait à grands pas... Mais là, à force de tourner autour de ce marbre d'Antoine Coysevox, voyant cela se caler dans mon viseur, j'étais persuadée de tenir enfin quelque chose: en même temps que je déclenchais s'agrégeaient au visuel deux trois mots d'accompagnement qui, peaufinés, allaient, je n'en doutais pas, achever de mettre la future photo au diapason du thème. Sitôt le film fini, je me suis dépêchée de le développer puis de tirer cette image en petit format, sans passer par l'étape de la planche contact. À mes yeux, elle correspondait exactement à ce que j'entendais montrer, et aux mots que j'y avais associés. Je soumets le tirage de lecture à Dan A., dont je suis l'enseignement, en lui expliquant mon intention et, sans hésitation, il pointe LE défaut de l'image: «Ce bout de trident, dans l'angle inférieur gauche... on ne voit que ça...»
La voilà définitivement disqualifiée.

Pourtant je tiens à cette photo – enfin, aux mots que j'ai écrits pour elle, plutôt... Et tant que la date butoir de dépôt des images pour la sélection Photovision n'est pas passée, je peux encore tenter la prise de vue qui fera pareillement jaillir sur l'image le hurlement muet de la créature mourante sans qu'il soit parasité par le moindre bruit visuel. Alors je suis revenue au Louvre, cour Marly, au pied de ce marbre d'Antoine Coysevox, ne voyant plus que lui, et pendant près d'une demi-heure, je suis restée là à le scruter à travers mon viseur, allant ici, m'éloignant, me rapprochant avant de revenir là... il n'y aura au bout du compte que cinq photos effectivement prises. Curieusement, procédant ainsi, mon intention de départ se modifie: il ne s'agit plus de capter une image qui ferait vibrer, depuis l'arrière-fond des siècles, tous les tons d'un cri d'agonie mais de mettre en rapport compositionnel l'expression du visage de Neptune brandissant son arme et la tête du cheval marin hurlant. Ou encore de mettre en évidence, par le cadrage, l'admirable dynamique que le sculpteur a donnée au mouvement figé de ces deux êtres... Mais cette nouvelle tentative se solde aussi par un échec: sur la planche contact, une seule image est retenue par Dan et même celle-ci s'avérera sans intérêt au tirage, gâchée par un défaut de profondeur de champ. Passée la déception, je me suis au contraire sentie plus motivée que jamais pour, à nouveau, revenir au Louvre et, à nouveau, tourner autour du marbre – de ce marbre. Mais j'ai finalement soumis au jury de Photovision une sélection de trois photos d'où était exclu le cheval marin hurlant et ne suis toujours pas, en ce 24 février, revenue cour Marly.  Cependant, je ne me sens pas tout à fait vaincue et sans doute y aura-t-il de prochaines tentatives: quelque chose s'est induré dans mes intentions photographiques qui me ramènera très certainement auprès du Neptune d'Antoine Coysevox...

*
**

Je rêve, je ne cesse de me représenter en rêve des «photos-à-prendre ». Des myriades d’images hantent mes pensées telles des théories de spectres tournoyant dans un grenier – de pures flottaisons mentales, sans aucun référent dans le réel. Parfois pourtant, à la source de l’image rêvée, gît un objet, ou un lieu déjà aperçu et vers quoi je peux revenir aussi souvent que je le souhaite de manière à le rencontrer en diverses circonstances d’intensité et d’incidence lumineuses (sans pour autant avoir à craindre des variations telles qui pussent faire obstacle à la prise de vue) – par exemple une œuvre exposée dans un musée. J’ai alors toute latitude pour multiplier les prises de vue, diversifier les angles, les mises au point… Mais, même si j’arrive à me motiver assez pour exploiter cette ressource, il est rare que, parmi les images effectivement fixées sur pellicule, il y en ait une qui, une fois tirée, s’avère l’exacte concrétisation de celle préalablement rêvée.

