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12 janvier 2013 6 12 /01 /janvier /2013 10:43

Toile ou papier...

 

Ils ont beau être encombrants, fragiles, sujets à toutes sortes de flétrissures si on ne les traite pas avec suffisamment de soins et trop prompts à partir en pages détachées, défraîchies de surcroît, quand ils sont mal collés et imprimés sur du mauvais papier – apanage de la quasi totalité des éditions "bon marché": j'ai une si profonde affection pour les livres que je reste sourde aux multiples avantages offerts par les versions numérisées des textes. J'aime les livres, même vieux et jaunis, tachés, déformés par l'humidité – alors que j’ai, pour les neufs, des égards confinant à la manie, prenant garde de ne pas maculer les plats avec des doigts sales et de ne pas casser les dos en les ouvrant trop de sorte que, une fois lus et rangés sur mes étagères ils semblent droit sortis de la librairie. Neufs, ou vieillis et usés, faits de papier que le temps a raidi et rendu rêche ou, au contraire, lisse et doux… j'aime avoir des livres entre les mains, les toucher, humer l'odeur de leurs pages et les au fur et à mesure que je lis – j'aime ce bouquet de sensations persistantes à l'esprit qui dessinent, en arrière-plan de ma lecture, une toile de fond "climatique" si j'ose dire, contribuant à colorer le sens, la portée de ce que je lis. Je ne suis pas prête à troquer mes bouquins contre une liseuse numérique en dépit des avantages de celle-ci, et sans nier qu’elle aussi implique un rapport à l’objet propre à déployer sa toile de fond "climatique" – simplement je préfère la première à la seconde, dont j’ai un avant-goût à force de manipuler mon ordinateur ou mon mobile polyvalent. 

 

Cela ne m’empêche pas de m’immerger volontiers dans l’univers numérique et de me réjouir chaque jour davantage – comme dirait la poétesse, aujourd'hui plus qu'hier et moins que demain – de ce que l'on numérise de plus en plus de textes. Et surtout, de ce que tant d'informations diverses soient en accès libre, quasi instantané, sur la Toile. D’ailleurs, avec autant de ressources à portée de clic, acquérir des ouvrages numérisés devient superflu – sauf en cas de besoins très spécialisés : quel besoin en a-t-on puisque, en saisissant un ou deux mots clés dans la fenêtre d’un moteur de recherche puis en cliquant ici et là, on peut obtenir des réponses à la fois précises et approfondies dans à peu près tous les domaines et puiser à suffisamment de sources pour confronter les informations ? Et puis… Combien un honnête homme d’aujourd’hui devrait-il acquérir d’encyclopédies numérisées pour espérer approcher, fût-ce de manière superficielle, tout ce à quoi il peut accéder en se connectant à Internet ? L’estimation ne vaut même pas la peine d’être tentée…

 

Il ne s’agit plus ici de "lecture" mais de documentation, de recherche – en ces matières, la Toile met à la disposition de l’internaute une telle quantité de données, accessibles à une telle rapidité et si facilement que mener des investigations à travers les seuls livres finit par ressembler à une aventure digne des grandes explorations – longue, et à l’issue pas forcément fructueuse… Il me faut, quotidiennement, procéder à d’innombrables vérifications aussi diverses que variées : orthographe de noms propres de lieux ou de personnes, dates, signification de termes de jargon allant du jeu d’échecs à l’astrophysique en passant par l’œnologie… sans compter les incertitudes grammaticales qu’il me faut sans cesse lever. À titre d’exemple, j’ai dû récemment m’assurer de la date de naissance de Mme Blavatsky, du lieu d’une bataille antique, de quelques noms d’oiseaux scientifiquement donnés en latin. Grâce à Internet, j’ai trouvé en quelques clics les renseignements dont j’avais besoin. Comment, et en combien de temps, les aurais-je obtenus par le seul recours aux livres et documents imprimés – y serais-je d’ailleurs parvenue, même en gîtant à demeure à la B.N.F.?


reseau_TN.jpgJe passe ainsi une bonne partie de mes journées à naviguer sur le Net, qui m’apparaît davantage océan que "réseau", ou "toile d’araignée", tant la vastitude des territoires ouverts à ma curiosité m'évoque cet horizon "à perte de vue" que l'on peut contempler depuis une rive marine. Il y a cependant un "effet réseau" que produisent, dès que l’on se donne la peine de les suivre, les liens hypertextes dont est truffée la moindre page web: un mot, une information, un site dénichés mènent vers d’autres mots, sites, informations dont chacun à son tour mène vers d’autres mots, sites, informations… On tire à la suite des uns des autres des multitudes de fils que l'on noue ensemble dans le secret de sa pensée, de sa réflexion, se tricotant un savoir qui s'enrichit et se densifie au gré des navigations. Au lieu que persister à tirer sur le fil d'une maille démaillée défait l’ouvrage… 

