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20 novembre 2011 7 20 /11 /novembre /2011 10:09

Je suis rarement l’actualité de près. J'ai continué de m'en éloigner quand les journaux télévisés – mes principales sources d'information – ont commencé à consacrer une large part de chacune de leurs éditions aux discours, programmes et autres "menus de campagne" des candidats à la prochaine élection présidentielle. J’ai atteint ce point de lassitude que même les rouges et les verts me déçoivent… passons. Je n’ai donc appris que mardi dernier en soirée, par un courriel émanant du service "communication" des éditions Actes Sud, le décès d'Hubert Nyssen, survenu le 12 novembre en sa maison du Paradou. Il avait, ajoute-t-on, souhaité que sa disparition ne soit rendue publique qu'après les obsèques qui ont eu lieu le 15 novembre au matin. La nouvelle ne m’a guère surprise; je la redoutais depuis que j’avais vu s’interrompre le fil quotidien des Carnets qu’il publiait sur son site, pages dans lesquelles il mentionnait, de plus en plus souvent, diverses souffrances. Ses notes se sont espacées dès l’automne 2010, la dernière qu’il a écrite date du 24 janvier 2011. J’avais d’abord espéré qu’il s’agissait d’une absence momentanée et que la vigueur finirait par lui revenir. Mais le silence a persisté; février a passé, puis mars, avril… et les Carnets restaient vierges. "Il doit être bien las, sans doute gravement malade, pour ne plus se délier les doigts sur le clavier de son ordinateur ", ai-je pensé à maintes reprises.
Aura-t-il
seulement pu, avant d’être trop fatigué, sortir de sa période de quarantaine le roman auquel il travaillait en 2010 et dont ses Carnets portent trace, qu’il avait intitulé L’Orpailleur? Peut-être des publications posthumes me répondront-elles bientôt…  

 

grenier-au-noir.jpgCette disparition me bouleverse bien que je n’aie pas eu l'honneur de compter parmi ses familiers – collaborateurs, amis, complices, admirateurs, disciples… À titre professionnel je ne l'ai même rencontré qu'une seule fois, le 2 juin 2008: je devais écrire un article pour la revue belge Le Carnet et les instants qui commémorât le trentième anniversaire de la maison qu'il avait fondée. À cette occasion, il avait accepté de me recevoir pour me raconter "l'aventure Actes Sud" et m'avait fixé rendez-vous chez lui, dans son mas provençal sis à quelques kilomètres d'Arles. J’ai gardé de cette entrevue un souvenir prégnant. D’abord parce qu’être ainsi admise à son domicile m’est apparu comme un privilège. Et parce que les heures que j’ai passées à l’écouter dans son Grenier ont été d’une qualité rare – mais, en quelque dix années de rencontres et d’interviews j’ai connu beaucoup de moments aussi intenses. Celui-ci pourtant a laissé une empreinte d’une profondeur unique, à cause d’une émotion singulière et inattendue…
Quand, aux alentours de 13 heures, mon interlocuteur s'est avisé qu’il était peut-être temps de clore l’entretien, il pleuvait. Estimant qu’attendre le car pour Arles sous la pluie n’était pas très agréable, il me proposa de retser déjeuner. Après quoi sa femme me ramènerait en voiture à mon hôtel. Sollicitée, elle accepta tout de suite et voilà que je finissais cette interview attablée en compagnie d’Hubert Nyssen et de Christine Le Bœuf, bavardant avec eux de choses et d’autres comme feraient de bons amis. Alors que nous nous voyions pour la première fois! J’en étais tout émue. Et mon trouble s’accrut parce qu’en voyant mes hôtes se sourire et se regarder pendant que nous conversions, j’ai senti vibrer entre eux cette même tendresse qui unissait mes grands-parents chez qui, enfant, je passais toutes mes vacances. Pour intempestives qu’aient été ces réminiscences elles n’en furent pas moins douces, et je ne remercierai jamais assez juin d'avoir été si peu estival en cette année 2008…


Avant les retours de souvenirs, il y avait eut des leçons… Au cours de l’entretien Hubert Nyssen a maintes fois évoqué les conseils qu’il prodiguait à ses collaborateurs ou bien aux jeunes écrivains peu aguerris; telle une abeille butinant, je mémorisai avec soin tout ce que je pensais devoir m’être utile. Par exemple cette recommandation de ne jamais s’astreindre à lire l’intégralité d’un manuscrit qui rebute: plutôt que d’alimenter son exaspération en poursuivant une lecture désagréable, mieux vaut tâcher de déterminer pourquoi on est rebuté. Ou bien cet exercice un peu rébarbatif de prime abord mais excellent pour forger la manière de quiconque prétend "écrire": choisir, chez l’un de ses auteurs préférés, un passage que l’on affectionne puis le recopier à la main et à la plume – "Pas au stylo bille: à la plume, c’est important!", avait-il martelé – en prenant soin de ne rien omettre, ni ponctuation, ni alinéa. Je me suis amusée, quelques jours plus tard, à recopier, à la main et à la plume ainsi qu’il le préconisait, un passage d'À La Recherche du temps perdu. L’effet a été magique: à chaque mot tracé sur la feuille de papier je sentais s’ouvrir devant moi un nouvel accès à la phrase proustienne; il me semblait voir saillir des articulations secrètes, souterraines, que la lecture ne m’avait pas révélées. Et, ô surprise… l’exercice m’a montré un défaut – entre deux points, la très longue phrase était ponctuée de telle sorte qu’à un moment de l’énoncé se faisait attendre un mot, verbe, substantif ou adjectif je ne sais plus, qui ne surgissait pas. La faille est minuscule; j'ignore s’il faut l’imputer à Proust ou bien à un relecteur inattentif mais je suis convaincue que même une lecture des plus minutieuses serait demeurée impuissante à mettre au jour cette fissure.
Aujourd’hui encore, je fais mon miel de ces précieux pollens butinés au Grenier. Précieux au point que je me suis crue quasi miraculée, fécondée par eux et capable enfin de commettre un récit complet, montrable, qui dépassât le stade du brouillon et fût, après quelques mois de travail, susceptible d’attirer son œil de lecteur intransigeant, de lui donner envie de me prodiguer ses patientes remarques – retour d’Arles je m’imaginais devenir un jour l’élève d'Hubert Nyssen. Il n’en a rien été; je n’ai pu que rédiger l’article prévu, paru dans le numéro 153 du Carnet et les instants, et préparer une transcription publiée in extenso sur lelitteraire.com
(le premier volet est à ouvrir ici, à partir d'où l'on se dirigera vers les trois autres). Je crois que ces textes lui ont plu ce qui, pour moi, est déjà magnifique. 

 

À la suite de cette rencontre mémorable je me suis mise à lire assidûment ses Carnets, longs paragraphes mêlant événements familiaux, souvenirs, réactions face au monde qui va – ou ne va pas et c’était alors des colères canalisées par une prose ciselée – humeurs météorologiques décrites avec poésie et humour… Par plaisir de jouir de son écriture ailleurs que dans ses romans, mais aussi parce qu’en revenant ainsi virtuellement au Grenier, j’avais l’impression de revivre ce que j’avais éprouvé ce 2 juin 2008. Très souvent ce qu’écrivait Hubert Nyssen me donnait envie de réagir, de lui écrire en retour – mais ces mots qui se pressaient longtemps sur d'improbables brouillons finissaient en général à la corbeille car, à chaque fois, je me disais qu’ils étaient indignes d’être envoyés à un homme qui maniait la langue française avec autant d’exigence et de virtuosité. Quelques courriels lui sont tout de même parvenus, rédigés comme sur la pointe des pieds – et toujours j’ai reçu des réponses, certes brèves mais où, en peu de mots, se tenait blotti le témoignage que j’avais été lue avec attention et bienveillance. Parfois, une seule phrase m’arrivait – elle était aussi vaste que le geste avec lequel on ouvre la porte de sa maison à un ami. Peu à peu, pourtant, mes messages se sont raréfiés: je devinais, dans les pages des carnets de moins en moins remplies, une fatigue croissante, et j’osais d'autant moins lui écrire, craignant d’être importune. Peut-être ne l’aurais-je pas été. Peut-être que… voire que… Mais les choses en sont là: je n’ai pas su entretenir ces liens ténus qui ont couru à travers la Toile – en ai-je seulement mesuré la valeur?


Tout cela est un piètre tissu de mots qui, je le sens bien, n'exprime pas avec la justesse recherchée mon émotion ni la prégnance des leçons que j'ai retenues de lui. Alors j’y ajoute cette image. Une sorte de lueur m’a traversée en la retrouvant quelque part dans mes archives photographiques: ce que j'éprouve ressemble assez à cette obscure rose fanée. Une désolation courbe, pareille à  la longue révérence que tire un saule pleureur penché comme pour s'y noyer au-dessus d'une rivière.  

