C’est terrible. Mais, à écouter le directeur du Théâtre du Lierre, atterrent plus encore que cette affligeante perspective les raisons invoquées et la confusion des arguments avancés. Il s'agirait paraît-il de recentrer les aides de la Drac sur les grandes structures nationales tandis que le soutien des structures intermédiaires comme le Lierre devrait incomber à la seule Ville de Paris – mais cela, manifestement, sans qu’il y ait eu concertation entre les deux pôles décisionnaires…. S'il est réjouissant que l'État travaille à améliorer les conditions d'existence d'un secteur artistique, il est révoltant que cela se fasse en condamnant à mort d'autres structures, non pas sanctionnées parce qu'elles auraient indûment gaspillé l'argent public ou se seraient rendues coupables de quelque fraude, mais simplement parce qu'elles n'ont pas eu l'heur de plaire aux "experts" venus en visiteurs estimer si oui ou non le théâtre méritait d'être subventionné. Il semble, d'après ce qui a été dit à mots plus ou moins couverts à Farid Paya – encore qu’on ne lui ait guère communiqué d’informations : le rapport des experts a été tenu confidentiel, et on ne lui a rien dit des critères sur lesquels avaient été basés les avis, rien non plus quant à la façon dont ces "experts" avaient été choisis – que Noces de sang, si bien accueilli lors de sa création en 2008 que le spectacle a été repris en 2009, a déplu à l'officiel visiteur et que ce déplaisir ne serait pas étranger au désengagement financier de la Drac... Comment une réaction purement affective peut-elle tenir lieu de référence quand il s’agit de juger de l’intérêt public d’un lieu d’expression artistique ?
Ne pas aller au-delà d'un "j'aime/je n'aime pas" épidermique est déjà d’une légèreté répréhensible quand on chronique un livre ou un spectacle. Quand ce sont de soi-disant "experts", des "professionnels" dont l'avis engage rien moins que la vie des artistes qui réagissent ainsi, cela devient de l'irresponsabilité.
Le Théâtre du Lierre fût-il seulement le chez-soi d’une compagnie qu'il ne mériterait pas de disparaître. Mais il est beaucoup plus que cela. Grâce à ce lieu et à l’équipe qui l’anime, ce sont chaque année plusieurs compagnies qui ont l’opportunité de montrer leur travail et de dispenser leur enseignement à travers stages et conférences ; ce sont chaque année des peintres, photographes, plasticiens… qui ont l’opportunité de montrer leurs œuvres dans le cadre des expositions organisées en lien avec chaque spectacle. Le Théâtre du Lierre est aussi le lieu de transmission d’un savoir et d’une expérience, en direction des professionnels comme du public amateur, à travers les Atelierres qui, en même temps, sont également des chaînons sociaux primordiaux dans la vie du quartier. Et c'est un espace convivial, chaleureux, où le visiteur se sent toujours traité en ami, en voisin.
En d'autres termes, condamner le Lierre à disparition c’est attenter à la vie de tous les artistes qui sont accueillis là-bas, c’est nuire à la diversité artistique, c’est enfin fermer au public une voie d’ouverture des cœurs et des esprits.
Ne laissez pas mourir Le Lierre, et signez la pétition de soutien si ce n’est déjà fait…