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25 juillet 2011 1 25 /07 /juillet /2011 13:04

Éclats brillantissimes


Le matin, premières frustrations imputables aux chassés-croisés interfestivaliers: à Plamon Jean-Paul Tribout fut seul – Jacques Weber n’était pas encore arrivé d’Avignon, où étaient déjà repartis Jean-Pierre Bouvier, Gaëlle et Claude Merle. Et, le soir, deuxième repli au centre culturel – "deuxième" plutôt que second car il est à craindre que de prochains transferts suivent – qui a sans doute occasionné quelques grincements de dents: Jacques Weber aurait dû jouer sur la place de la Liberté; or, ses gradins étant d’une jauge beaucoup plus importante que la salle du Centre culturel, certains spectateurs n’ont pu être accueillis. Ils seront remboursés, bien sûr. Mais la compensation aura un goût un peu amer…


eclats-de-vie-TN.jpgLes Éclats de vie de Jacques Weber appartiennent à la catégorie des "spectacles-florilèges" que l’on voit régulièrement à Sarlat – un comédien, parfois accompagné d’un musicien, interprète à la suite des textes, théâtraux ou non, empruntés à divers auteurs. Catégorie vaste et diverse… L’an dernier Jean-Marie Sirgue et Serge Rigolet nous avaient présenté  Les Konkasseurs de kakao; en 2007, Pierre Lafont, lui, avait mis le public à contribution: chaque spectateur recevait en entrant dans la salle une liste de textes et le spectacle avançait en fonction de ceux que demandait le public.

La proposition de Jacques Weber est encore d’une autre sorte. Il a puisé chez Edmond Rostand, Artaud, Molière, Maïakovski, Devos, Pagnol, La Fontaine, Duras… des textes qui, d’une manière ou d’une autre, l’ont marqué au cours de sa vie puis les a assemblés en une composition soigneusement élaborée: outre que certaines citations réduites à un seul vers sont glissées à l’intérieur de passages plus longs, des "chevilles" ont été écrites pour créer une continuité et assurer la cohésion des morceaux choisis. C’est une mosaïque complexe, où l’on repère quelques pièces dont il est l'auteur – pour ma part j’avouerai une petite préférence pour sa magistrale "Variation autour de la fable Le Corbeau et le renard", désopilante, pleine de finesse, bien sentie… goûteuse comme un fromage à point dont se délecterait un gastronome.


Le montage est admirable: chaque texte prend sa force de ceux qui l’environnent et des jonctions que Jacques Weber leur a données. Plus encore que les textes eux-mêmes m’ont éblouie la merveilleuse diction du comédien, son jeu qui voyage de la tragédie à la farce en passant par l’humour tendre… Qu’il tonitrue ou minaude, se moque ou s’attendrisse, explose ou murmure: c’est une même bourrasque d’émotion qu’il fait souffler sur le public. De tout le spectacle émane un formidable amour de la langue française, du théâtre, des artistes, comédiens ou poètes… Et une immense tendresse pour les mal-lotis, les pas-gâtés-de-la vie: la gorge se noue quand il dit "Le coupeur d’eau" de Marguerite Duras, on sourit avec presque une larme à la commissure des lèvres quand il portraiture "Le marin", une de ces gueules de chef-d’œuvre aperçue dans un bistrot breton, la tronche à tribord, le blanc sec à bâbord.


À maintes occasions j'ai été étonnée de sa plasticité vocale, qui va bien au-delà de la flexibilité permettant de varier, de nuancer tons et inflexions. Et de sa faculté caméléonienne de devenir, de tout son être, un personnage et d'en changer à vue – par exemple quand il dit le sonnet que Corneille vieillissant adresse à Marquise, rehaussé de deux ou trois vers de son cru: sous la lumière soudain concentrée sur son seul visage en un faisceau unique, le voilà qui s’affaisse sur son siège, agite des mains tremblotantes et fait chevroter sa voix jusqu’a la ténuité… On voit alors cet homme à peine sexagénaire se ratatiner tout d’un coup en un vieillard centenaire, et cacochyme: quelle transfiguration! C’était éblouissant.
Il a été, en toute justice, très applaudi. Je me demande cependant pourquoi, hors quelques spectateurs qui se levèrent, le public ne lui offrit pas d’ovation debout; son talent, la qualité de son spectacle et sa générosité de comédien l’auraient amplement méritée.


Textuellement brillant, théâtralement merveilleux... Je ne vois pas comment conclure autrement ces quelques lignes, dont je doute qu’elles traduisent aussi intensément que je l’eusse voulu la joie jubilatoire que j’ai éprouvée du début à la fin de ce spectacle. C’est toujours culpabilisant de n'exprimer son enthousiasme qu’avec des mots convenus – on en devient plat quand on voudrait s’enflammer en restant simple et sincère…
Je voyais ce soir-là pour la première fois Jacques Weber sur une scène. Ces Éclats de vie ont été une révélation et, désormais, je sais que voir son nom à l’affiche d’un théâtre suffira à m’entraîner dans la salle.

 

 

Ne pouvant être présent à Plamon le lendemain – Avignon oblige… – Jacques Weber a proposé d’échanger avec le public après la représentation. Il nous a consacré une très large demi-heure, pendant laquelle une petite dizaine de questions lui pont été posées; l’écouter répondre a été un réel plaisir qui, telle une ultime délicatesse, a couronné, celui, immense, qu’il venait de nous offrir. Généreux jusqu’au bout, au lieu de s’éclipser sitôt l’échange terminé, il est allé se poster au guichet du centre culturel où l’on vendait le texte de la pièce*, se tenant à la disposition de ceux qui faisaient la queue pour obtenir leur autographe.

 

Des réponses qu'il a livrées au public j’ai, pêle-mêle, retenu quelques bribes, reprises de mémoire:


• S’estimant piètre improvisateur, il ne laisse pas de place à l’improvisation dans son montage et ne s’écarte guère d’un tempo soigneusement minuté, se bornant à s’adapter aux conditions changeant d’une représentation à l’autre. Pourtant, la toute première mouture de ce montage textuel a été une improvisation… Au fil des années le spectacle évolue, se modifie par ajout ou retrait de quelques textes.
• À la question "Quel est pour vous le plus beau vers de la langue française?", il n’a pas répondu en citant de vers précis, mais en expliquant que, selon lui, "le plus beau vers français est le vers racinien" – " le plus beau vers" s’appliquant, ici, à l’ensemble d’une écriture versifiée.
• Des liens très forts, et très intimes, l’attachent au personnage de Cyrano de Bergerac imaginé par Edmond Rostand, qui occupe une grande place dans son parcours d’homme de théâtre; c’est pour cela que les Éclats de vie débutent par une tirade de Cyrano. Et – "c’est un scoop!" a-t-il dit – il est en train d’écrire un livre traitant de ses rapports avec Cyrano dans lequel, ai-je cru comprendre, il dépasse l’autobiographie et observe les significations, les résonances que peut avoir en chacun de nous la figure de Cyrano.


avant-scene-vignette.jpg * Le texte du spectacle a été intégralement publié par L’Avant-scène théâtre n° 111 (mai 2011 – 12,00 €.) dans une mise en page qu’il convient de saluer: des crochets permettent de différencier, au mot près, les interventions de l’auteur des citations proprement dites – lesquelles sont, chacune, précédées d’un titre et du nom de l’auteur. L’on mesure ainsi combien le montage est subtil. Le texte est accompagné d'un bel éditorial d’Olivier Celik, d'un portrait-biographie concis et sensible doublé d’un "parcours d’un comédien exceptionnel" signés Amélie Héliot, et enfin d'un autre "portrait", plus personnel que documentaire, écrit par la vidéaste Louise Traon.