Et je ne sais rien de plus décourageant que de tenir entre les mains, au sortir de la cuvette de rinçage, une épreuve qui soit à des lieues de l’image que j’avais par anticipation formée dans mon esprit au moment de la prise de vue: le tirage dit, implacablement, que je n’ai pas su mettre la technique au service de ma vision intérieure, que j'ai manqué de savoir-faire. À moins que je me sois laissé dominer par la vision au point de ne pas réaliser qu’il était impossible d’y atteindre et que je devais m'écarter de la représentation mentale pour malgré tout réussir à prendre une photo qui tienne la route? La clef de ce décalage tient sans doute à cela: l'image visible, celle que verra quiconque la regardera (donc celle que jugera un enseignant, un juré de concours...), n'est pas celle que je me suis figurée prendre, cette dernière étant, plus qu'une pure «visualité», un cumul d'éléments psychiques voguant en plusieurs strates de la conscience, de facteurs effectivement visuels et de micro-récits ayant soudain buissonné... toutes choses qui se bousculent sous mon doigt au moment de déclencher et qui président à mon geste bien plus que la pensée strictement photographique.

Cela m'amène à la dimension proprement vorticale que peut avoir, parfois, la prise de vue: le temps qu'elle s'accomplit me voilà tirée hors du monde, tout entière absorbée non seulement par ce que je vois dans le viseur mais par la pensée et la conscience corporelle du geste-à-faire puis se faisant. C'est une magie particulière, dont l'empreinte mnésique perdure assez longtemps pour rester attachée à l'image qui résultera du tirage... et pour biaiser mon regard sur celle-ci: ce n'est plus l'image visible que je vois mais, si l'on veut, la projection du souvenir de l'éphémère vortex où j'ai été entraînée. Mais qui d'autre que moi verra cela? Car je ne crois pas être encore parvenue à construire des photos telles qu'elles témoignent visuellement de mes éphémères basculements dans le vertige.

Si je sens de plus en plus souvent fléchir plus bas que terre ma détermination à obtenir enfin sur pellicule l’une ou l’autre chose que j’ai en tête, il m’arrive de m’entêter – avec quelque furie. Au cinéma l’on a poursuivi Octobre Rouge, le diamant vert… et moi en noir & blanc je poursuis… une photographie – peut-être au fond une chimère, la «photographie infaisable» qui n’existera jamais ailleurs que dans ce coin de mon cerveau qui ira reculant au fur et à mesure que fileront les jours.

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9 février 2019 6 09 /02 /février /2019 12:53

La nuit

La pluie

Le vent aussi - et le quai vide où le temps glisse et se tait

Lignes de fuite comme celles d'une portée où s'échelonnent les silences

A l'unisson des feux filants

 

 

Samedi 2 février, c. 20 heures, station Créteil-Pointe-du-Lac

J'arrive sur le quai désert; l'atmosphère tout imprégnée d'une averse à peine close. Peu de véhicules sur la route longeant la voie – des chuintements intermittents sur le bitume mouillé et des traînées lumineuses qui les accompagnent. Le noir nocturne bruisse de reflets, de clartés filantes qui dessinent des lignes doublant celles dont les éléments bâtis structurent l'espace. Rien de très passionnant cependant, esthétiquement parlant: les géométries restent confuses car profuses, ce distributeur de boisson qui attire le regard sans qu'on y porte le moindre intérêt – mais il y a ce grand V rouge qui fait écho au feu de signalisation, pareillement rouge, dont la tache ronde se liquéfie en une vague trace un peu brouillée sur le sol lustré de pluie... Je m'y arrête. De là je vois les lignes filer vers un invisible point de fuite. Mais y a-t-il véritablement un parti photographique à tirer de cela? Oui, me semble-t-il: je perçois quelque chose qui me paraît digne d'être fixé. Alors je dégaine mon smartphone, cadre, déclenche... Une seule fois: je suis convaincue d'avoir échoué à capter ce que je sentais – d'avoir raté ma prise de vue. Pas la peine de s'acharner. J'en suis toute dépitée. Pourtant, après coup, en examinant de près l'image enregistrée, je sens que subsiste un peu de ce que j'ai ressenti visuellement. Et en procédant à un léger recadrage pour bien inscrire le départ de deux des diagonales dans les angles, je trouve à cette image un petit air satisfaisant qui me pousse à ne pas la jeter, d'autant que s'y sont associés, au moment même où je déclenchais, les quelques mots lapidaires inscrits à côté de la vignette, eux aussi conservés après avoir été notés à la hâte et qui persistent, une semaine plus tard, à sonner comme étant très exactement sa voix.

