Aller au bout d'une intention : voilà qui à soi seul constitue pour moi une petite victoire sur l'aranéosité habituelle de mes dispositions - toujours enclines aux reculades et autres renoncements. Aujourd'hui j'avais en projet d'aller au Marché aux fleurs : je voulais refaire une photo que j'avais faite là voici trois ou quatre ans, qui avait figuré dans la primo-sélection des images à tirer en 30x40 pour constituer l'expo "Reflets" puis qui n'avait finalement pas été tirée pour des questions de temps. Mais lorsque j'ai voulu reconsidérer tous les tirages de lecture laissés de côté afin de les mener jusqu'au format d'exposition, je me suis aperçue que cette photo prise au Marché aux fleurs souffrait d'une imperfection irréparable : montrant le reflet d'un candélabre à deux lanternes sur une vitrine qui se superposait à des branchages et à un morceau de bâtiment avec un peu de ciel en arrière-plan, elle recelait sur le bord droit une forme triangulaire noire qui rompait l'harmonie générale - un fragment non identifié. Premier réflexe: recadrer. De manière homothétique s'entend... Mais éliminer ce fragment intempestif sur le bord droit eût exigé de rogner à proportion dans la partie supérieure ou inférieure, et l'image gagnait... en platitude. Or ces lanternes, le jeu réflexif qu'elles faisaient sur cette vitrine avec branches, ciel et architecture me semblaient mériter de nouvelles prises de vue, tirables puisqu'en aurait été expurgé le parasite. Ce n'est que ce dimanche que l'intention s'est concrétisée. Deux photos prises (oui, prises et non faites : pour dire que je "fais" la photo, j'attends de l'avoir menée au moins jusqu'au tirage de lecture; développée - i.e. à l'état de négatif - elle n'est "faite" qu'à demi) dont je sais par avance qu'elles seront lacunaires : en y pensant après coup je me souviens que, obnubilée par la suppression de l'élément parasite lors du cadrage, je n'ai pas songé à inclure le morceau de bâtiment qui contribuait à l'intérêt de cette photo que je voulais améliorer. Ces re-prises auront-elles encore un sens ? Je le saurai vite. Dans la foulée d'autres photos ont été prises (tant que le geste photographique reste au stade du déclenchement, ce n'est encore que prendre) et le film terminé, que je pourrai développer sans tarder. Je saurai... euh, non : j'entreverrai alors jusqu'à quel point j'ai réussi ou échoué à "capter". Pour savoir il me faudra tirer en lecture...
Même équipée de mon boîtier argentique je n'oublie jamais mon smartphone. Captations "galaxyques" du jour :
D'abord cette tesselle perdue en hauteur sur un mur clair... un petit oiseau que j'ai vu au diapason de mon état d'esprit du moment.
Puis ce visage de street art, balayé par les ombres mouvantes des branchages mus par la brise... qui m'ont paru lui conférer une indicible grâce.
Coda
En arrivant au bout de la rue Saint-Louis-en-L'île - l'extrémité débouchant boulevard Henri-IV - j'aperçois un groupe de touristes rassemblés autour d'un conférencier petit et frêle, dont la voix, qui porte peu, me parvient hachée par le vent. Vêtu d'un costume bleu marine étriqué, coiffé d'un haut-de-forme beige . Ce couvre-chef à lui seul appelait le portrait... Il m'eût fallu l'aborder, je n'ai pas osé - un seuil de plus que je n'aurai pas franchi, une photo de plus que je n'aurai pas prise et qui ira grossir la liste longue de mes regrets photographiques.