Je lis tout cela avec délices; mes souvenirs du spectacle s'y réchauffent très agréablement...

 

 

Éclats de vie
Montage de textes de Christine et Jacques Weber
Mise en scène :
Christine Weber
Interprétation :
Jacques Weber
Décor :
Christine et Jacques Weber
Costumes :
Daniel Mare
Lumières :
Philippe Dupont
Durée :
1h30
Créé au Théâtre Hébertot (Paris) le 14 décembre 2010.


Représentation donnée le mercredi 20 juillet au Centre culturel de Sarlat.

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23 juillet 2011 6 23 /07 /juillet /2011 13:43

Deuxième spectacle – et premier repli au Centre culturel: les averses éphémères mais récurrentes ont contraint Jean-Pierre Bouvier et Gaëlle Marle à renoncer au cadre intimiste du jardin de Sainte-Claire, qui eût si bien convenu à leur spectacle. Mais ni leurs costumes, ni leur décor n’aurait supporté la moindre goutte de pluie: mieux valait ne pas leur faire courir le risque de précipitations intempestives qui eussent tout gâché. De plus, ce transfert leur aura apporté quelques spectateurs supplémentaires puisque la capacité d’accueil du centre est supérieure à celle des sièges installés à Sainte-Claire.


La-Dame-au-petit-chienTN.jpgTchékhov or not Tchékhov ?


Ceux qui réclamaient à cor et à cri "du Tchékhov" à Sarlat pourront continuer à harceler encore notre peu tchékhovien directeur artistique: Jean-Paul Tribout nourrissant quelques réticences à l'endroit de l’écrivain russe dont l’univers ne lui parle guère, il a beaucoup tardé à inviter l’une de ses œuvres au festival. Sans doute a-t-il cru qu’il allait enfin satisfaire les frustrés quand il a été séduit en voyant cette Dame au petit chien… Las! en dépit du titre, on ne peut prétendre avoir vu jouer "du Tchékhov" ce mardi…
Dans la mesure où La Dame au petit chien est une nouvelle, on se doutait bien qu’il y aurait nécessairement un travail d’adaptation. M
ais "adapter" un texte non théâtral pour la scène ne signifie pas forcément se défaire du texte d’origine – on a vu par exemple l'an dernier une version dramatique des  Travailleurs de la mer signée Paul Fructus dont tout le texte revenait à Victor Hugo; l’on pouvait donc, en toute légitimité, dire que l’on avait vu jouer "du Victor Hugo". Ici le degré de réécriture est tel qu’il s’agit, ainsi que l’a annoncé Jean-Pierre Bouvier lors de la réunion du matin, d’une "véritable création". Une création "à partir de" car l’argument est bien celui de la nouvelle: Dimitri, banquier quadragénaire marié et père de trois enfants, séjourne à Yalta, sur les bords de la mer Noire. Adepte des aventures extraconjugales, il entame, par divertissement, une relation avec Anna, une jeune femme elle aussi mariée et malheureuse en ménage. Elle s’attache à lui, et lui à elle plus qu’il ne l’aurait souhaité. Ce qui avait commencé comme un jeu se développe en une passion dévorante… Mais Claude Merle a de beaucoup dépassé la seule mise en dialogues d’une prose narrative, et le texte de Tchékhov semble n’avoir été qu’un humus nourricier où sa pièce s’est enracinée et a puisé sa sève… Aussi est-ce davantage "du Claude Merle" qui a été monté que "du Tchékhov".
Il n’est pas question de porter sur cette démarche quelque jugement que ce soit: elle relève de la liberté artistique la plus élémentaire. Elle est de toute façon passionnante et j’avoue regretter de ne pas avoir pu en discuter avec Claude Merle après avoir vu le spectacle. Il avait fourni quelques indications le matin, à Plamon – par exemple qu’il avait écrit sa pièce pour Gaëlle, son épouse, et qu'il avait beaucoup consulté la correspondance que Tchékhov a entretenue, à la fin de sa vie, avec Olga Knipper – mais il m’aurait plu de l’interroger plus précisément sur la façon dont il avait mené son travail, construit ses personnages qui ne sont plus tout à fait ceux de Tchékhov… j’aurais aussi aimé soulever la question des références littéraires – le capitaine Achab et Phileas Fogg qui passent et repassent dans les répliques, Maupassant, Hoffmann qui s’y invitent… et tant d’autres choses dont m’auront frustrée les impératifs avignonnais, qui j’en suis sûre n’ont pas dit leurs derniers mots…

 

La représentation, elle, m’a déçue. J’avoue m’être souvent ennuyée, avoir trouvé les silences, fréquents, trop désertiques, et le jeu trop théâtral – Jean-Pierre Bouvier avait l’air d’être sans cesse sous tension, affichant une ardeur à mon sens excessive dans les moments de passion tandis que Gaëlle Merle, à l’inverse, se cantonnait la plupart du temps dans une sorte de distanciation un peu plate que le texte ne méritait pas toujours. Quant aux postures, aux gestes… certes justes et en parfaite résonnance avec les paroles prononcées, ils avaient un  je-ne-sais-quoi d’embarrassé et de crispé – même dans les élans les plus passionnés où pourtant les comédiens sont intenses – qui m’a gênée. Les personnages traversent des situations inconfortables mais l'art n’eût-il pas été, justement, d’exprimer ce malaise… avec aisance?
L’on est censé s’ennuyer à Yalta, soit. Mais ce n’est pas pour autant que le spectateur doit s’ennuyer dans la salle. En ce qui me concerne, j’ai eu de bout en bout le sentiment d’être non pas devant des personnages en train de vivre quelque chose mais face à des comédiens en train de jouer la comédie – je veux dire par là que je voyais sur la scène un effort théâtral, non une suite d’interactions humaines.
Que toutes ces réserves ne m’empêchent pas de saluer les concepteurs des costumes, magnifiques, et du décor, sobre et polyvalent, parfaitement adapté à la structure en tableaux du spectacle.