Oh certes, pas question de plein agrandissement, et encore moins d'impression sur papier, fût-ce en micro-format: elle offre une trop piètre qualité pour cela, en trop basse définition. Mais à condition de la laisser là, aux dimensions d'une vignette et dans ce seul environnement numérique, elle me semble conserver son «petit air satisfaisant». Je me dois pourtant d'être lucide: s'il n'y avait pas à côté de cette vignette les «mots lapidaires» et ensuite ce texte né aujourd'hui – au fil du clavier! fait suffisamment exceptionnel pour être signalé: du texte qui vient, se maintient, résiste aux relectures... sans avoir été précédé de mille repentirs! – si donc il n'y avait pas ces textes, l'image seule disparaîtrait vite au fond de ces oubliettes où échouent les photos ratées. Des culs-de-basse-fosse largement garnis chez moi...

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29 septembre 2018 6 29 /09 /septembre /2018 11:06

Telle après-midi récente, je déambulais dans un jardin voisin, splendidement fleuri, baigné de cette lumière penchée typique des fins d’après-midi automnales et ensoleillées qui allonge les ombres et approfondit les teintes du sursaut de clarté que donne immanquablement la lente approche d’une obscurité (celle du crépuscule ou d’une sombre nue d’orage): il est 16 heures et le soleil achève par une radieuse inclinaison le règne sans partage qu’il a imposé à la journée tout entière. Nul doute qu’il y aurait là une abondante matière photogénique. Et certes autour de moi tout enchantait le regard, depuis la configuration des massifs jusqu’aux plus infimes harmonies dévoilées par les fleurs épanouies. Mais j’avais beau scruter les petites enclaves de réel qui à l’œil nu me paraissaient pouvoir être enfermées «dans le cadre» et s’y mouvoir en motifs signifiants, bernique: ce qu’en pensée je pouvais effectivement photographier ne résistait pas à l’épreuve du viseur et, sitôt l’œil calé derrière, ce qui s’y trouvait enclos était immanquablement frappé d’inanité.


Pourtant, croyant encore à la possibilité d’une prise de vue, je m’arrête en voyant, échappée d’une plate-bande et alanguie au sol, une inflorescence de dahlia au bout d’une tige plus torse que ses pareilles. Une inflorescence touffue, aux délicates nuances de rose thé, resplendissante en elle-même et magnifiée par ce qui l’entoure: végétalités bariolées et polymorphes, légers souffles de brise qui la font frissonner… sans compter les mille autres intangibilités, changeantes à chaque instant, dont la ceint l’univers. Je me suis longtemps attardée, me déplaçant de droite et de gauche, m’éloignant ou me rapprochant, troquant mon 50mm contre un 135 puis revenant au 50mm cette fois armé d’une lentille macro, debout au-dessus de la fleur visée ou au contraire accroupie et presque vautrée à terre pour être au plus près d’icelle et face à face. Je déclenche une fois, puis une deuxième et… j’abandonne. Quels que soient l’optique, l’angle, la posture que j’adopte je n’obtiens dans mon viseur qu’une platitude compositionnelle – et à la clef la conviction que les deux images prises seront à l’avenant, plates. Je remballe mon appareil et ravale un geste de dépit. Non pas tant dépitée de n’avoir rien photographié, ni même de n’avoir rien su exploiter photographiquement de cette gracieuse tête de dahlia mais d’avoir une fois de plus oublié qu’être traversée par un instant visuel n’appelle pas nécessairement le geste photographique. J’ai pu me rendre compte en effet, mais au prix d’une réflexion postérieure, qu’en fait d’« instants visuels» il s’agissait la plupart du temps d’éclairs de conscience où le visible n’a que peu de part et s’inscrit dans une convergence plus vaste et inextricable d’innombrables percepts cristallisant autour d’une «chose vue», qui l’étoffent tant et si bien qu’elle bondit loin hors de son seul aspect. Lors même que l’œil persiste à croire qu’il réagit aux seules formes et couleurs. Point d’instants visuels, donc, mais plutôt des moments privilégiés d’une présence au monde favorisée par le visible mais dilatée par tout autre chose; des «moments d’être-au-monde» où soudain la conscience intime – le soi et le moi mêlés, et compris dans toutes leurs strates même les plus obscures et profondes – s’évase pour très vite se refermer et ne laisser à l’esprit qu’une trace aiguë de cette ouverture fugace, une trace indéfinissable dont pourtant on reste habité, que l’on gardera en soi ardente, rétive à toute transmutation et se pastellisant peu à peu en un très vague souvenir. Car transmuter ces «moments d’être» qui par escarbilles détachent le réel de l’ordinaire est l’affaire des seuls artistes. Et transmuter, c’est éradiquer la platitude.
Ainsi sera plate la photographie où rien ne subsistera de ce «moment d’être» parce que n’affleure aucune trace de cette mystérieuse convergence – plate la photographie qui sera à la «chose vue» ce que «Le soleil se lève» est à l’aurore qu’un fameux poète a dite «aux doigts de rose». L’incommensurable distance séparant ces deux manières de dire définit exactement ce qui sépare l’art de l’ordinaire.