 

grenier-au-noir2.jpg

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21 septembre 2011 3 21 /09 /septembre /2011 08:37

affiche-festival-TN.jpgDepuis le 9 septembre et jusqu’au 19 novembre 2011, le théâtre parisien Le Ranelagh*, dirigé par Catherine Develay, propose un Festival Obaldia. À l'origine de cette manifestation, nul événement particulier ni anniversaire décennal d'aucune sorte; rien autre que le désir – et le plaisir – de rendre hommage au grand écrivain qu'est René de Obaldia. Et le célébré de se réjouir de l'initiative, d'un ton plein de cet humour fin, décalé, qui le caractérise:

Ah, quel bonheur! écrit-il dans le dossier de présentation. Trop souvent on honore les auteurs une fois qu’ils sont morts. L’originalité, ici, c’est que les festivités autour de l’œuvre de Obaldia ont lieu de son vivant (dernièrement, je l’ai encore rencontré).
Six spectacles différents vont à tour de rôle occuper l'affiche du théâtre en ce début d'automne – trois œuvres dramatiques,  une adaptation du recueil poétique Les Innocentines et deux florilèges de textes – accompagnés d'une série de lectures, programmées un lundi sur deux à 21 heures. En outre, les spectateurs qui n'auraient pas le bonheur de connaître textuellement René de Obaldia pourront quitter le théâtre avec l'un ou l'autre de ses livres sous le bras: quelques-uns d'entre eux les attendent, bien exposés sur une table muée pour l'occasion en librairie éphémère.

 

La générale de presse du spectacle ouvrant la programmation – Du vent dans les branches de sassafras, mis en scène par Thomas Le Douarec – a été marquée, après les saluts, par une chaleureuse intervention de Patrick Préjean (John-Emery Rockefeller dans la pièce); il appela sur la scène René de Obaldia, qui prononça à son tour quelques mots, et salua Michèle Morgan, présente quelque part dans la salle – elle est en effet la marraine du festival... et la cousine de l’auteur! La grande comédienne n’a pas rejoint ses camarades sur le plateau; elle a simplement lancé depuis sa place d’une voix qui avait l’air de rire encore qu’elle avait passé une formidable soirée… Bien qu’elle n’ait pas quitté son siège, il était cependant facile de deviner où elle était assise: au point de convergence des lignes invisibles qui prolongeaient les téléobjectifs géants qu’une poignée de photographes tout d’un coup levés comme un seul homme braquaient sur elle, faisant crépiter leurs flashes en rafale… Joie, émotion, et vibrants applaudissements du public: le festival a été dignement inauguré.

 

Les mystères du Kentucky –
ou comment la fortune vint aux Rockefeller sassafras-TN.jpg

 

Essayer de raconter ce qui se passe entre la ritournelle inaugurale – la "chanson du bœuf corné", celui qu’en anglais on met dans son assiette sous le nom de corned beef, tant apprécié du cow-boy affamé – et la scène finale où l’on décompte, hypnotisé par la vision, les puits de pétrole surgissant au fond d’une boule de cristal (en fait une de ces boules à facettes parure obligée des boîtes de nuit) relève de la gageure. D’abord parce que les événements pullulent en un joyeux débordement: en trois actes et sans quitter la maison des Rockefeller, on s’attable, parents et enfants se disputent comme dans n’importe qu’elle famille réunie pour le repas, on fume le calumet de la paix, on est attaqué par les Indiens, une enfant naturelle retrouve son père et épouse l’homme de sa vie avant d’expirer, un beau ténébreux fait son entrée (fracassante, of course) et séduit la fille du patriarche, on meurt, on ressuscite, on déclame et l’on chante, le tout sur fond d’extases extralucides quasi orgasmiques provoquées par les révélations d’une boule de cristal (qui n’est pas en cristal). Et puis ce serait réduire à une histoire, fût-elle à aspérités multiples, un pur bijou textuel, fourmillant d’allusions, de références, où les fleurs stylistiques se cueillent jusque dans les didascalies alors même qu’elles ne s’entendent pas sur scène.

 

Pas question de raconter l’inénarrable, soit. Mais au moins puis-je en quelques mots saluer le travail de Thomas Le Douarec, qui résonne formidablement avec la luxuriance du texte. Il amène sa part d’allusions, parfois très contemporaines – on entend passer le nom de David Guetta dans une de ces répliques où les mots s’envolent mus par leurs seules sonorités – et ne lésine sur aucun effet. Lumières, jeux d'ombre, bruitages, (ah… le tintement du crachat au fond du crachoir invisible…), musique enregistrée se complétant de morceaux joués en direct, intermèdes chantés en chœur ou en solo – et avec quel talent…. C’est du théâtre total, formidablement réjouissant et magnifiquement interprété par des comédiens qui tous respirent la joie de jouer.
Thomas Le Douarec signe là sa deuxième mise en scène de ce délectable "western français". Il annonce, dans sa note d’intention, qu’il va entièrement [se] libérer de sa première mise en scène, changer de comédiens, de costumes et de décors. Et qu’il entend proposer un spectacle qui soit l’équivalent des comédies-ballets en vogue à la cour au temps de Molière. Quelque chose me dit que, de ce côté-là, il a remporté son pari.
 

 

 

Du vent dans les branches de sassafras
Mise en scène :
Thomas Le Douarec
Avec :
Mehdi Bourayou, Michèle Bourdet, Charles Clément, Marie Le Cam, Philippe Maymat ou Thomas Le Douarec, Christian Mulot, Patrick Préjean, Isabelle Tanakil
Lumières :
Pascal Noël
Costumes :
Argi Alvez pour les Mauvais Garçons
Décor :
Claude Plet
Musique :
Mehdi Bourayou
Durée :
1h50

Jusqu'au 19 novembre. Du mercredi au samedi à 21 heures, le dimanche à 17 heures.

 

 

Balade en  rouge et noir, par un académicien verdoyant obaldia-sur-scene-TN

 

René de Obaldia seul en scène invitant le public à une balade guidée au fil de quelques extraits choisis de son œuvre: cela promettait d'être un moment théâtral et humain exceptionnel. C'en fut un. À ne rater sous aucun prétexte...

 

Le rideau se lève sur un décor qui en impose, un peu solennel peut-être avec ces grandes photographies noir et blanc suspendues à leur fil tenant au plafond, bordées du même rouge que l’étoffe satinée dont est recouverte, à grands flots drapés, la table derrière laquelle René de Obaldia est assis, de noir vêtu et le buste droit, souriant. Face à lui reposent des livres éparpillés, sans doute de façon très calculée, faussement improvisée. Une lumière pleine baigne la scène, l'atmosphère est à la franche convivialité, au diapason du "Chers amis" dont René de Obaldia gratifiera plusieurs fois les spectateurs. L'adresse touche; elle n'est pas un artifice oratoire: par le ton qu'il emploie et la douceur de sa voix on se sent véritablement, sinon en amitié du moins en étroite complicité avec l'écrivain.

 

Pendant une heure il nous conduit à travers sa vie et ses textes, tantôt lisant, le regard baissé sur des feuillets que l’on entraperçoit derrière les replis rouges, tantôt levant les yeux droit vers nous pour raconter une anecdote et alors la parole se libère, s’enrichit de ces petits signes propres au discours oral et l’envie est presque là d’engager avec lui la conversation. Allant glaner dans ses écrits comme un magicien puise dans son chapeau une poignée de pensées aphoristiques et lapidaires qui font briller les incongruités de la vie et du langage, de larges extraits de ses pièces, de ses romans, il lit en jouant des intonations et des inflexions vocales avec autant d’aisance qu’il s’amuse avec les ressources de la langue écrite. Il s’interrompt de temps à autre pour livrer une "petite histoire", un souvenir… et les mots de prendre le ton de la confidence. Son art de dire fait merveille quand il s’agit de se glisser dans la peau de cet instituteur au drôle d’accent que fascine "Le plus beau vers de la langue française" – un alexandrin aux pieds parfaits: Le geai gélatineux geignait dans le jasmin. Quel régal d’entendre sa voix caracoler sur les assonances, allègre, vive, s’élever, se poser sur une syllabe puis repartir – comme un geai folâtre et pas gélatineux vraiment. C’en est un autre de l’écouter imiter, au détour de deux ou trois répliques, Michel Simon se préparant à endosser le rôle de John-Emery Rockefeller…
On se délecte de son humour tout en finesse, on rit beaucoup. Mais pas toujours: parfois le propos s’assombrit – par exemple quand il lit ce passage du Centenaire, où le personnage interpelle Agnès, sa défunte épouse qu’il a tendrement aimée. Ou quand il évoque sa captivité en Pologne, pendant la Seconde Guerre mondiale;
parce qu’il n’y avait que cela sur quoi il pût écrire il lui fallait arracher des lambeaux de papier à des sacs d’emballage pour garder trace des poèmes pour enfants qu'il tâchait alors de composer et qui deviendront, plus tard, Les Innocentines.  

 

Quand à la fin il se lève, sous les ovations des spectateurs, il rayonne et l’on applaudit de plus belle. En le voyant rejoindre les coulisses à petits pas, le cœur se serre un peu, quand même – l’ombre du grand âge se profile que sa voix et sa présence avaient réduite à néant.
Chapeau (très, très) bas, monsieur l’Académicien-encore-vert: en plus d'être un grand écrivain vous êtes un formidable diseur. Vous avez offert au public, avec une insigne simplicité, un intense moment de drôlerie et d'émotion. Merci.

 

Obaldia sur scène
Montage d'extraits de textes et d'anecdotes conçu et dit par René de Obaldia.
Représentations un lundi sur deux à 19 heures soit les 3, 10 et 31 octobre, puis le 14 novembre.

 

 

* Le théâtre Le Ranelagh est situé 5 rue des Vignes, dans le 16e arrondissement de Paris. Le site du théâtre, très bien conçu et agréable à visiter, donnera à ceux qui ne le connaissent pas un avant-goût virtuel de ce lieu exceptionnel. Vous y trouverez, en outre, toutes les informations dont vous pourriez avoir besoin pour suivre le Festival Obaldia.