 

Avec le recul je songe à ce qu’avait dit Nicolas Briançon la veille, à savoir qu’un "costume d’époque" amenait presque toujours un acteur à adopter un certain ton qui conduisait tout droit le spectateur au musée. Sont-ce les costumes fin XIXe – superbes, j’insiste! – qui ont ainsi enfermé Jean-Pierre Bouvier et Gaëlle Merle dans un jeu si visiblement théâtral, comme s’ils étaient en démonstration dans une vitrine?


La Dame au petit chien
Texte de Claude Merle, d’après la nouvelle éponyme d’Anton Tchékhov.
Mise en scène :
Anne Bouvier
Avec :
Jean-Pierre Bouvier et Gaëlle Merle
Scénographie:
Charlie Mangel
Lumières:
Jacques Rouveyrollis
Costumes:
Mahadevi Apavou

Durée :
1h10


Représentation donnée le mardi 19 juillet au Centre culturel de Sarlat.


NB – Le texte de Claude Merle devrait être publié à la rentrée, chez un petit éditeur indépendant.

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20 juillet 2011 3 20 /07 /juillet /2011 12:56

Ouverture
Entre le ciel qui ne cesse de grimacer et les billets qui partent comme s'écoulent les gourmandises périgourdines dans les échoppes gastronomico-touristiques de la ville, le 60e festival des Jeux du théâtre de Sarlat ne débute pas dans la fadeur...

 

Sarlat-2011TN.jpgOuverte au public depuis le 27 juin, la billetterie marche à plein régime et, fait rarissime, trois spectacles étaient déjà complets ce lundi: le Don Juan mis en scène par Francis Huster (quel public résisterait à un duo Molière/Huster? malgré tout, il est probable que les organisateurs ne s’attendaient pas à ce que les places s’arrachassent aussi vite...), l’adaptation du Capitaine Fracasse par Jean-Renaud Garcia, créé récemment à Paris, et le Discours de la servitude volontaire, le fameux texte de La Boétie, adapté et mis en scène par Stéphane Verrue, interprété par François Clavier – qu’une petite forme programmée à Sainte-Claire fasse ainsi gradins combles peut surprendre a priori, mais il ne faut pas oublier que La Boétie est natif de Sarlat.
L’on est heureux que la fréquentation soit d'emblée aussi forte. On ne l’est guère en revanche du temps qu’il fait: versatile, inclinant à l’humide, il risque de beaucoup perturber le déroulement de cette soixantième édition... Sera-t-elle celle des records de replis au Centre culturel? Eu égard aux variations des derniers jours sur tous les tons de la grisaille pluvieuse, la question s’impose…
La veille, la couverture nuageuse n’avait cessé de jouer les transformistes:
tantôt couleur de plomb profond se déchirant d’entailles bleu limpide avant d’être à nouveau saturée d’épaisses nuées grises moirées d’un mauve livide, se dégageant parfois, dans un bref accès de sérénité, jusqu’à un bel azur où moutonnaient de légères masses cotonneuses et rebondies… Instable, crevant en averses brutales momentanément dissipées par un soleil ardent, le ciel saluait l’ouverture du festival en déployant toute la gamme de ses humeurs. Comme pour se mettre au diapason des diversités théâtrales qui, pendant trois semaines, vont s’exprimer à travers vingt et un spectacles à représentation unique. À moins qu'il faille voir dans ces caprices météorologiques un reflet des intermittences du cœur, un des thèmes récurrents de la programmation 2011.
Lundi le temps parut plus clément: le jour s’est levé au bleu. Hélas, la grisaille n’a pas longtemps abandonné la partie, et le soleil a finalement cédé la place à un crachin presque continuel suintant d’un ciel uniformément cérusé qui, de la journée, ne se départit que par moments de son duvet gris pour laisser sourdre une chaleur pesante. Les organisateurs et les artistes firent  malgré tout le pari de maintenir la représentation en plein air, au jardin des Enfeus…  Bénévoles et techniciens ont dû beaucoup travailler pour préparer le plateau et rendre accueillants les gradins: il n’y avait pas une once d’humidité sur les sièges et l’on put s’installer à l’heure voulue. Les nuances du ciel crépusculaire n’étaient pas inquiétantes outre mesure et l’on pensa pouvoir bénéficier d’une trêve durable. L’on crut même à la paix quand, à la tombée de la nuit, le firmament se piqueta d’étoiles. Mais le ciel est décidément aussi traître que le discours d’un séducteur patenté: la représentation s’acheva sous une pluie fine – peut-être histoire de prendre au mot Nicolas Briançon qui, le matin à Plamon, avait affirmé avec force son goût pour le jeu en plein air quelles que soient les intempéries…

 

cieux-sarladaisTN.jpg

 

Mémoire - et bribes plamonaises


Pour préoccupante qu’elle ait pu être, et menaçante pour le spectacle du soir, la pluviosité ambiante n’eut pas pour autant le rôle principal à la première réunion de Plamon, qui eut lieu, comme de coutume, le matin à onze heures – c’est à peine, d’ailleurs, si elle fut évoquée. Anniversaire oblige, on célébra l’histoire du festival et, pour cela, deux invités exceptionnels avaient été conviés: Hélène Aligier – qui a participé au tout premier événement théâtral organisé en 1952 en tant que stagiaire du ministère de la Jeunesse et des sports (dont dépendaient, alors, les affaires culturelles) et a créé le rôle de Jeanne dans la pièce de George Bernard Shaw, Sainte-Jeanne – et Roland Monod, grand homme de théâtre qui fut pendant de longues années inspecteur général au ministère de la Culture. Souvenirs personnels, anecdotes savoureuses, retours historiques... ils régalèrent le public de leurs interventions. Leurs propos étaient passionnants, bien sûr, mais il y avait aussi la vibration chaleureuse de leur voix, l’éclat dans leurs yeux, leur sourire – ils rayonnaient et, avec eux, l’aurore du festival. Tous deux avaient interrompu leur séjour en Avignon pour venir à Sarlat; ils assistèrent à la représentation inaugurale du soir – l’on avait confié à Hélène Aligier la mission de prononcer LA phrase, un peu solennelle, déclarant "ouverte la soixantième édition du Festival des jeux du théâtre de Sarlat" – mais ne revinrent pas à Plamon: Avignon les rappelait. La parenthèse aura été trop brève…
Avant cette émouvante plongée historique, Nicolas Briançon, relayé parfois par Anne Charrier qui sur scène lui donne la réplique, a présenté la pièce qu’il a mise en scène à partir de deux œuvres a priori trop distantes pour qu’on les imagine jouées ensemble – La Nuit et le moment, de Crébillon fils, et Le Pain de Ménage, de Jules Renard – mais qui, en lui, résonnent fort bien l’une avec l’autre. Il s’est expliqué avec clarté, le regard brillant et la parole allègre – voici les grandes lignes de ce que j’en ai retenu, livrées avec toute la réserve qu’imposent les probables infidélités de mémoire et les erreurs de compréhension.