 

***

En quittant le jardin, tandis que je gagne la sortie à pas lents, dépitée comme je l’ai dit et l’œil vacant, soudain un papillon passe devant lui et va se poser sur une branche toute proche, à sa portée, montrant larges ouvertes ses ailes de velours noir embrasé de blanc et d’orange. Se pose, demeure ainsi immobile. Je m’approche, il garde la pose assez longtemps pour que je puisse entre ses ailes veloutées et enluminées voir l’infime duvet dont son corps est couvert. Je crus l’instant figé, puis le papillon s’envola et ce fut comme si le temps retombait sur ses pattes, retrouvait son cours et emportait avec lui la cinglante incidence de cet instant. J’en restai pourtant troublée, au point d’être poussée à l’écrire ici*, après, comme de coutume, force repentirs et reculades. Mais d’où vient donc ce trouble d’avoir vu si nettement à l’œil nu un minuscule détail? Peut-être de ce que je n’étais pas à l’affût, que je ne cherchais pas à le voir et que, le saisissant malgré tout, j’ai eu la sensation d’accepter une offrande.
Indéniablement, un de ces rarissimes «moments d’être-au-monde», qu’il faut consentir à garder en soi, ardent, rétif à toute transmutation et se pastellisant peu à peu en un très vague souvenir

 

* NB. Ce papillon qui fut catalyseur de verbe est familièrement appelé vulcain. Comment aurais-je pu ne pas m'efforcer de forger du texte sous pareil patronage...

 

 

 

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13 juillet 2018 5 13 /07 /juillet /2018 10:20

Aux amis du 7 juillet...

 

Le 7 juillet dernier j’étais conviée à une soirée amicale qui m’amena aux creux d’un paisible jardin où, sitôt installé dans l’un ou l’autre des sièges accueillants disposés sous le couvert d’un vénérable tilleul, l’on oubliait l’environnement urbain et la chaleur ambiante. Finissant le chemin à pied, je marchais au pas ‒ je n’étais pas en retard et il faisait bien trop chaud pour adopter une allure plus vive ‒, allant donc rue du Buisson les yeux en l’air tel le flâneur méditant qui, lâchant la bride aux tortuosités de l’esprit, s’abandonne au seul voir et laisse son regard flotter sans s’arrêter sur rien. Jusqu’à ce que s’inscrive dans mon champ visuel cette vasque rouillée, perchée au sommet d’un pilier de pierre.

Vue en contre-plongée elle montre sous sa large panse un trou, par lequel s’aperçoit une tache d’azur encombrée de ramures. En même temps que surgissent les mots «La chaise percée du ciel!» (qui n’iront pas au-delà d’eux-mêmes et qui pourtant me plaisent assez pour que je les invite là) s’impose la nécessité de capter cet instant visuel. Je n’ai sous la main que mon Samsung Galaxy, le plus léger des équipements photographiques qui soit en ce qui me concerne, justement celui que je convoque quand il s’agit de fixer un instant visuel dans son plus simple… appareil. La rudimentarité de l’appareil photo de mon smartphone de toute manière ne saurait l’assigner qu’à cela: la captation. Captation et non prise de vue: pour la seconde je prends du temps, du temps long, souvent, pour affiner mes réglages, ajuster le cadrage, modifier l'angle jusqu'à ce que, dans le viseur, s'inscrive dès avant l'appui sur le déclencheur l'image que j'aspire à fixer (à telle enseigne que, dans ma pratique du moins, une prise de vue ne peut en aucun cas être «sur le vif») tandis que la première ne requiert que l'immédiate jonction du geste à la pensée pour peu que j'aie sous la main le matériel adéquat. Le temps de la prise de vue laisse toute latitude à l'instant visuel de fuir, de disparaître et de se dissoudre dans le jamais-plus dont, a contrario, la captation peut le sauver. Captation vs prise de vue: une opposition qui ne recoupe nullement le face-à-face argentique/numérique; on peut très bien capter en argentique et réaliser de savantes prises de vue en numérique; ce n'est pas la différence de moyen technique qui est en question mais celle de la posture devant la chose vue.