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19 juin 2011 7 19 /06 /juin /2011 09:20

affiche_salieriTN.jpgPour moi dont la culture musicale avoisine le zéro absolu, le nom de Salieri n’est rien autre qu’une ombre vague accolée au nom de Mozart, rescapée sans doute des quelques rudiments d’histoire de la musique que l’on m’a enseignés à l’école et dont j’ai gardé quelques restes loin enfouis. Je ne connais pas davantage la nouvelle de Pouchkine, "Mozart et Salieri", dont Jean Hache s’est paraît-il inspiré pour écrire sa pièce Salieri, le mal-aimé de Dieu. Pourtant je n’ai pas hésité à demander une invitation en découvrant qu’il y en avait à disposition dans le n° 193 de la gazette En attendant…* – la lecture de la brève présentation figurant sur le site du Lucernaire avait suffi à piquer mon intérêt. Et ce à quoi j’ai assisté m’a véritablement comblée…

 

Des volets de bois tout écaillés entrouverts sur de solides barreaux ferment chaque côté de la scène et encadrent un mobilier rudimentaire – un banc, une bassine, un guéridon… C’est la chambre d’asile où Salieri vit ses dernières années. Lorsque celui-ci paraît, le spectateur le découvre vieilli et débraillé, s’apprêtant à prendre un bain de pied. Il est vêtu d’une chemise à jabot de dentelle dont le décolleté n’est pas fermé et qui pend par-dessus une culotte portée sans bas. Son corps est maigre, légèrement voûté, son visage émacié; ses traits sont taillés à la serpe, creusés par des restes de céruse accrochés çà et là tels les vestiges d’une splendeur passée qui affleure, encore, dans le gilet brodé qu’à un moment il enfile, dont les riches motifs font pâlir davantage les tristes habits qu’il couvre en partie. Ses premiers mots sont empreints de lassitude – tout est fatigué: l’homme, les vêtements, le décor… Il vient d’être visité par deux de ses anciens élèves, Schubert et Beethoven. Cela le ramène en arrière; il se rappelle son passé. Peu à peu c’est un autre musicien, mort déjà, qui finit par occuper presque toutes ses pensées: Mozart. Mozart qui, parfois, lui donne la réplique – une voix off – avec autant de vigueur que s’il était là en chair et en os.

 

Salieri évoque ses origines, sa carrière, sa musique, son appétit sensuel grand encore qui lui fait trouver accorte la veuve de Mozart et regretter telle ancienne maîtresse – tendre fantôme suggéré par une silhouette qu’esquissent, encoignée derrière les barreaux, peut-être des rameaux desséchés ou bien des lambeaux d’étoffe, on ne sait pas très bien… Il parle de lui, mais surtout de Mozart, oscillant sans cesse, à l’égard de celui-ci, entre aigreur et admiration ardente – non, plutôt qu’oscillation entre ces deux pôles il faudrait parler de l’expression d’un sentiment complexe où, à la reconnaissance du génie mozartien et à la jalousie se mêle une mésestime de soi n’allant pas sans la conscience d’avoir tout de même du talent, à quoi s’ajoute une sorte de pitié envers un jeune prodige transformé en singe savant par son père… Comme Jean Hache excelle à dire tout cela! Outre que le texte est d’une extrême finesse, le jeu et l'élocution sont admirablement modulés. Les phrases sont si excellemment écrites et dites que, sans avoir pu les lire – je n'ai pas eu entre les mains le texte de la pièce, qui n'a sans doute pas encore été publié – quelques-unes me sont restées gravées en mémoire. À propos de Mozart, par exemple: Tout son être était musique (...) juste occupé à mettre ensemble des notes qui s'aiment, comme il disait. Puis, plus tard, après avoir évoqué sa mort: Quelle dérision! Le génie devenu marchandise ! Mais au moins on se souvient de lui… Et enfin cet ultime aveu d'admiration, qui clôt le spectacle avec un peu, encore, de cet humour qui le parcourt tout entier: L’heure de la soupe… Avec la musique de Mozart c’est ce que je préfère!

Tour à tour cynique, cinglant, pathétique, lubrique, geignard, imprécateur… le comédien incarne un Salieri animé d'émotions très diverses dont toutes les nuances sont exprimées. Le jeu est intense, la diction précise et juste qui donne à chaque mot, prononcé à la perfection et vibrant d’émotivité, sa plénitude! Habité par son personnage, Jean Hache irradie d’une présence magnétique. À travers la voix de Salieri c’est, au fond, un grand hommage qu’il rend à Mozart et, surtout, à la Musique.

 

Texte délectable, diction parfaite, interprétation magistrale, mise en scène remarquable: c'est un superbe moment théâtral dont on peut jouir sans rien savoir de la musique ni de ceux qui la font. Si, en revanche, on est mélomane averti, et fin connaisseur de cette page d'histoire où se croisent Salieri, Mozart, Bach, Schubert, Beethoven... alors sans doute aura-t-on l'impression de toucher au paradis. Si Salieri est convaincu de n'avoir pas été aimé de Dieu, il ne fait aucun doute que l'auteur-interprète a, lui, bel et bien été touché par quelque Grâce...  

 

 

Salieri, le mal-aimé de Dieu
Texte de Jean Hache
Mise en scène:
Jean Hache et Roland Hergault
Avec:
Jean Hache (Salieri) et la voix d'Emmanuel Ray (Mozart)
Son:
Jean-Michel Oberland
Lumières:
Roland Hergault
Costumes:
Ateliers de la Dame à la Licorne
Durée:
1 heure 10

Du mardi au samedi à 18h30 jusqu'au 27 août.

"Théâtre rouge" du Lucernaire - Centre national d'art et d'essai, 53 rue Notre-Dame-des-Champs – 75006 Paris Tél. : 01 45 44 57 34.

 

* Encore une soirée théâtrale que je dois à la gazette En attendant..., de Pierre François – cette lettre hebdomadaire envoyée le mardi par voie électronique et à laquelle on s'abonne gratuitement en s'inscrivant à earedac@maktoob.com. Chaque semaine une trentaine d'invitations en tout permettent de découvrir quatre ou cinq spectacles. Et deux courtes chroniques, l'une théâtrale, l'autre traitant d'une exposition, achèvent d'attiser les curiosités.


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26 mai 2011 4 26 /05 /mai /2011 09:00

couv-folio_lechange.jpgLorsqu’à l’automne 2008 j’avais été conviée à une représentation de L’Échange au théâtre de la Colline, mis en scène par Yves Beaunesne, j’avais profité de l’occasion pour lire le texte, et faire ainsi mes premiers pas dans l’œuvre de Paul Claudel. Je n’ai pas pu aller au bout de ma lecture…

 

THOMAS POLLOCK NAGEOIRE
[…]
Pensez-y, jeune homme! je suis un homme religieux mais si je veux (avec une gravité onctueuse)
Avoir
Une chose,
Vous comprenez? C’est le devoir! il n’y a pas moyen autrement.
Il faut.
Vous êtes Louis Laine et je suis Thomas Pollock!
(L’Échange – deuxième version, acte I, p. 176 de l’édition Folio reprenant celle du Mercure de France de 1964)


Déroutée par une multitude de traits stylistiques qui, pour moi, valaient échardes, je me suis lassée et j’ai abandonné le livre sur son étagère, sans le terminer. Je ne parvenais pas à m’accommoder de ce curieux mélange de lyrisme, de poésie presque grandiose et de familiarité – voire de trivialité – dans les répliques, tant au niveau du lexique que des tournures et sans que ce mélange puisse être attaché à un personnage plus qu’à un autre. Il m’était tout aussi impossible de me représenter quelles pouvaient être les inflexions de ces phrases parfois bizarrement ponctuées, disposées tantôt comme des vers libres, tantôt comme de la prose conversationnelle – même en suivant, mentalement, les quelques indications de diction très précises données par l’auteur. Je n’entendais rien; un obstacle se dressait entre le texte et moi qui m’empêchait d’être sensible aux enjeux de la pièce et à ce que pouvaient figurer les personnages.
J’ai alors réalisé qu’une lecture, même silencieuse, n’est jamais muette: l’on accroche toujours, plus ou moins consciemment, une musicalité, un rythme aux mots qu’on déchiffre sur le papier ; les syllabes chantent dans l’esprit du lecteur. Sourde aux inflexions des phrases de Claudel, je l’étais du même coup au sens de la pièce.

 

Mais j’étais certaine qu’entendre ces phrases dites par des comédiens allait me rendre ce sens accessible; de fait, je comptais beaucoup sur le spectacle d’Yves Beaunesne. Ai-je été déçue? Sans doute; bien que je n’aie rien noté de mes impressions sur le moment, j’entrevois dans un lointain coin de mémoire, en retrouvant aujourd’hui le carton d’invitation coincé dans le livre inachevé, la vague trace grise d’un ennui analogue à celui que m’avait inspiré la lecture. Je pouvais m’estimer définitivement fâchée sinon avec Claudel, du moins avec cette pièce-là.
Pourtant j’ai répondu sans hésiter à une nouvelle offre m’invitant à assister à une représentation de L’Échange… Évidemment pas par affection pour un texte que, malgré une seconde
approche, je ne parviens décidément pas à pénétrer. Simplement parce que la pièce était montée par la compagnie des Larrons, dont le travail sur Le jeu de l’amour et du hasard, de Marivaux, puis sur Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, de Musset, m’avait enthousiasmée. Et les Larrons m’ont, une fois de plus, enchantée.