 

 

Big Brother

 

L’on dit qu’il existe de secrètes instances internationales qui épient en permanence le trafic des connexions internet afin de pister d’éventuels terroristes qui feraient transiter leurs échanges codés via la Toile. Il y aurait ainsi de par le monde des "yeux" et des "oreilles" auscultant en permanence tout ce qui traverse le web et disposant pour les assister de puissants logiciels programmés pour réagir instantanément à un certain nombre de mots clés jugés "sensibles" et dont la liste est continuellement réactualisée en fonction des événements internationaux.

 

J’ai, ces derniers temps, à seule fin de vérifications orthographiques ou pour m'enquérir de l'exactitude d'une indication de date, tapé successivement dans la fenêtre "search" de mon cher Google (moteur de recherche adopté suite à l'accumulation de plusieurs trouvailles aussi heureuses qu'opportunes, tandis que d'autres moteurs m'entraînaient, avec les mêmes mots clés, à des lieues bien trop improbables de ce que je cherchais pour que j'en devienne une fidèle utilisatrice), "Saddam Hussein", "AK 47", "abaya", "sunnite", "chiite", "kalachnikov", "Maxim", "franc-maçonnerie", "Grande loge de France", "rite écossais ancien et accepté", "théosophie"…  Je me dis qu'avec un tel échantillonnage de mots clés, et de sites consécutivement  visités – où je me suis d'ailleurs longtemps attardée car, curieuse, j’ai tendance à lire bien plus que l’information dont j’ai besoin qui souvent tient en un seul mot – je dois avoir quelque part un dossier, peut-être même étiqueté "à surveiller". 

 

Peut-être qu'un jour je verrai débarquer chez moi des men in black, ou des impers mastic lunettés de noir et portant galurin mou m’intimant, d’une voix froide et atone, de les suivre afin d’être interrogée dans le cadre d’une "enquête de routine"… Je serai alors poussée dans une voiture aux vitres obscurcies, puis conduite sans que je puisse rien voir du trajet, au énième sous-sol d’une quelconque bâtisse où je serai soumise à l’interrogatoire "de routine" promis… À scruter mes "habitudes de connexion", ceux qui veillent à la sécurité du monde se sont sans doute imaginés qu’ils le tenaient enfin, ce superméchant bien réel et pas du tout littéraire réunissant en sa seule personne toutes les abominables perfections du Dr Fu-Manchu, du professeur Moriarty, de Blofeld… pourquoi pas de Fantômas et qui, comble d’arrogance, fort de son patronyme couleur muraille, ne se donnerait même pas la peine de masquer le cours de ses pérégrinations internet derrière l'infinité d’adresses écran dont usent d'ordinaire les roués de la dissimulation. Car on sait bien que la suprême habileté du grand criminel, ou de l'espion, est justement de ne pas se cacher, d'agir au grand jour, au vu et au su de tous avec, ultime cerise sur le gâteau, ce rien de naïveté souriante qui anesthésie les méfiances et attire immédiatement la sympathie…  


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  • : Ce blog au nom bizarre consonant un rien "fantasy" est né en janvier 2009; et bien que la rubrique "archives" n'en laisse voir qu'une petite partie émergée l'iceberg nykthéen est bien enraciné dans les premiers jours de l'an (fut-il "de grâce" ou non, ça...) 2009. C'est un petit coin de Toile taillé pour quelques aventures d'écriture essentiellement vouées à la chronique littéraire mais dérivant parfois - vers où? Ma foi je l'ignore. Le temps le dira...
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  • Entre littérature et arts visuels, à la poursuite des ombres, je cherche. Parfois je trouve. Souvent c'est à un mur que se résume le monde... Yza est un pseudonyme, choisi pour m'affranchir d'un prénom jugé trop banal mais sans m'en écarter complètement parce qu'au fond je ne me conçois pas sans lui
  • Entre littérature et arts visuels, à la poursuite des ombres, je cherche. Parfois je trouve. Souvent c'est à un mur que se résume le monde... Yza est un pseudonyme, choisi pour m'affranchir d'un prénom jugé trop banal mais sans m'en écarter complètement parce qu'au fond je ne me conçois pas sans lui

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