 
Nicolas Briançon à propos du Moment de la nuit

Ce qui m’a motivé pour revenir vers ce texte de Jules Renard que j’avais déjà monté, c’est une volonté de le reprendre pour l’approfondir, pour le peaufiner, pour essayer d’aller un peu plus loin. Lors de cette première approche, je l’avais monté avec une autre pièce de Jules Renard, Le Plaisir de rompre. Ces deux pièces sont ce que l’on appelle des "levers de rideau", c’est-à-dire des pièces courtes, que l’on jouait d’ordinaire à la Comédie-Française avant les spectacles plus importants et qu’il est assez rare de représenter de manière autonome. Je n’avais pas été le premier à réunir ces deux levers de rideau: avant moi, Bernard Giraudeau et Anny Duperey avaient joué Le Pain de ménage et Le Plaisir de rompre ensemble – avec un grand succès. Si je n’ai pas voulu reprendre ce spectacle-là, c’est en partie parce que Le Plaisir de rompre, même si c’est une pièce magnifique, me semble, dans son contexte, un peu plus datée socialement – on a du mal à trouver un référent actuel à cette maîtresse plus âgée et plus riche que son amant qui pousse celui-ci vers un mariage richement doté. Pour moi, Le Pain de ménage est un véritable chef-d’œuvre de 40 minutes et je voulais vraiment retravailler à partir de cette pièce. Ce désir a croisé ma rencontre avec Anne Charrier, que je connais depuis longtemps – elle a d’abord été mon élève à l’ESAD, elle a joué dans Le Menteur, de Corneille (qui a été joué ici, sur la place de la Liberté) – on a tourné ensemble dans une série télévisée (Maison close) puis on s’est dit qu’on aimerait bien revenir au théâtre. Tout ça a fait qu’on s’est retrouvé autour du Pain de ménage. Je cherchais un texte susceptible d’aller avec cette pièce, et j’ai d’abord pensé à demander à des auteurs contemporains de l’écrire, en travaillant autour des idées du Pain de ménage – c’est-à-dire la séduction, l’adultère, l’usure du couple, des rêves… et puis les auteurs que j’ai sollicités, après avoir réfléchi à la question, ont décliné ma proposition – passer après Jules Renard les intimidait, semble-t-il…; du coup ça a poussé ma réflexion; d’abord je me suis dit que dans le fond, la situation des deux personnages ne serait peut-être pas si différente que ça aujourd’hui, malgré la libération des mœurs, malgré trente ans de féminisme… d’autre part, même si je gardais cette intention de jouer ce texte-là comme s’il avait été écrit aujourd’hui, je me suis dit que je pourrais chercher, dans le passé, des auteurs qui, avant Jules Renard, avaient aussi abordé cette question de la séduction, et j’ai songé à La Nuit et le moment de Crébillon fils. C’est un texte très différent, qui se déploie dans un univers très différent, écrit dans une langue totalement différente, et pourtant j’ai trouvé dans ce texte-là quelque chose qui en moi faisait écho au texte de Jules Renard. J’ai donc travaillé le texte de Crébillon fils pour l’adapter – c’est un roman dialogué, qui n’est donc pas jouable tel quel et chaque fois qu’il est monté, c’est toujours sous forme d’adaptation. Je n’ai pas changé les mots, j’ai simplement coupé, et j’ai interrompu l’action avant qu’elle ne cède. Parce que je trouvais intéressant de traiter cette partie-là du roman. Puis on a mis ces deux textes en écho, et ça a eu l’air de fonctionner. Ce sont deux textes du passé – l’un du XVIIIe siècle, l’autre du XIXe siècle – et je les ai transposés, dans une époque indéterminée mais qui est à l’évidence contemporaine, même si je n’ai pas voulu multiplier les signaux indiquant la période actuelle, ni surajouter d’accessoires: il n’y a pas d’images vidéo, de téléphone portable ni d’écran plasma dans la chambre… par contre ils sont pensés de façon très contemporaine, et les costumes sont contemporains. Quel que soit le costume, je ne vois pas d’autres façons d’aborder aujourd’hui les textes du passé. J’ai toujours transposé un peu; je trouve que le costume conditionne le jeu de l’acteur; dès que l’on met un "costume d’époque" sur le dos d’un comédien il a tendance à prendre un certain ton et le spectateur a tout de suite l’impression d’être au musée. Le costume contemporain permet – ce n’est pas une règle ni une recette – de rapprocher le texte du comédien et du spectateur.

 

Discours et sentimentmoment-nuit.jpg


Qui que l’on soit, je ne crois pas que l'on puisse jamais approcher les textes de manière aussi intime, profonde, charnelle, vivante... que les comédiens et metteurs en scène, fût-on grand érudit. Je craignais donc que m'échappassent ces liens entre La Nuit et le moment, et Le Pain de ménage. De plus, je venais de découvrir le texte de Crébillon fils; en effet son style est littéraire, travaillé et savant – les subordonnées s'intriquent, les imparfaits du subjonctif se succèdent, le tout au service d'un discours où s'enchaînent raisonnements et démonstrations parfois spécieux... et je me demandais bien ce que ce dialogue, si écrit qu'il ne semble pas pouvoir être dit, allait devenir sur scène. Nicolas Briançon avait convenu que ce texte était le plus difficile qu'il ait eu à apprendre, et sur l’exemple de cette seule phrase (qui n'est pas la plus retorse)  – Cidalise à Clitandre: […] Convenez que si je vous prête quelques motifs, je dois du moins beaucoup au moment, de cette violente passion que vous voudriez que je vous crusse on comprend pourquoi.

 

Autant écrire tout de suite qu’à la scène rien ne se perçoit de ces difficultés. Le texte de Crébillon fils est littéralement transfiguré par l'interprétation des deux comédiens; leur diction le rend aussi conversationnel que peut l'être un échange parlé, leur gestuelle souple le soutient et l’accompagne le plus harmonieusement du monde… Entre Nicolas Briançon et Anne Charrier, ces phrases si savamment élaborées que se lancent Cidalise et Clitandre fusent et pétillent, se creusent de silences habités de subtils jeux de regards, d'infimes inclinaisons de tête... Les deux comédiens parviennent à donner à ce verbe ardu de tels accents qu'il en devient charmant à l'ouïe sans rien perdre de ses formes contournées. Et par cette admirable fluidité – de diction, de jeu, de postures – la continuité s’établit sans peine avec le texte de Jules Renard qui, lui, est beaucoup plus accessible à nos oreilles d’aujourd’hui.
Bien sûr la cohérence du spectacle ne tient pas qu’à cela: décor et costumes y ont leur part.
Inspiré par l’intérieur d’un appartement haussmannien, le décor, sobre et plutôt dépouillé, est conçu de telle façon qu’avec peu de changements l’on glisse de La Nuit et le moment au Pain de ménage en passant de la chambre où s’entretiennent Cidalise et Clitandre au salon où conversent les personnages de Jules Renard. Les costumes ont cette même sobriété, signalant davantage le rang social qu’une époque trop précise: Cidalise et Clitandre apparaissent comme deux bobos noctambules, hauts escarpins et magnifique robe de soirée noire à bustier pour elle, ensemble pantalon-veste-T-shirt noirs pour lui et lunettes de soleil; les personnages de Jules Renard portent quant à eux des tenues classiques, élégantes mais confortables, évoquant celles que les représentants d'une "classe moyenne supérieure" peuvent adopter en voyage. Entre les deux univers dramatiques, cohésion d’ensemble et singularisation s'unissent, et l'harmonie est scellée par une interprétation juste et sensible, en un mot excellente, qui par petites touches fait affleurer les sentiments sous la carapace des discours que se tiennent, aussi bien chez Crébillon que chez Jules Renard, des êtres peinant à laisser parler leur cœur. 