Affiche_echange-TN.jpgXavier Lemaire a choisi de mettre en scène la deuxième version de la pièce, écrite plus de cinquante ans après la première – celle, écrit-il dans sa note d’intention née de la volonté de Jean-Louis Barrault. Parce que, poursuit-il, je la ressens plus essentielle, plus charnelle, plus joueuse, plus théâtrale, bref, plus moderne, avant d’évoquer une certaine paternité de Paul Claudel sur Tennessee Williams. Je ne saurais commenter ces références – ma culture littéraire et théâtrale limitée ne me le permet pas – ni, bien sûr, la comparaison que le metteur en scène établit entre les deux versions du texte. Tout au plus puis-je noter que le décor – une modeste cabane de planches, jouxtée d'une balançoire accrochée à un portique et prolongée par des pontons de bois
– répond à ce que suggèrent les didascalies, plutôt vagues (L'Amérique. Littoral de l'Est) et que les costumes, évoquant la fin du XIXe siècle, sont conformes à ce que propose Claudel concernant la situation chronologique (De préférence quelque temps après la Guerre de Sécession).

 

La fidélité de Xavier Lemaire à l'auteur s’est étendue jusqu’aux indications de diction: "J’ai tâché de les respecter", me dit-il quand, après la représentation, j’eus le plaisir de converser un peu avec lui. "En essayant de comprendre à chaque fois pourquoi Claudel voulait que telle phrase fût dite de cette façon-là."

Il s’agit donc d’une véritable intériorisation; sans doute est-ce pour cela qu’il a pu guider les comédiens autant que se guider lui-même dans l’assimilation d’un texte difficile et aboutir à une interprétation d’ensemble aussi magistrale. Car ce ne serait pas assez d’écrire que les comédiens, formidables, portent le texte: ils le révèlent, et révèlent toutes les complexités des personnages qu’ils incarnent. Par leur jeu, sensuel et pudique, intense et sobre, autant que par leur diction, qui coule avec un naturel auquel je ne croyais pas qu’il fût possible d’atteindre à partir d’un phrasé aussi retors que celui de Claudel, ils donnent chair, âme et douleur à Marthe, Louis, Leechy et Thomas.

Tous les comédiens sont magnifiques. J’aimerais néanmoins saluer Isabelle Andréani qui est une Marthe bouleversante. Elle déploie un jeu varié, richement nuancé, et donne la même puissance, la même sincérité tripale à ses ardeurs possessives d’amante passionnée, à ses déchirements d’amoureuse jalouse, à sa tristesse de petite fille perdue – elle sait trouver des accents de grande tragédienne au plus fort de sa souffrance, une douce exaltation quand elle regarde les étoiles, et porte sa voix au seuil de l’effacement quand le désarroi l’étreint. Et, quelle que soit l’émotion qu’elle exprime, jamais un mot n’échappe à l’oreille du spectateur.

Dès les premiers instants, quand le noir inaugural s’est effacé, laissant apparaître le décor, et que Marthe commence à parler, quelque chose se passe d’indéfinissable qui lie le spectateur à ce qui se joue sur la scène. C’est l’adhésion immédiate, et rien par la suite, ni dans le jeu, ni dans l’énonciation, pas plus que dans l’environnement scénique ne viendra faire hiatus.
Le souffle discret du ressac berce le spectacle, de légères notes de piano s’égrènent de temps à autre, ponctuant ici et là un mot qui trahit la fêlure, la faille, par laquelle l’effondrement s’amorce… L’ambiance sonore est en harmonie avec tout le reste: sobre, discrète – mais infiniment juste et qui touche.

 

Grâce à la compagnie des Larrons, tout ce qui, à la lecture, m’était demeuré indigeste, voire incompréhensible, s’est mis à resplendir de force, d’évidence… Grâce à la mise en scène et à l’interprétation exceptionnelle des quatre comédiens, j’ai oublié mon malaise de lectrice pour ne plus être qu’à mon bonheur de spectatrice. Je n’irai cependant pas jusqu’à dire, comme certains, que les Larrons m’ont fait aimer Claudel car on n’aime pas un auteur à travers un seul de ses textes. Je ne dirai même pas qu’ils m’ont fait aimer L’Échange: cette même pièce entre les mains d’une autre compagnie m’est déjà apparue insipide et ennuyeuse. Mais ils m’ont assurément rendue amoureuse de leur spectacle. Et d’écrire cet article accroît encore l’envie qui déjà se formait quand je quittai la salle de revenir voir cet Échange-là…

 

 

L’Échange
Texte de Paul Claudel (2e version)
Mise en scène :
Xavier Lemaire
Avec :
Isabelle Andréani, Grégori Bacquet, Gaëlle Billaut-Danno, Xavier Lemaire
Décor :
Caroline Mexme
Costumes :
Virginie Houdinière
Lumière :
Didier Brun
Musique :
Régis Delboucq
Durée :
1h50

 

Jusqu’au 3 juillet 2011 au Nouveau théâtre Mouffetard, 73 rue Mouffetard – 75005 Paris.

Réservations au 01.43.31.11.99.


Ce formidable Échange sera ensuite repris à Avignon, dans le cadre du festival "Off", du 8 au 31 juillet 2011 à 10h45 au théâtre de la Luna. L’on espère que suivront une tournée, et une reprise parisienne…

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9 mai 2011 1 09 /05 /mai /2011 09:29

NHE-couv2006_TN.jpg"La Chute de la Maison Usher" (dans le recueil des Nouvelles histoires extraordinaires) doit être, me semble-t-il, l’une des nouvelles les plus connues d’Edgar Allan Poe. Je l’ai découverte à l’adolescence, traduite par Baudelaire, et chaque fois que je l’ai relue depuis, j'ai ressenti aussi vivement cette volupté ambivalente où l’extrême jubilation devant la puissance du texte et sa capacité à générer des images terribles se mêle aux frissons que suscitent les choses dépeintes. Des frissons évidemment voluptueux… Dès les premières lignes, les mots éveillent chez le lecteur les sensations mêmes qu'éprouve le narrateur; il est pareillement étreint d’une insupportable tristesse, et sent son âme imprégnée elle aussi de cet intangible malaise qui bouleverse le cavalier cheminant vers le manoir de son ami Roderick Usher: Un air de mélancolie âpre, profonde, incurable, planait sur tout et pénétrait tout. Jusqu’au point final de la nouvelle les phrases distillent leur envoûtement délétère; les pages se lisent comme on écoute une belle et poignante Marche funèbre.


J’ai toujours été frappée par l’extraordinaire pouvoir évocateur de ce texte; en apprenant qu’il avait été adapté pour le théâtre, je me hâtai de profiter d’une invitation* qui allait me permettre d’aller voir, à la Maison de la poésie de Paris, ce qu’avait réalisé le metteur en scène Sylvain Maurice qui, dans sa note d'intention, écrit si justement: L’inquiétante étrangeté fonde et nourrit La Chute de la Maion Usher. Tout y est vision, sans que l’on sache l’origine exacte de l’altération de la réalité: la drogue? la maladie? la folie?

 

La vision inaugurale est séduisante: après le noir total indiquant le début du spectacle, le buste du comédien-narrateur émerge de l’ombre… mais très vite quelque chose dans sa diction me gêne: j’ai l’impression d’entendre un enfant tout heureux de bien déchiffrer son texte! quelle sérénité ravie dans la voix! je doute qu’un voyageur submergé par une insupportable tristesse parle de la sorte… et la voix restera ainsi de bout en bout, claire et légère, alors que les mots expriment sinon l’épouvante du moins la perplexité inquiète… Oh certes, elle se hausse jusqu’au cri à la fin, mais sans atteindre à l'intensité requise pour transmettre un peu de l’horreur paroxystique que véhicule le texte.

 

Ce manque de justesse dans le ton m’a gênée, mais la débauche d’effets auxquels recourt le metteur en scène m’a exaspérée… Car le spectacle ne donne pas dans la sobriété! Sylvain Maurice multiplie les ornements scéniques et convoque continument projections vidéos, sonorisation, surgissement/escamotage d’éléments de décor imposants (de la volée de marches au cercueil installé sur un plateau tournant, en passant par une table rectangulaire qui tient presque toute la scène…), le tout mis en lumière par des jeux d’éclairage que l’on devine d’une grande complexité. En définitive, les premiers rôles de la pièce ne sont pas tenus par les comédiens mais par les effets spéciaux qui, il faut le reconnaître, sont magistralement réalisés – notamment les lumières, splendides.
Ce que le texte suggère et maintient dans un no man’s land perceptif, le metteur en scène le montre avec une insistance à mon sens déplacée. Et que dire de l’exhibition prématurée, outrée, de la gémellité unissant Roderick et Madeline? Ou de cette bizarre scène burlesque, qui s’étire en longueur et dont la pertinence m’échappe, au cours de laquelle un domestique s’évertue à servir la soupe à son maître?
Défaut de ton, disais-je, dans la façon de dire le texte? Lui fait écho l'inadéquation de la musique jouée en direct sur scène, dont la couleur jazzy-cosy dissonne avec ce qu'est censée être la demeure de Roderick et Madeline Usher, qui n’a rien d’un club de jazz! De plus, ces morceaux chaleureux et intimistes s'accordent mal avec les bruits lugubres de la bande son. Mais l'on peut à la rigueur admettre qu'ils correspondent à ce que le compositeur a "entendu" derrière les improvisations de Roderick que, dans la nouvelle, le narrateur se dit impuissant à décrire...