Donc, cette vasque rouillée... captée, seulement captée...

Malgré la forte luminosité qui perturbe beaucoup l’aperçu une photo est prise mais sans que je puisse immédiatement la visualiser pour estimer sa qualité. Une seule car la sueur perturbe l’interaction des doigts avec l’écran tactile et je ne parviens pas à renouveler la prise alors que j’aurais aimé réaliser quelques variantes… Mais j’ai eu de la chance: après coup, un examen minutieux me confirmera que le cadrage, la définition, les effets chromatiques sont assez bons pour que l’unique photo me procure une émotion analogue à celle ressentie devant la «chose vue», à cela près qu’on ne voit plus à travers le trou une once de ciel, seule persiste la verdure. Cependant, elle est à mes yeux (et à mon esprit) «réussie».

Quelques heures plus tard, tandis que les hautes lumières inclinent doucement vers un crépuscule transparent, on commence à allumer les photophores – bougies protégées de hauts cylindres de verre eux-mêmes encagées dans de fines structures de bois…  puis, au fur et à mesure que l’obscurité gagne, projecteurs et éclairages électriques d’appoint sont à leur tour convoqués. Posés au milieu des assiettes, plats et raviers garnis de mets sur une table basse dont le plateau est de verre transparent, ces luminaires génèrent toute une fantasmagorie de reflets mouvants ‒ petit à petit je me sens happée; les conversations autour de moi se fondent dans l'ouate et s'y brouillent presque jusqu'au silence. N'existent plus que ces reflets qui dansent tels des insectes euphorisés par la lumière, les flammèches  des bougies, et les nappes que tendent les projecteurs jusques au cœur des branchages dont les lignes se trouvent comme rehaussés d'or. Beaucoup d'images sont à capter, me dis-je, et à nouveau je m'empare de mon smartphone. De toutes les captations effectuées et que je n'ai pas immédiatement supprimées en constatant combien elles étaient ratées il n'en reste que peu qui me paraissent dignes d'être mises en ligne ici à l'appui de ce texte dont je sens qu'il est parfois laborieux.

 

Rien de très spectaculaire; un peu plus avant dans la nuit les branches éclairées dessineront des motifs autrement plus féeriques mais les captations ont été si mauvaises qu'elles ont sitôt faites rejoint la corbeille.

 

 

 

 

 

 

Flammes et reflets...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

... dignes à condition d'être réduites à l'état de vignettes et sans autre destination qu'un écran: leur médiocre définition n'autorise pas autre chose et donc me dispense de toute postproduction dépassant l'allègement de l'image. Pourquoi en effet s'échiner à travailler le contraste, les nuances de ton, à maquiller les éventuels bruits intempestifs qui perturbent la lecture quand l'image est vouée à la seule ornementation d'un texte en ligne? Et puis, s'agissant de captation, la notion même de postproduction devient antinomique: si j'assigne à l'appareil la mission de capter, de saisir une chose vue, il me faut ensuite laisser la photo de celle-ci telle qu'elle a été saisie. Si je retravaille l'image après coup, fût-ce sommairement, une distance se creuse avec le surgissement initial; elle n'est plus la trace subsistante d'une chose vue mais un objet visuel que je m'efforce de conduire vers un nouvel aspect afin de le mettre en adéquation la plus étroite possible avec mon intention esthétique.

Il en va de la captation comme du mot ou de la phrase soudain venu: si l'on veut ne conserver lisible que la manifestation d'une instantanéité dont on se dit qu'elle fait sens par elle-même et en tant que telle il ne faut toucher à rien. Mais si l'on veut de cette instantanéité tâcher d'explorer les méandres afin d'en discerner les racines profondes et les ramures projetées, alors il faut la considérer comme un brouillon, comme une matière brute à remettre sans cesse sur le métier... quitte à ne jamais parvenir au moindre aboutissement, qu'il fût visuel ou scriptural.