 

Le matin, à Plamon, Jean-Paul Tribout avait eu une de ces formules dont il est coutumier et que l’on retient presque à son insu tant elles sont pertinentes et bien sonnantes: Faire de la mise en scène ne se limite pas à organiser les choses, cela signifie "produire du sens". Il est clair que Nicolas Briançon a "produit du sens", qu’il a apporté de la signifiance à ces deux textes en les organisant en diptyque et que cette signifiance est très finement mise en évidence par les options dramaturgiques… Mais elle n’aurait pas été perceptible si l’interprétation n’avait pas été d’une telle qualité. Grâce à son talent et à celui d’Anne Charrier, les distances de temps, de ton, de style qui séparent La Nuit et le moment du Pain de ménage ont été abolies sans que soient effacées les singularités respectives des deux œuvres. Du grand, et bel art théâtral!  

 

 

Au moment de la nuit
D’après La Nuit et le moment, de Crébillon fils, et Le Pain de ménage, de Jules Renard.
Mise en scène et adaptation :
Nicolas Briançon, assisté de Pierre-Alain Leleu
Avec :
Nicolas Briançon, Anne Charrier
Décors :
Pierre-Yves Leprince
Costumes :
Michel Dussarat
Durée :
1h30
Représentation donnée le lundi 18 juillet au Jardin des Enfeus.

 

NB – Joué avec succès au Studio des Champs-Élysées – il y a eu une centaine de représentations – le spectacle a désormais un avenir nébuleux: "Il y a une tournée prévue en octobre 2012 mais, d'ici là, peut-être que la représentation sarladaise sera la dernière..." a annoncé Nicolas Briançon. Espérons qu'il se trompe!

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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 09:10

visuel-sarlat-2011TNDu lundi 18 juillet au vendredi 5 août 2011 aura lieu le soixantième festival des jeux du théâtre de Sarlat.

Voilà une de ces échéances décimales que l’on aime à célébrer. On la pressentait; elle approchait... et déjà en 2010 la question avait été posée aux organisateurs: "Comment allez-vous marquer le coup?" À quoi il avait été répondu que rien n’était encore décidé mais qu’il était à peu près certain qu’il n’y aurait pas de grosses dépenses exceptionnelles – les contraintes budgétaires sont telles que, pour faire briller plus haut une soixantième édition, il aurait fallu restreindre les moyens consentis aux autres éditions, et cela n’était satisfaisant pour personne. C’est un sacré défi que de vouloir commémorer un anniversaire, mais sans être dispendieux ni avoir l’air de déshabiller Pierre et Paul pour offrir à Jacques de la soie… La conférence de presse qui s’est tenue le 11 avril dernier laisse supposer que le gant sera relevé avec talent et intelligence.


Il n’y aura pas de feux d’artifices ni de fêtes somptuaires, mais une exposition retraçant l’histoire du festival qui occupera la salle du Peyrou du 15 juillet au 4 août, et l’on s’apprête à publier un livret spécial compilant documents et photos glanés auprès de témoins de tous ordres qui ont suivi le festival d’année en année. Quant au programme… Chaque année il fait de son mieux pour qu’il soit attrayant et il ne croyait pas possible de "faire mieux que mieux". Pourtant si, Jean-Paul Tribout, directeur artistique chargé de la programmation, a fait encore mieux que de coutume, justement en ne se départant d’aucun des principes qui fondent l’esprit du festival et en composant son "menu" comme il en a l’habitude quand les circonstances invitaient à tomber dans l’ostentatoire… Ainsi a-t-il concocté une "assiette" plus sarladaise que jamais, toute brillante de cet enthousiasme déployé pour réunir en un chœur harmonieux vedettes et artistes moins connus, pièces fameuses et textes oubliés, auteurs contemporains et stars classiques, grands spectacles et petites formes, théâtre pur et théâtre musical, metteurs en scène pondérés dans leurs approches et d'autres beaucoup plus audacieux...


Le programme est déjà en ligne sur le site du festival. Je me bornerai ici à ajouter pour chacun des vingt et un spectacles à l'affiche, outre quelques commentaires qui pourraient me venir à l'idée, ce petit zeste apéritif que leur a donné Jean-Paul Tribout en ayant toujours à portée de phrase l’anecdote ou le mot qui personnalise une présentation – et sauf indication spéciale, toutes les citations lui sont empruntées…


Lundi 18 juillet. Jardin des Enfeus
Au moment de la nuit. D’après La Nuit et le moment de Crébillon Fils, et Le Pain de ménage, de Jules Renard. Mise en scène par Nicolas Briançon.
Chacun de ces textes aborde, à sa façon, la question de la relation de couple. Nicolas Briançon a imaginé que les deux personnages en train de se livrer aux jeux de la séduction dans la pièce de Crébillon Fils étaient les mêmes que ceux du Pain de ménage, quelques années plus tard. Ils se sont mariés chacun de leur côté et se retrouvent par hasard pendant les vacances tandis que leurs conjoints respectifs sont ailleurs… Pour improbable qu’elle puisse paraître, cette fusion entre des textes émanant d’auteurs aussi différents, et éloignés dans le temps, fonctionne paraît-il à merveille – dixit Jean-Paul Tribout…


Mardi 19 juillet. Abbaye Sainte-Claire
La Dame au petit chien. Texte de Claude Merle, d’après Anton Tchekhov. Mise en scène d’Anne Bouvier.
Question de séduction encore avec cette adaptation théâtrale d’une nouvelle de Tchekhov où, dans une station balnéaire, un homme et une femme entament par jeu une liaison amoureuse qui évolue en passion. Gaëlle Merle est Anna, mariée à un homme qu’elle n’aime pas, Jean-Pierre Bouvier est Dimitri, riche banquier passionné d’opéra et séducteur impénitent.
Au vu de la distribution, un vieux souvenir remonte... Jean-Pierre Bouvier en visite au collège où je terminais ma troisième, après une représentation de Ruy Blas. Il y tenait le rôle-titre. Le ver de terre amoureux d’une étoile (V. Hugo) avait admirablement parlé et de la pièce, et de son travail de comédien. Sa conviction et sa présence avaient su capter l’attention de toute une classe…

 

Mercredi 20 juillet. Place de la Liberté
Éclats de vie. D'après des textes d'auteurs classiques et contemporains. Mise en scène et interprétation: Jacques Weber.