 

Pour user d’une formule… usée, j’écrirais que trop d’effets tuent l’effet et, à force de projections vidéos, de voix sonorisées, de bruitages amplifiés, de jeux de lumières et de brassages d’éléments de décor, on est lassé au lieu d'être glacé. C’est devant l’énigme, le mystère que l’on frémit; et l'on s'effraie de ne pas voir. Mais face à une telle avalanche visuelle et sonore, le sang bouillonne d’exaspération et ne fige point… Certes, tout s’ajuste à la perfection et les lumière sont époustouflantes, les créations vidéos de toute beauté. Mais il y a excès, et ces excès frôlent souvent le ridicule.

 

Rien de ce spectacle ne m'a traversée ni émue. Sans doute ma profonde déception se mesure-t-elle à l’aune de la ténébreuse et indicible fascination que m’inspire la traduction de Baudelaire. En lisant La Chute de la Maison Usher je sens souffler en moi une insinuante haleine d’angoisse et de terreur. Je comprends mal comment on a pu transposer avec de si lourdes machineries scéniques un tel texte... S’il est vrai qu’en effet la nouvelle invite à conjuguer différentes formes artistiques  (Sylvain Maurice) – on y lit des poèmes, on y joue de la musique et on y peint des toiles – il me semble que la conjugaison aurait gagné à se faire sur un mode beaucoup moins ostentatoire. Car cette mise en scène somptuaire ne parle pas à l'âme, et elle sert bien mal un texte qui, lui, étreint le cœur et l'étouffe aussi lentement, aussi insidieusement qu'un python remonté des enfers.

 

 

La Chute de la Maison Usher
Texte d’Edgar Allan Poe traduit par Charles Baudelaire (in Nouvelles histoires extraordinaires).
Chansons écrites par Laure Bonnet, compositions musicales d’Alban Darche
Adaptation et mise en scène :
Sylvain Maurice
Avec :
Jeanne Added, Alban Darche, Nathalie Darche, Alexis Thérain, Ohilippe Rodriguez-Jorda, Jean-Baptise Verquin
Scénographie et lumières :
Éric Soyer
Son :
François Leymarie
Vidéo :
Renaud Rubiano et Candice Milon
Costumes :
Marie La Rocca
Construction du décor :
Atelier du Nouveau Théâtre CDN de Besançon

 

Jusqu’au 22 mai à la Maison de la Poésie, Passage Molière/157 rue Saint-Martin – 75003 Paris. Réservations au 01.44.54.53.00. Grande salle, du mercredi au samedi à 20 heures, le dimanche à 16 heures.

 

* Je suis allée voir ce spectacle grâce à une invitation offerte par la gazette en ligne En attendant..., éditée par Pierre François. Je la reçois tous les mardis dans ma boîte à courriels et chaque livraison propose des dizaines d'invitations distribuées entre plusieurs spectacles, valables aux jour et heure précisés pour chacun. Profiter de ces invitations est très simple: dès réception de la gazette, il suffit de contacter, par téléphone ou par courriel, la salle où est jouée la pièce qui vous intéresse, de signaler que vous réservez au nom de En attendant..., d'imprimer le numéro de la gazette porteur de l'offre et d'échanger la feuille contre votre place quand vous la retirez à la caisse. Quant à l'abonnement à En attendant..., il est gratuit et se contracte en envoyant un message à earedac@maktoob.com

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3 mai 2011 2 03 /05 /mai /2011 16:48

... le pied de Lierre qui avait pris racine voici presque trente ans dans ces anciens entrepôts de la SNCF devenus, grâce au courage et à l’engagement d’une compagnie menée par Farid Paya, un lieu théâtral… qui fut bien plus qu’un théâtre. Le bâtiment sera démoli en juillet, l’on a amputé de trois dates l’ultime spectacle, Cendres – un solo chorégraphique de Gilles Coullet – mais la traditionnelle "exposition dans le hall du théâtre" restera visible jusqu’au 13 mai. C’est un ensemble de photographies argentiques noir et blanc, tirées sur papier baryté, dont certains petits formats laissent apparaître une infime langue de couleur, collée ou découpée, rappelant que l’artiste, Marie Bécheras, est aussi plasticienne. D’ailleurs, elle a nommé son exposition "Matière à… " Elle l’accompagne d’un petit texte mi-prose mi-poésie qui ne manque pas de… grain, par lequel elle tâche de cerner ce que photographier, et regarder, veut dire pour elle. Texte et photographies se soutiennent: ils sont, ensemble, "matière d’exposition".

 

billet_TN.jpg

 

Ce bref répit, qui court jusqu’au 13 mai, a un goût amer. Au Lierre, on ne s’est pas bercé d’illusion: les deux seules représentations accordées à Gilles Coullet les 27 et 28 avril ont été de vraies soirées de clôture, tristes évidemment mais festives malgré tout – il y avait foule, et l'on aura été "Lierre jusqu’au bout". En-cas et boissons circulaient tandis que spectateurs et artistes bavardaient, l’on pouvait encore acheter des livres, des DVD, ou bien se contenter de partir avec, en souvenir, l’une ou l’autre des affiches de spectacle qui étaient offertes.


Artisan-comédien-pédagogue, qui a travaillé la théâtralité du mouvement, le mime, la danse Buto et contemporaine, le chant... s'est formé à l'Anatomie pour la Voix - les Abdos sans risques… et a assisté Farid Paya pour ses cinq dernières créations au Théâtre du Lierre à Paris: ainsi se présente Joseph Di Mora. Il est un des piliers de l’équipe du Lierre et il sera un des derniers à quitter ce navire que les pouvoirs publics ont indignement sabordé sans mettre à flot aucune chaloupe de secours pour accueillir ses occupants… Lors de la première soirée de clôture, dans un hall bondé où flottait le joyeux brouhaha des conversations pleines de l’enthousiasme qu’avait suscité le fascinant, le merveilleux solo de Gilles Coullet, il a gravi les premières marches d’un des escaliers menant aux bureaux et a soudain demandé un peu de silence: il tenait à dire quelques mots pour saluer la mémoire de ce lieu qu’il va bientôt falloir quitter après l’avoir vidé de ce que trente années de vie intense toute vécue sous le signe de la création théâtrale et de l’ouverture au public auront déposé dans chaque recoin.

Personne ne s’y attendait, et lui non plus je crois jusqu’à ce qu’une impulsion subite lui fasse prendre le stylo et griffonner à la hâte, sur un bout de papier récupéré au fond de quelque poche, une petite allocution simple et belle, comme tout ce qui vient du cœur, qui fut très applaudie. Et redemandée le lendemain…
Avec son autorisation – et de menues retouches de son cru – je la transcris ici; il m’a semblé que c’était une façon juste de fleurir les derniers jours du Théâtre du Lierre, 22 rue du Chevaleret à Paris…

 

Bonsoir,
Un théâtre doit avoir une âme. C’est difficile à expliquer et cela prendrait du temps. Mais si on construit de nouveaux bâtiments culturels, en recherchant le confort matériel, ces lieux ne peuvent avoir ce même charme qu’ont ces endroits en partie improvisés qui sont marqués par le passé.
C’est pourquoi ici, ça n’a pas été refait avec des dorures, comme un majestueux écrin sculptural – l’âme, disais-je, en aurait disparu!
On n’a pas cherché à cacher la transpiration des ouvriers qui ont travaillé dans ces anciens ateliers de la SNCF car les murs ont conservé les rides, les espoirs, les souffrances de cette vie antérieure pour traverser les années et vibrer dans ce lieu théâtral. C’est pour ça que ce théâtre s’est adapté à tant de situations difficiles – c’était fonctionnel et humain en même temps.
Ici, on n’a pas besoin de grands décors; les murs et l’acoustique originels du bâtiment suffisent à ouvrir l’imaginaire du public. C'est le battement de cœur créatif, que l'on découvre en prêtant soigneusement attention au lieu – au genius loci, ou "génie du lieu".
Meri à tous ceux qui ont fait de ce lieu singulier "le théâtre du Lierre".
Vive le théâtre du Lierre…

 

Joseph Di Mora

 

"Matière à..." Exposition de phtographies argentiques noir & blanc de Marie Bécheras, visible jusqu'au 13 mai 2011 dans le hall du Théâtre du Lierre, 22 rue du Chevaleret - 75013 PARIS



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26 mars 2011 6 26 /03 /mars /2011 11:41

Qu’il puisse y avoir autant de gens capables de voter pour le Front national me révolte et me donne envie de vomir. Comment peut-on décemment, sauf à être de faible trempe, influençable et réduit à la sottise par la peur, apporter sa voix à un parti qui, pour ce que j’ai pu entendre de son discours électoral, ne fait qu’agiter des épouvantails de manière obsessionnelle et quasi pathologique, aligne les lieux communs de la pire démagogie, et garde le silence sur l’école, la culture, les arts, la responsabilisation des consommateurs et la protection de l’environnement?
Comment peut-on décemment prêter l’oreille, sauf pour tâcher de les combattre et de les prendre en défaut sur le terrain même de leurs arguments fallacieux, à des gens dont les propos ont pour seul objectif d'actionner les leviers de toutes les peurs chez ceux à qui ils s’adressent? Un être humain effrayé est capable de tout sauf de réfléchir de façon sensée et l’on sait que la peur est la mère des plus basses réactions humaines – repli sur soi, haine de l’Autre, paranoïa et, au bout de tout cela, violence et velléités meurtrières. Susciter la peur est un procédé diaboliquement habile: en maniant des propos effrayants, parfaitement calculés mais qui, à l'examen, s'avèrent n'avoir d’autre consistance que celle d’une propagande assez grossière, les candidats du Front national coupent court au peu de sens critique dont pourraient disposer les gens et se dotent ainsi des meilleurs atouts pour s’acquérir des voix qui leur seront données par réflexe, mais évidemment pas par réflexion.


