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8 mars 2020 7 08 /03 /mars /2020 09:45

D’abord ce matin une pause dans la continuelle pluviosité de ces derniers jours et, même, un soleil pâle donnant à la clarté penchée de l’aube une douceur que l’on n’avait plus vue depuis longtemps. Puis le décrochage de cette première exposition en place depuis le 24 février au centre Paris Anim’ Rébeval, dont rien n’a filtré ici faute d’avoir su écrire ce qui à mon sens aurait dû en être dit – aurait d’autant plus dû être dit que le texte d’accompagnement prévu qui, par-delà les maigres lignes de présentation strictominimales et les remerciements, eût développé mes intentions, n’a pas non plus été prêt à temps pour être de la partie – mais qui peut-être trouvera sa forme a posteriori (après tout pourquoi pas: peu importe d’exprimer au passé, fût-il simple ou composé, nuancé de plus-que-parfait ou, au contraire, d’imparfait du moment que «cela s’écrit en justesse»). Rapide, donnant lieu à de chaleureux échanges et à de nouvelles appréciations très positives – de quoi engranger assez de ressource intérieure pour ne pas éprouver cette pénible sensation de vacuité généralement consécutive à une période d’intense activité et trouver l’élan d’oser formuler des projets (par exemple l’ambition de construire, à partir de ma série exposée, une suite de tirages qui puisse la développer en toute cohérence dans plusieurs directions – ça foisonne... bien sûr car il s’agit là d’idées, d'élaborations mentales et, à cet égard, je ne suis jamais en reste quand, à l’inverse, «passer à l’acte» m’est plus difficile…) Décrochage donc et, ensuite, pause amicale chez Marie-Annick et Alexandre – arts tous azimuts: peinture et poésie, création textile, rapport de soi à ce que l’on fait (ou ne fait pas)… mais surtout cette ineffable chaleur qui dès le seuil franchi enrobe le cœur, dilate l’âme et rend tout ouvert aux échanges, dont je fais l’expérience depuis de nombreuses années et qui toujours suscite en moi le même émerveillement lumineux.

Autant de contrées autres ‒ à la fois profondément miennes et familières, inscrites dans mon paysage aussi fermement que le sont les principes «gravés dans le marbre», et autres parce qu’elles me tiennent à distance de sphères non moins miennes mais dont les conforts sont davantage creusés d’ombres pénibles difficiles à écarter – que je n’imaginais pas quitter «comme cela», avec pour seul temps de transition avant de retrouver mon ordinaire celui d’un trajet de «retour-chez-soi».

Alors direction le Louvre pour aller voir, in extremis, l’exposition Soulages. Subjugation totale… ô comme ces immense stèles noires fascinent, comme elles imposent le silence… s’arrêter sur l’une d’elles, mono- ou polyptique, ne peut être qu’un contemplement, un au-delà de la contemplation. Un appel intérieur m’incitait à m’abandonner à ce contemplement, à me tenir là au sein de l’outrenoir sans plus rien percevoir des bruits environnants jusqu’à ce que «quelque chose se décolle» et fasse surgir un sens traversant – et bouleversant. Mais redoutant, en même temps, de ne pas savoir aller jusqu’à ce traversement et d’en éprouver trop de déception, je m’en suis tenue à la seule subjugation – la surface de l’émotion –, dont je préservais l’empreinte précieuse en quittant rapidement le Salon carré – les petites marqueteries noires qui ornent le parquet ont-elles leur part dans le choix de ce lieu d’exposition? – sans plus rien regarder autour de moi jusqu’à la sortie. Car après l’outrenoir, tout me paraissait effroyablement bruyant

Ensuite marcher dans Paris, l’esprit flottant, ne cherchant pas à dire cette impression forte et subsistante, et simplement perméable à ce qui passe. Profiter de la douceur et de la non-pluie, du ciel opalescent et des rues moins encombrées que de coutume sans doute à cause du coronavirus. Faire halte chez Mariage Frères, le fameux comptoir où acheter du thé prend la forme d’un rituel délectable – l’on s’adresse à vous avec cette belle politesse, élégante et distinguée, nuée de discrétion, aujourd’hui disparue de tout lieu où il s’agit de vendre, tout entière supplantée par une insupportable agressivité commerciale mal dissimulée par un «puis-je vous aider» signifiant bien plutôt « mais qu’est-ce donc que vais pouvoir vous fourguer?»; l’on vous parle de chaque thé avec une insigne précision, sans fioritures qui puissent lasser mais non sans cette imperceptible note d’enthousiasme dont seuls les connaisseurs passionnés parent leurs propos; puis au moment du choix, ce geste parfait du vendeur pour saisir l’une ou l’autre de ces boîtes géantes alignées derrière lui, l’ouvrir et la présenter pour vous laisser humer à loisir les feuilles… Ah ces prémices olfactives… Préludes à la dégustation à venir dont ils esquissent les délices, si étroitement attachés pour moi aux thés Mariage que je préfère, à tout approvisionnement de ces derniers «en ligne», de ponctuels dépannages à coups de thés plus banals.

Avoir été là comme à l’exposition Soulages: en contrées autres.

Et de reprendre pied  in fine dans le monde ordinaire en douceur, à la faveur d’une métroportation sans encombre «vers-chez-moi» avec, pour compagnons de trajet, les «petits poèmes de l'arbre hivernal*» d’Alexandre (Personne vous lira leur dit avec une mélancolie audible sur la page imprimée le poète. Eh bien si: la preuve!).
Puis ce matin ceci – chemin vite frayé des tréfonds aux phrases, un vouloir-dire en ligne droite vers le texte (enfin!) – et l’ailleurs ainsi ne dit pas son dernier mot trop brutalement.

Oui vraiment, une belle journée, douce encore de cela que je n’ai eu à déployer hors du nid familial si protecteur aucune de mes ailes.

Une bien belle journée qui a mordu sur son lendemain, dont je vais tâcher de protéger le souvenir comme on le fait d'une espèce en passe de disparaître.

 

* Alejandro Arribas y Ximeno, Con el hato al hombro / Le Baluchon sur le dos (édition bilingue espagnol-français), Cuadermillos literarios - Cahiers littéraires, 2019.

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