L'on voit régulièrement à Sarlat des comédiens se risquant seuls en scène pour interpréter des textes non théâtraux puisés à diverses époques et montés en mosaïque – je me souviens en particulier de Jean-Marie Sirgue qui a joué Les Konkasseurs de kakao l’an dernier, et de Pierre Lafont qui, en 2007, se faisait guider par les demandes des spectateurs pour établir son florilège textuel. Spectacles intimistes par excellence n’exigeant pas de dispositif scénique très lourd, ces pièces, que goûte surtout un public d’amateurs avertis, sont idéales pour des espaces à petite jauge comme la cour de l’abbaye Sainte-Claire. C’est pourtant sur la grande scène de la place de la Liberté que seront joués ces Éclats de vie, un spectacle que Jacques Weber a créé voici quarante ans et qu’il améliore, qu’il travaille, qu’il recrée sans cesse depuis… Le pari est sans doute osé que de compter sur un "seul-en-scène" pour remplir des gradins capables d’accueillir 1200 personnes… Mais cela avait très bien fonctionné l’an dernier – le public s’était pressé pour aller voir Francis Huster interpréter sa version de La Traversée de Paris, de Marcel Aymé – et le pari sera probablement gagné à nouveau cette année car la notoriété de Jacques Weber, à l’instar de celle de Francis Huster, s’étend bien au-delà du cercle des seuls habitués des théâtres. Et puis il y a son talent particulier, son rapport exceptionnel à la langue française… À coup sûr les spectateurs seront très nombreux…

 

MmeRaymonde_TN.jpgJeudi 21 juillet. Jardin des Enfeus
Madame Raymonde exagère. Texte et mise en scène de Philippe Bilheur et Denis d'Arcangelo.

Madame Raymonde est une femme assez spéciale – c’est, en, fait, un monsieur… Entendez par là un personnage incarné par Denis d’Arcangelo et que Jean-Paul Tribout situe entre Betty Boop et Pauline Carton… voilà ce qui s’appelle trouver les mots pour éveiller sinon l’intérêt immédiat du moins la plus grande curiosité. Si l’on ajoute que le spectacle a été inspiré à ses auteurs par une rencontre avec Arletty, l’appât est complet…


Vendredi 22 juillet – Place de la Liberté
La Comédie des erreurs. Texte de William Shakespeare, mise en scène de Dan Jemmett.
L’on avait été privé de Shakespeare l’an dernier par un violent orage qui avait eu la très mauvaise idée d’éclater juste avant la représentation de La Nuit des rois et de ne pas se calmer assez tôt pour permettre malgré tout aux comédiens de jouer. Le souvenir un peu amer de cet incident a peut-être sa part dans le désir qu’a eu Jean-Paul Tribout de réinscrire très vite le nom de Shakespeare au programme mais, cette fois, par le biais d’une pièce bien moins connue que La Nuit des rois. La Comédie des erreurs repose sur un thème souvent exploité par le théâtre depuis l’Antiquité: les confusions et quiproquos provoqués par la gémellité. Déjà emplie de fantaisie par son auteur, nul doute que, montée par Dan Jemmett – metteur en scène anglais désormais installé en France et réputé pour être le grand déconstructeur de Shakespeare (Aurélien Ferenczi dans un article paru sur le site de Télérama)
la pièce va certainement décoiffer, et pas qu’un peu…

Samedi 23 juillet. Jardin des Enfeus
L’Or. D’après Blaise Cendrars, mise en scène de Xavier Simonin.
Son nom n’apparaît pas, mais sa patte y est: Jean-Paul Tribout a participé au montage de ce spectacle; d’ailleurs Xavier Simonin est l’un de ses compagnons de route, que l’on avait vu dans Nekrassov puis dans Donogoo. On retrouve également l’harmoniciste Jean-Jacques Milteau – l’harmonica, instrument emblématique de la ruée vers l’or, s’imposait pour accompagner musicalement l’histoire de Johan August Suter, qui a quitté sa famille pour aller faire fortune en Californie…


Dimanche 24 juillet – Place de la Liberté
Don Juan. Texte de Molière, mise en scène de Francis Huster.
Ce Don Juan-là commence en 1951, en Avignon: Jean Vilar et ses comédiens apprennent par la radio que Louis Jouvet vient de mourir. Ils décident alors de monter son Don Juan. Cette pièce, qui sera donc un emboîtement de mises en abyme, n’est pas encore un spectacle abouti quand a lieu la conférence de presse; il est en cours de préparation et la distribution n’est pas arrêtée. Par là elle est emblématique de la démarche du comité organisateur qui, faute d’avoir suffisamment de moyens pour produire des spectacles, montre son courage et sa volonté de soutenir les artistes en prenant chaque année le risque d’inviter des pièces en cours de montage. Certes, on a là un auteur vedette, un texte vedette, un comédien-metteur en scène vedette qui coiffera ses deux casquettes pour rendre hommage à deux monstres sacrés du théâtre français – Louis Jouvet et Jean Vilar – et l’on pensera que la prise de risque est tout de même minime. Mais il ne faut pas oublier qu’en matière de spectacle vivant, rien n’est jamais assuré et qu’un cumul de grands noms ne garantit ni une qualité optimale, ni un engouement du public…


laboetie_TN.jpgLundi 25 juillet. Abbaye Sainte-Claire
Discours de la servitude volontaire. Texte d’Étienne de la Boëtie, mis en scène par Stéphane Verrue.
Ce discours a été écrit aux environs de 1546. Il résonne continument à travers les siècles, comme tous les textes fondateurs de la pensée, ou de la sensibilité qui, quelle que soit leur ancienneté, demeurent de tous temps intelligibles et porteurs de sens. La lumière qu’il jette aujourd’hui sur l’état de la pensée et de la réflexion en France justifie pleinement qu’un homme de théâtre s’en soit emparé pour l’adapter à la scène. Et comme son auteur est natif de Sarlat, mettre ce spectacle à l’affiche s’imposait… plus que jamais cette année où le soixantième anniversaire du festival incline à saluer un peu plus bas que d'habitude la ville qui est son berceau à travers l’une de ses grandes figures littéraires.