Je ne vois, autour de ce parti, que bêtise et lâcheté.
Lâcheté: à plusieurs reprises au fil des mois, hors contexte électoral, j’ai vu dans des reportages télévisés des citoyens exprimant leur intention de "voter FN" mais refusant d’apparaître à la caméra autrement que floutés et avec leur voix trafiquée. Ça s’appelle "avoir le courage de ses opinions"… Lâcheté aussi du côté des candidats, qui ne s'affichent pas en personne sur leurs placards électoraux mais s'avancent masqués derrière le portrait souriant de Marine Le Pen, comme s'ils avaient honte de leur étiquette.
Et bêtise: il y en a de beaux exemples dans les propos des candidats, c’est un fait. Mais les sommets sont à trouver dans l’attitude des électeurs, tel cet homme interviewé au journal de 20 heures, qui lui au moins a daigné s’exprimer à visage découvert: il habite une petite ville de dimension telle que les élus de proximité sont connus de leurs administrés, du moins de nom. Il votera pour le Front, parce que "ça ne peut plus durer". Pourtant il ignore qui est le candidat! Il ne l’a jamais vu en campagne – pas de serrages de main au marché ni meetings racoleurs – le nom ne lui dit rien, et il ne sait même pas à quoi il ressemble puisque ses affiches ne portent qu’un nom, sans photo. Mais ce brave homme va voter pour ce fantômatique candidat sur la seule foi de son label frontiste...

 

Comment ne pas s’offusquer de cela? Je ne puis ici m’empêcher de penser à ce que disait mon prof de philo – un enseignant atypique, qui ne m’a guère initiée aux classiques de la philosophie mais a énoncé en cours d’année quelques considérations marquées au sceau d'un bon sens si manifeste qu'elles sont devenues pour moi comme des valeurs-étalons en matière de raisonnement – à propos du suffrage universel. C’était pour lui, si je me souviens assez bien de ses paroles pour ne pas les trahir, une aberration parce que ce système permet à tout le monde de voter à condition d’être majeur, de nationalité française et inscrit sur les listes électorales alors que prendre part à l'élection des dirigeants d’un Etat demanderait, au moins, d’avoir un minimum de connaissances quant à l’organisation du pouvoir et de savoir mesurer les enjeux de chaque scrutin. Il pensait en conséquence que le droit de vote ne devrait être accordé qu’aux citoyens ayant satisfait à une sorte d’examen de passage qui attesterait de leur savoir civique et de leur capacité à écouter, à analyser un programme politique. Cela me semble extrêmement judicieux. Non pas élitiste mais hautement raisonnable et cela participe de cette idée qu’une société fonctionne sainement quand elle fait bonne part à l’éducation et à la diffusion des savoirs. Je souscris pleinement à un tel point de vue; pourtant, si je devais passer cet examen civique, je serais recalée! J’ignore tout de notre Constitution, je ne sais pas comment fonctionne l’Etat et je ne suis pratiquement jamais les campagnes électorales tant j’y sens d’hypocrisie et de démagogie. Je n’ai donc, objectivement, aucune compétence pour voter. Pourtant je vote; à chaque occasion qui m’est donnée je vote parce que j’ai des convictions et que pouvoir voter m’apparaît comme un bien trop précieux pour n’en pas user. Ce faisant j’ai une influence, même infinitésimale, sur le sort politique du pays alors que je suis une parfaite ignare… et ma conscience n’est pas très à l’aise avec cela. Mais il ne tient qu’à moi de l'apaiser, cette conscience, et de m’éduquer: les outils ne manquent pas pour cela; ce n’est qu’une question d’effort personnel.


Je n’ai pas épuisé ma rage contre ce parti et la sottise de ceux qui le soutiennent. Mais je ne sais plus comment la canaliser par l’écriture. Alors je me tais.
Je préfère tourner mes pensées vers tous ceux qui se battent pour que l'art existe et que vivent les artistes.
Vers tous ces bénévoles qui luttent pour réconforter les démunis, pour que se transmettent savoirs et savoir-faire, pour promouvoir le livre, la lecture et tous les instruments d'éveil des âmes et des coeurs. 

Vers tous ces fous qui, contre vents et marées, travaillent à préserver le patrimoine, à sauver ce qui raconte l'histoire de l'humanité et entretient sa mémoire.

Vers tous ces courageux qui sans désemparer et partout dans le monde viennent aider les écolo-engagés essayant de trouver des solutions pour produire mieux et sans dommages.

Vers tous ceux qui, en dépit de ce qu'ils voient, montrent par leurs actions, leurs paroles, leurs gestes, qu'ils ne désepèrent pas tout à fait du genre humain.


C'est de leur côté que se trouve la lumière. Certainement pas chez les frontistes. (Quand je pense qu'au début des années 1930, "frontiste" se rapportait à l'union des partis de gauche contre le fascisme... Quel retournement de sens, tout de même!)

 

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18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 17:49

zulma-20ansTN.jpgLes éditions Zulma fêtent cette année leur vingtième anniversaire. En vingt ans s'est écrite une histoire cohérente mais riche en changements dont les plus marquants sont peut-être ceux intervenus en 2006 quand a été adopté le principe d’un catalogue unique d’où était effacé le cloisonnement des collections en même temps que les livres étaient dotés d’une maquette radicalement modifiée. Restent inchangés la fabrication irréprochable qui allie recherche esthétique et qualité des matériaux comme de l’assemblage, le soin apporté à l’établissement des textes, une certaine idée de ce que sont la littérature, les livres, les écrivains, les libraires… et les lecteurs. 

Pour marquer ces deux décennies d'existence ont été conçues des boîtes d'un genre nouveau, à paraître tout au long de l’année [qui] mettront en valeur sept auteurs phares de la maison, mais aussi les nouveautés et une cinquantaine de titres de notre fonds. Pour avoir vu de près deux d'entre elles lors de la soirée-lecture organisée à l'occasion de leur parution à la librairie parisienne Tropiques*, je puis témoigner qu'elles n'ont rien à voir avec le trop banal "coffret", ce simple surcroît d'emballage dont on revêt à la hâte des livres histoire de leur donner un faux air de cadeau luxueux – et, surtout, de forcer à l'achat groupé... Non, rien de tel ici: outre qu'elles sont esthétiquement réussies et qu'elles paraissent avoir, à la prise en main, une excellente tenue, ces boîtes se justifient pleinement par leur contenu même...

 

L'on présentait, ce soir-là, les Nouvelles du jour et de la nuit d'Hubert Haddad, soit un ensemble de nouvelles réparties dans deux boîtes de même dimension et contenant chacune le même nombre de livres – cinq – ayant tous un nombre de page identique – 128. Autant pour le jour que pour la nuit – l'intitulé réclamait cette symétrie parfaite. En quoi la "mise en boîte" est-elle plus pertinente qu'une présentation traditionnelle en recueil? Parce qu'elle est, dans ce cas précis, la métaphore du projet éditorial et de l'attention particulière que les éditions Zulma vouent au livre en tant qu'objet. boite-la-nuitHH.jpg

Ces Nouvelles ainsi présentées sont le fruit d'un projet qualifié de "complètement fou" par l'éditrice, Laure Leroy. Fou... en tout cas colossal: il s'agissait d'explorer un vaste corpus d'une soixantaine de nouvelles – la quasi totalité de celles qu'a écrites Hubert Haddad jusqu'à présent – et de choisir parmi elles celles qui allaient pouvoir entrer dans la nouvelle architecture imaginée à l'occasion de ce vingtième anniversaire. La nouvelle, à la fois entité autonome et partie d'un ensemble – le recueil – se prête particulièrement bien à un tel jeu de déconstruction-reconstruction... D'autant plus que l'auteur est de ceux estimant qu’un texte ne doit pas être figé définitivement dans la forme qui lui a été donnée lors de sa première parution et qu'il peut (doit?) être remanié lorsqu'un éditeur prévoit de le rééditer. Aussi tâche-t-il de revoir chacun des siens lors de leur réédition, leur apportant, à chaque fois, l’empreinte qui lui semble s’imposer du fait des années passées et des inflexions qu’a connues sa façon d’écrire. Ce sont toujours des retouches qui laissent intact l’essentiel du texte: il ne s’agit pas de le récrire de fond en comble, juste d’inscrire en lui la trace du passage du temps et de donner écho dans la substance écrite au changement d’habillage qui, en général, accompagne toute réédition. Et en effet, un livre relu étant, pour le lecteur, une nouveauté, une redécouverte, pourquoi ne serait-il pas envisagé par son auteur pareillement comme une œuvre nouvelle à la faveur d’une réédition? 

 

L'on a donc pioché çà et là des pièces éparses, que l'on a extraites de leur contexte pour les insérer dans une toute nouvelle configuration. Et face à ces boîtes, le lecteur aura, sans doute,  une impulsion de lecture répondant au geste qu'ont accompli de concert l'auteur et l'éditeur - piocher un livre, puis un autre, et les replacer dans la boîte à son gré... mobilité des éléments, persistance de l'ensemble.
Le jour, la nuit, des textes anciens repris et dotés d'un nouvel éclat, le temps passé et celui qui s'annonce... Tout cela s'est retrouvé symbolisé dans la nouvelle qu'Hubert Haddad, avec un merveilleux sens de l'à-propos, avait choisi de lire: "Janus à pile ou face", sortie de la boîte diurne. Si à la seule écoute je n'ai pas su bien saisir les tenants et les aboutissants de l'histoire – la voix d'Hubert Haddad, peu à peu hantée par les mots, décolle, génère au fil de la lecture son propre univers et l'on est davantage gagné par un charme qu'invité à suivre un récit – j'ai retenu un nom, Daisy Junk (mais puis-je me fier à mon ouïe?). Rythme, scansion... Et une théorie d'être bizarres – une femme à barbe? deux faux frères siamois? Beaucoup de mystère au bout du compte, et une immense envie de l'éclaircir, en tête à tête avec le texte...