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14 avril 2018 6 14 /04 /avril /2018 17:31

Samedi 7 avril

Sous le couvert peu dense d’un ensemble d’arbustes à fleurs jaunes dont les feuilles sont encore à l’état de bourgeons à peine visibles et aux pieds desquels on a répandu des brisures de bois, une tulipe a poussé à l’improviste – toute seule de son espèce: à l’évidence  sans qu’aucun des innombrables jardiniers municipaux dévolus à l’entretien des espaces verts y soit pour quelque chose. Une superbe inflorescence rouge s’est épanouie au bout d’une tige d’un vert profond, tendue au milieu de feuilles charnues et de ce même vert de tonalité légèrement bleutée. Ces couleurs d’une extraordinaire densité, ces contours si nettement dessinés ne peuvent pas ne pas accrocher le regard, détachés comme ils le sont sur la vague confusion d’un brun très pâle ponctué de taches marron ou noires que forme le sol garni de débris ligneux. Une île… une île formelle et chromatique qui me happe dès que je l’aperçois et me souffle à la pensée qu’elle est photographiable alors même que je ne suis pas équipée pour photographier: la chose vue, plutôt la mémoire de la chose vue va m'obséder, avec en ombre portée cette obsession seconde: la force de mon intention se maintiendra-t-elle jusqu’à ce que je passe à l’acte,  la prise de vue? Car Je veux saisir cette insularité – tout de suite ce mot s'est imposé. Non pas la tulipe en tant que tulipe, ni la fleur en tant que telle ni même comme végétalité devenue remarquable par ce contexte particulier mais l’insularité que représente, par ses contours et ses couleurs détourés sur ce fond terne et confus, cette tulipe.

Dimanche 8 avril

Je me dispose à revenir, dans l'après-midi, sur les lieux d'une prise de vue ratée – une grossière erreur de cadrage dont je n'avais pas eu conscience en déclenchant, que le développement du film n'avait pas franchement mise en évidence mais qui s'est révélée sur la planche contact, réalisée la veille. Je pense pouvoir aisément corriger mon image puisque je suis certaine de retrouver mon sujet intact – un mannequin en vitrine. Je ne pense plus guère à la tulipe mais elle se rappelle à mon souvenir tandis que je passe devant la plate-bande où elle a poussé. Je m'arrête, tire mon appareil de sa sacoche, et commence à chercher à travers mon viseur un angle qui permette d'y inscrire la tulipe dans la pleine insularité dont mon regard l'a parée. Enfin je crois le trouver; j'affine la mise au point, longuement, patiemment... mais je tarde à déclencher: il y a du vent qui souffle par bourrasques, assez fort pour que le balancement infligé à la fleur la rende floue, donc indistincte du fond que j'ai délibérément flouté en réduisant la profondeur de champ. Heureusement le soleil brille, la luminosité ambiante autorise donc une vitesse élevée qui a toutes les chances de neutraliser ce flou de mouvement. Je crains pourtant que ce flou intempestif ne soit pas tout à fait évité et,  découragée d'attendre que le vent cesse, j'abandonne au bout de trois prises de vue.

Samedi 14 avril

Au développement, la déception est au rendez-vous: j'ai sur ma bande de négatifs noir et blanc trois images pathétiquement brouillonnes, où je ne décèle rien de cette insularité que j'avais espéré restituer par des effets de net/flou qui eussent, par la vigueur de leur opposition, à la fois montré l'acuité des formes florales et exprimé les contrastes chromatiques désormais résolus en nuances de gris. Non seulement la tulipe est minusculisée par un cadrage que je n'ai pas su serrer suffisamment autour de mon sujet mais tout ce qui l'entoure semble également net – ô platitude... Et en dépit de mes efforts de remémoration, je ne parviens pas à déterminer quelles erreurs techniques j'ai commises.
C’était il y a tout juste une semaine. Aujourd’hui l’inflorescence a totalement disparu et de la fière tulipe ne reste plus qu’une tige sans tête, certes toujours aussi verte et vivace mais que l’on ne remarque plus maintenant qu’elle a perdu son oriflamme éclatant. Elle est perdue dans la confusion du sol brun pâle tacheté de noir – je ne peux plus refaire mes prises de vue, en retravaillant mes mises au point en fonction des échecs constatés. Mais en écrivant par le menu ce ratage – d’où a procédé mon intention photographique, comment je l’ai mise en acte, ce qui en a résulté et ce qui a sans doute présidé au vautrage – je m’administre une leçon, je pose quelque chose d’où j’espère tirer un enseignement.
Une correction du geste photographique par le chemin détourné du texte, en quelque sorte...