 

Mardi 26 juillet. Jardin des Enfeus
Derniers remords avant l’oubli. Texte de Jean-Luc Lagarce, mise en scène de Julie Deliquet.
Jean-Luc Lagarce,
mort prématurément du SIDAcompte aujourd’hui parmi les auteurs contemporains les plus joués en France. Il a écrit ce texte en 1989. On y sent néanmoins l’empreinte d’un esprit que l’on associe généralement à la grande époque contestataire de Mai 68 – cette tendance qu’ont certains à tenter l’aventure d’un mode de vie en marge des conventions qui régissent la société moderne. La pièce se situe à la campagne, dans une ferme qu’un trio d’amis – une femme et deux hommes – avait achetée plusieurs années auparavant pour y vivre ensemble. Vint un moment où le groupe a éclaté. Un seul des trois est resté à la ferme, les deux autres sont partis et ont fondé une famille chacun de leur côté. Puis ceux qui sont partis reviennent: il faut vendre cette maison acquise en commun. Est-ce "rentrer dans le rang" que de remettre ainsi en question ses choix passés? C’est, en tout cas, faire le deuil de ses rêves de jeunesse, estime Jean-Paul Tribout. C’est une pièce qui nous concerne tous et qui, personnellement, me touche beaucoup… conclut-il avant de souligner la qualité de jeu des comédiens.

 

Mercredi 27 juillet. Abbaye Sainte-Claire
Jupe courte et conséquences. Texte et mise en scène d’Hervé Devolder.
Sans doute est-ce là une de ces petites perles, discrètes et que l’on n’attend ni par son titre ni par le nom de son auteur ou de ses interprètes, qui émaillent toujours l’affiche du festival sarladais; une de ces pièces vers laquelle on n’irait pas spontanément mais qui, ainsi offerte, tente indiciblement et que l’on est enchanté, en quittant sa place, d’avoir découverte. D’ailleurs le directeur artistique dit avoir été très agréablement surpris par ce très joli spectacle et en être sorti comme s’il avait dégusté une coupe de champagne… À partir du regard que pose un monsieur sur la jupe d’une jeune femme qui passe commence une sorte de jeu, nullement libidineux ni machiste mais relevant des virevoltes de la séduction – thème omniprésent cette année semble-t-il…

 

Cap-fracasse-long-TN.jpg


Jeudi 28 juillet. Jardin des Enfeus
Il capitano Fracasse. D’après Théophile Gautier, texte et mise en scène de Jean-Renaud Garcia.
À partir du roman célébrissime de Théophile Gautier, Jean-Renaud Garcia a écrit une adaptation en vers, qu’il met en scène avec chants et musique – jouée avec des instruments du XVIIe siècle. Ce réjouissant divertissement de cape et d’épée, qui sera véritablement "chez lui" à Sarlat et dont diverses versions parcourent l’histoire du festival, sera créé le 24 mai prochain au Théâtre 14 Jean-Marie Serreau (20 avenue Marc Sangnier - 75014 Paris. Contact réservation: 01.45.45.49.77). Le spectacle a son site, au bout de ce lien.

 

Vendredi 29 juillet. Centre culturel, salle Paul Eluard
Mot à mot. Spectacle jeune public écrit par Anne Kellen et mis en scène par Jean-Daniel Laval.
L’on voit tous les ans des spectacles "tout public", accessibles aux enfants autant qu’attrayant pour les adultes – par exemple les pièces de tréteaux jouées au Jardin du Plantier, auxquelles s’ajoutent des adaptations scéniques de grands classiques comme Le Tour du monde en 80 jours ou Les Voyages de Gulliver. Mais il y avait plusieurs années que les tout-petits n’avaient pas eu un moment théâtral qui leur fût particulièrement destiné. Avec Mot à mot, un spectacle à la fois amusant et intelligent qui travaille sur le mot et l’image qui dure moins d’une heure de façon à être visible par des enfants à partir de 3 ans, le comité du festival renoue avec cette heureuse tradition et contribue ainsi à faire naître chez les spectateurs de demain de belles envies de théâtre. Le centre culturel, après de longs travaux, est à nouveau disponible; cela permet d’offrir deux spectacles le même jour – celui-ci proposé à 17 heures, et un second en soirée, cette fois pour les adultes…

 

celine_TN.jpgVendredi 29 juillet. Abbaye Sainte-Claire.
Dieu, qu’ils étaient lourds! D’après Louis-Ferdinand Céline. Mise en scène de Ludovic Longelin.
Programmer un texte de Céline, l’un des auteurs français les plus controversés
au point que Frédéric Mitterrand a dû retirer son nom de la liste des pesonnalités dont on allait en 2011 commémorer l’un ou l’autre anniversaire – n’a pas été sans poser des difficultés… Je comprends que cela puisse choquer certaines personnes, explique Jean-Paul Tribout. Car le moins qu’on puisse dire est que politiquement, Céline a été une véritable ordure à certains moments. Mais en dépit de ses actes et attitudes les plus révoltants, il reste un écrivain qui a révolutionné la littérature. C’est finalement cette dimension-là du personnage qui l’a emporté: on verra donc à Sarlat une pièce tirée d’un des derniers textes de Céline, Les Entretiens avec le professeur Y. dans lequel il évoque ce que sont pour lui l’art, l'écriture, les écrivains...

 

Samedi 30 juillet. Jardin des Enfeus
Les Femmes savantes. Texte de Molière, mise en scène d’Armand Delcampe.
Nous voilà de retour chez les classiques, tant au niveau de l’auteur et du texte, que du metteur en scène – j’écris cela en songeant au travail qu’il avait réalisé sur un autre grand classique moliéresque, Tartuffe ou l’imposteur, vu l’an dernier à Sarlat, et je ne crois pas qu’il y ait à redouter un spectacle par trop déconcertant à force d’outrances et de prétentions au modernisme. Quant à la pièce elle-même, j’ai encore toute fraîche à l’esprit la version qu’en avaient donnée Arnaud Denis et les Compagnons de la Chimère, et je suis très curieuse de lui confronter celle d'Armand Delcampe…

 

Dimanche 31 juillet. Abbaye Sainte-Claire
Journée SACD. Deux spectacles entrecoupés par la conviviale Assiette périgourdine avec un seul billet.
À 18 heures, Bruno Tuchzer interprète sa propre adaptation d’Une mort moderne: une conférence du Dr Storm, un texte de l’auteur suédois Carl Henning Wijkmark qui traite, de manière corrosive, des rapports entre le monde politique et celui de la santé. Dans cette conférence, le Dr Storm se propose de résoudre de nombreux problèmes, et ceux qui se posent en France actuellement – comment combler le trou de la Sécurité sociale, favoriser l’emploi des jeunes, régler les problèmes de la dépendance… - y trouvent paraît-il leur solution. On comprend pourquoi le comité du festival a eu envie de programmer cette lecture…
À 21 heures, David Lescot, dramaturge, comédien et musicien, interprète un de ses textes intitulé La Commission centrale de l’enfance, écrit en souvenir des vacances d’été qu’il a passées dans les colonies estivales mises en place sous cette appellation par les organisations juives communistes de France après la Seconde Guerre mondiale.


affiche_Che-TN.jpgLundi 1er août. Jardin des Enfeus
Le Crépuscule du Che. Texte de José Pablo Feinmann, mis en scène par Gérard Gelas.
La situation dramatique est, de prime abord, quasi fantastique puisque l’argument de la pièce est un face-à-face entre Che Guevara en train de vivre ses dernières heures en octobre 1967 – il va être exécuté au matin – et un journaliste d’aujourd’hui qui est venu l’interroger avec, en tête, tout ce que légende, mythification et médiatisation ont construit autour de lui. Il ressort de cette étrange confrontation un regard inédit sur un personnage charismatique et une réflexion sur ce qu’est une révolution, pourquoi elle échoue… Toutes questions qui demeurent intemporelles.
Le spectacle a été créé en 2009 au théâtre du Chêne noir à Avignon.