 

La nuit était douce et, après avoir agréablement bavardé une fois la lecture achevée, j’allai à pied des Tropiques jusqu’à l’enfer (Rochereau). Dans ma tête résonnait, avec le bruit de mes pas et la rumeur de la rue, ce nom de Daisy Junk et, en orbite, quelques-unes des créatures étranges dont j'avais cru capter la présence. Je ne savais plus très bien quels avaient été le cours de l’histoire et son fin mot – tout cela s’était un peu égaré dans cette sorte de vague hypnose où plonge toute voix habitée par ce quelle lit, à laquelle avait succédé la vivacité des conversations entre l’artiste et son public. Mais j'avais aussi la certitude que tout se décanterait  lorsque je m'aventurerai dans le texte à l’amble de ma propre lecture. Reste qu'un moment d’intimité avec "Janus à pile ou face", pour qui n’a qu’une tête et quand bien même il serait doté de nombreux visages, risque d'offrir quelques difficultés… 

 

* La librairie Tropiques se décline en deux boutiques se faisant face, de part et d'autre de la rue Raymond Losserand. Elle offre à la littérature jeunesse son espace, et réserve à tous les autres domaines du livre le magasin principal, où avait lieu la lecture. Il n'est pas très grand et, si l'on n'a guère de latitude pour muser entre les présentoirs, on y est suffisamment à l'aise pour s'attarder, regarder, prendre entre ses mains tel ou tel livre qui pourrait intéresser. Et l'aménagement est habile qui, malgré le nombre d'ouvrages proposés et la diversité des catégories, laisse l'ensemble accessible aux regards avec, çà et là, d'habiles mises en valeur. Bien sûr en séparant quelques livres de la masse mais aussi par la pose d'un bandeau vert affichant "coup de cœur du libraire" qui permet d'attirer l'attention sur un livre sans qu'il y ait besoin de lui assigner une place hors de son rayon. Et ce bandeau n'est pas un artifice visuel: seuls y ont droit les livres effectivement lus, et appréciés, par les libraires et dont ils peuvent longuement parler avec quiconque engagerait le dialogue à leur sujet. Ce ne sont pas forcément des "nouveautés"; ce sont simplement des œuvres de qualité qui méritent d'être défendues en dehors des cadres trop étroits qu'impose l'actualité. Et puis il y a le jardin! C'est paraît-il l'unique librairie parisienne qui puisse se targuer d'avoir un jardin De ce que j’en ai aperçu nuitamment je le devine petit, mais il s'est avéré suffisant pour accueillir une table, des chaises, et laisser à quelques personnes le loisir de converser confortablement en grignotant, un verre à la main…

Elle est tenue par trois libraires dont Dominique Mazuet, avec qui j'eus le plaisir de converser un peu ce soir-là. J'avais justement repéré, discrètement mis en évidence dans son rayon par son bandeau vert, un livre publié par Zulma en janvier 2009 - la première traduction française du roman de David Toscana, El Ultimo lector. Ce fut un régal que de l'écouter parler de ce "coup de cœur" et, si je n'avais pas eu ce livre dans ma bibliothèque, je serai repartie avec sans même l'ouvrir ni le feuilleter tant il avait été convaincant. Sans emphase mais d'une voix posée et sûre, s'exprimant avec autant de clarté qu'un professeur mais avec la simplicité chaleureuse d'un ami tâchant de partager son enthousiasme, Dominique Mazuet a magistralement présenté le roman, me détaillant ses singularités littéraires sans rien vendre de la "mèche" que l'on doit garder secrète pour ne pas briser la curiosité. Il me semble bien que j'ai croisé là une des incarnations du "libraire idéal"

 

 

Soirée lecture organisée le jeudi 10 février à 19 heures autour des Nouvelles du Jour et de la Nuit d'Hubert Haddad, à la Librairie Tropiques – 63 rue Raymond Losserand, 75014 Paris

 

Hubert Haddad, Nouvelles du jour et de la Nuit. Deux boîtes, Le Jour, et La Nuit, comprenant chacune cinq livres de 128 pages:

* Le Jour: "Le Cabaret de la mère folle", "Le Souffle de l'Agone", "Le Soleil des scorpions", "Un été vaudou", "Le Jardinier et le faux nègre".
* La Nuit: "L'Inconnu du terminal Beaufor", "Juliette avant la nuit", "Le Robot mélancolique", "Le Prince d'automne", "Le Langage des fleurs".


 

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19 janvier 2011 3 19 /01 /janvier /2011 10:04

carte-de-voeux-lierre-2011.jpgFarid Paya et sa compagnie, qui ont choisi pour nom Le Lierre parce que c’est celui d’une plante réputée opiniâtre, aux multiples vertus médicinales et dont les significations symboliques sont à l’avenant, ont investi en 1980 un vieil entrepôt désaffecté de la SNCF dans le quartier Masséna-Chevaleret, aux lisières du XIIIe arrondissement de Paris. Ils en ont fait un théâtre-lieu de vie et d’échanges qui s’est vite imposé comme un agent indispensable dans le renfort du tissu social et culturel local à travers les spectacles programmés et les nombreuses animations qu’ils ont développées à leur entour – conférences, rencontres… et surtout une action pédagogique continue sous forme de stages et d’ateliers aussi bien destinés aux amateurs, voire aux néophytes, qu’aux professionnels.

Pendant trente ans, Farid Paya et les membres de son équipe n’ont cessé d’agir en faveur des autres: tout au long des saisons ils ont accueilli d’innombrables compagnies, de non moins nombreux artistes à qui ils ont offert le hall de leur théâtre pour exposer leurs œuvres, et ils ont travaillé sans relâche à la diffusion de la culture, à l’éveil des consciences et des cœurs par de multiples initiatives menées en partenariat avec des associations de quartier, des institutions – par exemple l’université Paris VII-Diderot. Tout cela en montant leurs propres créations, basées sur des textes classiques ou originaux mais reposant toujours sur une conception du théâtre où danse et chant ont une part essentielle dans la dramaturgie.

 

À l’aube des années 2000 il fut décidé que ce lieu serait démoli: il se trouve en effet en plein dans une vaste zone promise à la rénovation. Mais le théâtre du Lierre, avait-on décidé, serait relogé, dans un "nouveau théâtre" bâti non loin de l’ancien, plus spacieux, mieux équipé – mieux adapté à l’accueil du public et aux activités de la compagnie. Je crois même que Farid Paya a été sollicité pour collaborer à l’établissement des plans. Mais tandis qu’approchait l’échéance du déménagement, les institutions se sont mises à mener la vie dure à la compagnie du Lierre. D’abord en diminuant régulièrement les subventions. Puis en laissant entendre que le "nouveau théâtre" ne serait pas celui du Lierre!

Alors les gens du Lierre se sont battus, de mille et une manières – de la pétition à la performance vivante devant le ministère de la Culture et de la communication en passant par des demandes de soutien tous azimuts adressées à des personnalités diverses. Ils ont lutté, avec force, détermination – et leur combat vire au sublime quand, envers et contre tout, malgré les adversités, ils élaborent en 2010/2011 une ultime saison de spectacles, certes restreinte mais qui permet aux compagnies À fleur de peau et L’Estampe de poursuivre leur résidence, à quelques autres de venir présenter leurs créations, et à des artistes d’exposer leur travail.


Lorsqu’en octobre je suis revenue au Lierre pour découvrir la présentation de saison, je vis accrochées dans le hall deux photos montrant, à un mois d’intervalle, l’avancement de la construction du nouveau théâtre. Ils avaient donc enfin obtenu la garantie que ce théâtre serait le leur! Hélas non: je devais apprendre que ces photos avaient été prises, et affichées, pour garder le moral – c’était juste une façon de "faire comme si" ces murs en train de prendre forme allaient en effet les recevoir en septembre 2011. Et aujourd’hui, alors que le mois de janvier s’achève, les gens du Lierre, toujours en butte aux silences de leurs interlocuteurs officiels – la Ville de Paris et le ministère de la Culture – commencent à se dire que ce "nouveau théâtre" ne sera jamais pour eux.
Mais ils continuent à s’indigner. Après tant de luttes échouées, c’est le dernier moyen qu’ils ont de crier qu’ils sont vivants. Et qu'ils ne veulent pas mourir. Que pourrais-je faire pour eux de mon humble voix quand le poids des soutiens qu’ils ont reçus de tous côtés n’ont servi à rien? Juste cela, écrire ces quelques mots pour leur dire une fois de plus mon estime, et reproduire ci-dessous, avec l’autorisation de Farid Paya et de Houda Zerki, chargée de communication, le texte du communiqué arrivé hier soir dans ma boîte à courriel.

 

Communiqué de presse: Le Théâtre du Lierre va fermer ses portes

 

Pris entre deux feux – la Ville de Paris et l’État – le Lierre ne disposera plus d’un théâtre à partir de juillet 2011.