 

 

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1 février 2018 4 01 /02 /février /2018 11:34

En m'intéressant aux reflets, avec la pluie, en un quart d'heure de marche dans Paris j'ai vu au moins de quoi remplir trois films! s'est exclamé en substance la semaine dernière Dan A., le photographe dont je suis l'enseignement au centre Rébeval. Étant entendu que les films dont il parlait sont des films 24x36 de 36 poses, cela signifie que s'il avait eu entre les mains son boîtier et qu'il ait déclenché à chaque chose «vue», il aurait emmagasiné plus d'une centaine de photos au fil de ce petit trajet à pied! Étant entendu, aussi, que cette centaine de photos ne représente que la fraction photographiable de tout qu’un paysage empluviosé peut offrir d’appétent au regard, parmi quoi un photographe averti sait d’instinct faire le tri entre ce qui gardera (ou prendra) quelque sens une fois figé sur la pellicule puis interprété au labo, et ce qui doit être laissé à son éphémérité surgissante – à sa fulgurance merveilleuse dont ne persistera que la trace enluminée dans la mémoire.


Toutes ces surfaces que les rincées d’averses muent en miroirs (et si mal fidèles, qui déforment à l'envi, redessinent le monde à chaque instant) où la moindre lumière s’égare et s’affole telle une aile irisée… ces matériaux défaits par l'humidité qui paraissent ruisseler avec l'eau dont ils dégouttent… ces remodelages incessants d’un environnement tout entier devenu glaise ductile sous les doigts impatients et perlés de la pluie… ces visions piquetées de mille éclats adamantins en perpétuels glissandos… interpellent le regard tous azimuts et à force le troublent. Lignes bousculées, échos visuels, liquéfactions inattendues qui soudain recomposent les formes en signifiances nouvelles ‒ ô certes on VOIT cet afflux, on s’en abreuve, on VOIT jusqu'à ne plus voir comme un ivrogne trop longtemps privé de vin boit jusqu’à plus soif MAIS qu'est-ce donc que ce «voir»-là, ce «voir» où expirent les frontières séparant le photographiable de ce qui ne l’est pas? Ce n’est pourtant pas faute de chercher à s'approprier ce qui peut se prendre en photo mais lorsque l’on n’est pas suffisamment aguerri pour anticiper avec assez de précision ce que donnera l’extraction de tel ou tel bout de réel transposé en nuances de gris dans un petit rectangle de gélatine puis ce que l’on en pourra faire ensuite sous l’agrandisseur, on s’expose à deux écueils. Soit l’on grille du film en déclenchant sans discernement et l’on se retrouve avec une masse d’images si peu pensées qu’elles sont dépourvues de tout intérêt esthétique et, de fait, ne disent in fine rien des enchantements du regard. Soit on se laisse paralyser par une réflexion trop lente, trop méandreuse et l’on s’abstient de déclencher – on rentre bredouille et ce n’est plus par excès d’images sans intérêt mais par l’absence de toute image que l’on échoue, pareillement, à traduire sous une forme durable quelque chose de son émerveillement.


Mais sans doute vaut-il mieux pécher par abondance: c’est en confrontant aussi souvent que possible le regard tel que vécu dans l’espace et le temps de la vie à ce que l’on en garde sur un film que l’on apprend à mettre en étroite cohérence l’un et l’autre – ou plus exactement à conformer ce que l’on choisit de voir du réel, et comment on choisit de le voir, à ce que sera la photographie que l’on en prend. En d’autres termes, quitte à s’échouer sur un écueil, mieux vaut s’abandonner au premier pour, peu à peu, parvenir à les éviter tous…


Prendre le chemin des mots pour tâcher de trouver celui de la photographie.

 

 

 

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  • : Ce blog au nom bizarre consonant un rien "fantasy" est né en janvier 2009; et bien que la rubrique "archives" n'en laisse voir qu'une petite partie émergée l'iceberg nykthéen est bien enraciné dans les premiers jours de l'an (fut-il "de grâce" ou non, ça...) 2009. C'est un petit coin de Toile taillé pour quelques aventures d'écriture essentiellement vouées à la chronique littéraire mais dérivant parfois - vers où? Ma foi je l'ignore. Le temps le dira...
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