 

 

Mardi 2 août. Abbaye Saint-Claire
Don Juan. Texte de Molière, mis en scène et interprété par Laurent Rogero.

De la place de la Liberté à l’abbaye Sainte Claire, des mains du metteur en scène vedette venu de Paris à celles du jeune artiste installé en Aquitaine – Laurent Rogero et sa compagnie, le groupe Anamorphose sont basés à Bordeaux: la pièce de Molière voyage entre deux pôles opposés pour mieux dévoiler aux spectateurs sa richesse et la diversité des appropriations qu’elle permet. En programmant deux versions de Don Juan la même année, le comité du festival invite très clairement les spectateurs à oublier qu’ils "connaissent l’histoire" et qu’ils ont tout à gagner à scruter la façon dont elle est racontée… 

 

Mercredi 3 août. Jardin des Enfeus.
Vol au-dessus d’un nid de coucou. Adaptation de Dale Wasserman d’après un roman de Ken Kesey, mise en scène de Stéphane Daurat.
Au seul énoncé du titre, nous serons nombreux à nous souvenir du film de Milos Forman, devenu culte, avec Jack Nicholson et Louise Fletcher. Nous serons sans doute beaucoup moins nombreux à savoir que le film est tiré d’un roman – le premier que publia l’écrivain américain Ken Kesey (1935-2001), figure importante du mouvement psychédélique – et qu’il y eut, bien avant l’adaptation pour le grand écran, une transposition théâtrale de ce même roman, écrite par Dale Wasserman. C’est elle que met en scène Stéphane Daurat, de la compagnie Caravane: très sensible aux résonnances qu’a aujourd’hui ce texte datant des années 1960, il lui a semblé qu’il était de nature à divertir tout en renvoyant chacun à sa propre histoire, à son expérience et au monde dans lequel il vit. Et s’il a eu envie de monter cette pièce, c’est en songeant qu’elle pouvait nous inciter à lutter contre toute forme d’oppression par l’énergie libératrice qui s’en dégage (propos adaptés de la "note d’intention" de Stéphane Daurat, publiée sur cette page du site de la compagnie Caravane).

 

cabaretastro_TN.jpgJeudi 4 août. Jardin du Plantier
Cabaret Astroburlesque. Écrit et conçu par Dominique Paquet et Patrick Simon, mis en scène par Patrick Simon.
Avec ce spectacle s’opère une petite plongée dans l’histoire du festival: Dominique Paquet est la fille de Raymond Paquet, un des premiers metteurs en scène invités à Sarlat – il a présenté, en 1953, un Impromptu de Sarlat, d’après Molière. De plus, Dominique Paquet et sa compagnie, le groupe 3.5.81, sont des habitués du festival – ils ont récemment régalé les festivaliers avec Au bout de la plage, le Banquet en 2006 et Le Ventre des philosophes en 2008. Et puis la pièce, créée à l’occasion de la Fête de la science et mêlant chant, danse, mosaïque textuelle… est emblématique des grands principes qui guident les organisateurs: mêler les genres, et instruire le public tout en l’amusant. Jouée au Plantier, elle incarnera cette année la tradition sarladaise qui épingle tous les ans à son programme un spectacle de tréteaux.


Vendredi 5 août. Jardin des Enfeus
Fatrasie ou la fabuleuse histoire de Louis Leroy. Écrit et mis en scène par Pierre Leriq.
Pierre Leriq est un artiste au parcours un peu particulier, qui fait maintenant du théâtre… électro-rock… Pareille présentation faisant suite à une brève explication de ce qu’est la fatrasie, on se doute que le spectacle doit en effet être un joyeux fatras – il faut imaginer la musique d’Erik Satie associée à un défilé de majorettes… Jean-Paul Tribout, en disant de cette Fatrasie qu'elle est déjantée, jouée avec une énergie magnifique, nous convainc d’avance de l’inscrire dans notre "carnet de festival", histoire d’être sûrs de quitter ces trois semaines flamboyantes dans la joie et l’humeur allègre, point trop tristes de voir le rideau tomber jusqu’à l’été suivant…  

 

Voilà, le programme est dressé. Sur le papier, tout est parfait. Reste à espérer que rien ne vienne empêcher l’un ou l’autre spectacle d’être joué. Que la billetterie affiche très souvent "complet". Et que le calendrier des comédiens et compagnies invités soit assez clément pour qu’aucune réunion de Plamon ne se tienne in absentia… Car ces rendez-vous matinaux sont des moments privilégiés d’échanges et l’on est toujours un peu triste, un peu déçu lorsqu’en arrivant Jean-Paul Tribout annonce que, pour cause de présence requise en d’autres lieux les comédiens du spectacle donné la veille ne viendront pas et que ceux de la pièce du soir, contraints d’arriver sur le tard dans la journée, seront eux aussi absents. Il est ainsi arrivé quelquefois au directeur artistique de se retrouver seul maître de cérémonie. Mais cela n’a jamais nui à la qualité des réunions plamonaises: quelles que soient les circonstances et les difficultés, Jean-Paul Tribout se montre d’un talent égal pour animer les conversations, apporter des informations, distribuer à chacun la parole, piqueter d’humour ses propos et, avec lui, on ne risque pas d’entendre les dialogues jouer les soufflets trop vite sortis du four…


Maintenant, le plus dur est à faire: réfléchir et choisir – pour cela les festivaliers potentiels ont du temps devant eux puisque la location n’ouvrira au public que le lundi 27 juin (les membres actifs de l’association organisatrice bénéficieront, eux, d’une petite longueur d’avance et pourront louer leurs places dès le 22 juin). Mais au fait… pourquoi choisir? Pourquoi ne pas se laisse tenter par un semi-marathon théâtral et voir TOUS les spectacles? Ce serait une belle façon, pour le spectateur amateur, de souffler ces soixante bougies sarladaises et d'adresser aux organisateurs le remerciement qu'ils méritent pour le fabuleux travail qu'ils accomplissent d'une année l'autre…

 

Le président Jacques Leclaire, les membres du Comité et Jean-Paul Tribout ont présenté le programme de la soixantième édition du Festival des jeux du théâtre de Sarlat lors de la conférence de presse qui s’est tenue le lundi 11 avril 2011 à 18 heures à la salle Molière de Sarlat.

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