L’actuel Théâtre du Lierre, fondé par Farid Paya et la Compagnie du Lierre en 1980, est voué à la démolition à l’été 2011. Il se situe dans la ZAC Masséna-Chevaleret, dans le XIIIe arrondissement. Juste à côté de ce théâtre qui va être démoli, la Ville de Paris construit un nouveau théâtre, qui sera opérationnel dès septembre. Selon une décision prise en février 2003 par le Conseil de Paris, et confirmée maintes fois depuis, ce nouveau théâtre a été conçu pour reloger le Lierre. Malheureusement, à cinq mois de l’échéance, la Ville de Paris n’a toujours pas annoncé à qui sera accordée la direction du Nouveau Théâtre.

La Ville de Paris se dit influencée par la décision prise en novembre 2009 par le Ministère de la Culture (DRAC Ile-de-France) de déconventionner le Lierre sur cinq ans à partir de 2010. Seulement, la décision de la DRAC se veut motivée par le fait que l’État ne veut pas financer un nouvel équipement de la Ville, à savoir le nouveau théâtre. Le Ministère maintient que c’est aux tutelles territoriales de soutenir un projet "local", donc il se désengage. La Ville de Paris maintient que ce n’est pas à elle de suppléer au désengagement de l’État.

Le Lierre, une compagnie qui gère un lieu, est depuis longtemps soutenu et par le Ministère de la Culture et par la Ville de Paris. Aujourd’hui, pris entre le marteau et l’enclume, il fait les frais du désengagement culturel de l’État et de la rivalité entre l’État et la Ville de Paris.

En se désengageant du Lierre, l’État confirme sa politique malthusienne récente qui consiste à réduire son soutien à tout ce qui n’est pas structure nationale. Il cherche à justifier sa décision en déclarant qu’un comité d’experts aurait donné un avis défavorable sur la production du Lierre en 2009. Cette décision a été prise sans avertissement, sans preuve et sans appel. Vu les soutiens importants dont bénéficie le Lierre, un tel jugement draconien paraît peu crédible.

En effet, le Lierre, essayant d’inverser la décision de la DRAC et de dialoguer avec la Ville, a mobilisé plusieurs réseaux de soutien. Ceux-ci se sont exprimés de plusieurs manières :
- Une pétition signée par dix mille personnes.
- Des centaines de témoignages de spectateurs.
- Une lettre de soutien adressée à Frédéric Mitterrand par le Syndéac (Syndicat National des Entreprises Artistiques et Culturelles).
- Des courriers adressés, tant à Frédéric Mitterrand qu’à Bertrand Delanoë, par une quarantaine de personnalités du monde de la culture et du monde politique.

Ces efforts auront été vains. L’État maintient son désengagement. La Ville, plus soucieuse de l’événementiel que du travail de fond, fait preuve d’une réelle difficulté à soutenir durablement les structures existantes. Le Lierre espère encore que la Ville mettra fin à ses hésitations et qu’elle lui accordera le Nouveau Théâtre.

Sans cela, le Lierre pourra continuer à exister mais seulement en tant que compagnie sans théâtre. Mais sans l’activité d’un théâtre, il sera vraisemblablement contraint de procéder à un licenciement collectif. Avec la fermeture du Théâtre du Lierre, implanté dans le XIIIe arrondissement, déjà pauvre en équipements artistiques, ce n’est pas seulement une entreprise culturelle qui disparaît. C’est toute une équipe, une expérience, un savoir et un public qui seront sacrifiés. Et des compagnies confirmées et inclassables qui ne seront plus accueillies…



La saison n'est pas finie, des spectacles et des expositions sont encore à voir d'ici juillet. Y assister est encore le meilleur témoignage de soutien que le public puisse apporter à cette compagnie courageuse...

Théâtre du Lierre - 22 rue du Chevaleret, 75013 Paris. Tél.: 01.45.86.55.83

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16 janvier 2011 7 16 /01 /janvier /2011 11:42

programme-romanze.jpgUne histoire d’amour exceptionnelle et banale à la fois, passionnelle et conflictuelle, d’une violence tendre – ainsi est présentée la pièce Romanze... A-t-on remplacé le "c" par un "z" plus crissant pour mieux faire entendre les frictions inhérentes à la relation de couple?
On ne voit d’abord que le décor en coin, au bord du plateau: deux parois perpendiculaires barbouillées de larges à-plats de peinture bleutée, pareilles à un bras plié enlaçant une paire de fauteuils recouverts d'un drap. Une échelle est adossée à l'un des "murs", percé d’une porte; l’autre arbore un tableautin représentant une pomme, tout petit mais si visible! ô le fruit signe-de-couple! la pomme à croquer, la pomme de discorde – mais "ceci n'est pas une pomme" puisque c'est un dessin! et cela n'est pas une histoire de couple puisque c'est un spectacle de danse-théâtre... Il n’empêche: c’est bien un couple qui se révèle peu à peu au fond du plateau, dans l'exact prolongement diagonal de ce petit bout de pièce à vivre. Une forme indéfinissable est lovée au sol qui très lentement commence à se mouvoir; ce sont deux corps étroitement embrassés. Il n’est pas question de préliminaires, le couple est déjà constitué. On le rencontre d’emblée dans sa plus belle phase, l'absolue fusion. Puis, de reptations en reptations, dans l'imperceptible bruissement des vêtements, des corps glissant l'un sur l'autre et caressant le sol, les deux qui paraissaient ne faire qu'un se séparent, se distinguent. S'engagent dans un lent ballet et commencent ainsi à écrire leur histoire duelle...

 

qui se déploie au long d’une bande sonore a priori surprenante, s’ouvrant sur l’andante du Nisi Dominus de Vivaldi, puis allant vers Marin Marais, Tom Waits, et des morceaux aux sonorités résolument contemporaines composés par Filippo Zamponi. Cet éclectisme à aucun moment ne choque l’oreille; la juxtaposition de registres et de genres musicaux si différents n’a rien d’improbable. Sans doute doit-on cette harmonie aux talents du compositeur qui, en plus d’avoir inclus ses propres compositions, a su penser la succession des morceaux et l'habiller d’arrangements judicieux. Mais cette harmonie musicale que l’on ressent par-delà l’apparente disparité des genres vient probablement, aussi, de ce que la chorégraphie est toujours en phase avec la musique. Sans l’illustrer ni l’épouser ou la suivre, la danse entretient cependant avec la musique un rapport étroit – un peu comme si les gestes des danseurs donnaient un visage à la musique, un visage mobile et expressif dont les traits changent, allant du sourire à la grimace amère. Outre cela, le spectacle est beau de la manière dont les interprètes utilisent l’espace, manipulent les éléments du décor, tous mobiles, et disent des extraits de texte – dont la palette est elle aussi très éclectique: l'on entend Dante, Shakespeare, Musset... et Régis Jauffret – comme s’ils jouaient d’accessoires. Ils voyagent à travers tout le plateau et font voyager avec eux les objets, les mots, les gestes… et les émotions.

 

L'on va de l'harmonie fusionnelle à l'affrontement avant que revienne la concorde – différents états ont passé et lorsque l'homme et la femme se retrouvent enfin, quelque chose de nouveau commence; ce n'est plus la fusion du début. Il y a eu évolution, donc une narration est à suivre. Pourtant ce n'est pas tout à fait une histoire qui est racontée, plutôt un cheminement émotionnel avec ses pics et ses creux, ses aléas: des états d'âme et de corps se succèdent, admirablement exprimés dans toutes les nuances de leurs variations et de leur intensité par la chorégraphie et la mise en scène. Cette succession se déploie tout en fluidité, comme est fluide la gestuelle des danseurs, marquée au sceau du Kinomichi – une technique corporelle dérivée de l'Aïkido, sur laquelle se base la recherche chorégraphique de la compagnie Blicke. Sachant que le nom "Aïkido" peut se traduire par "voie de la concordance des énergies", on comprend d'où provient cette harmonie, cette souplesse dans les interactions des danseurs, et ce jusque dans l'affrontement où, au lieu que les deux êtres en état d'hostilité se heurtent et fassent hiatus ils se coulent l'un par rapport à l'autre; leur opposition est claire, forte, mais on sent que dans l'opposition leurs énergies respectives se rencontrent, se complètent, circulent de conserve.

Confrontations glissées, accords fusionnels... Une sismographie amoureuse que cette approche du mouvement et des interactions corporelles exprime idéalement.

 

 

Romanze - création 2011
Chorégraphie:
Virginia Heinen, avec la collaboration de Martin Grandperret
Interprétation:
Martin Grandperret, Virginia Heinen
Bande sonore, arrangements et compositions originales:
Filippo Zamponi
Décor:
Jean-François Frering (construction) et Anne Masquida (peinture)
Créations lumière et vidéo:
Damiano Foà
Durée:
1 heure

Création de la compagnie Blicke

 

Spectacle représenté du 12 au 15 janvier au Théâtre du Lierre - 22 rue du Chevaleret, 75013 Paris. Tél.: 01.45.86.55.83.
Et du 19 au 22 janvier, un second spectacle de la compagnie Blicke est à découvrir,  toujours au Théâtre du Lierre, L'Eterna girandola.

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  • : Ce blog au nom bizarre consonant un rien "fantasy" est né en janvier 2009; et bien que la rubrique "archives" n'en laisse voir qu'une petite partie émergée l'iceberg nykthéen est bien enraciné dans les premiers jours de l'an (fut-il "de grâce" ou non, ça...) 2009. C'est un petit coin de Toile taillé pour quelques aventures d'écriture essentiellement vouées à la chronique littéraire mais dérivant parfois - vers où? Ma foi je l'ignore. Le temps le dira...
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