... qu'il en serait presque une mise au tombeau. Car de ce réveil imaginé le 12 septembre dernier à la faveur d'un livre lu, sitôt aimé et accompagné de foultitudes de notes jetées çà et là en cours de lecture puisque je prévoyais, en croyant dur comme fer la chose possible, de rédiger ici une chronique (et non sur k-libre car l'ouvrage en question, À la mesure de nos silences, ne relevait plus assez de l'actualité) au point que je notais en bas de page un [à suivre] - de ce réveil, donc, il n'y eut rien. Le [à suivre] demeura sans suite, le roman de Sophie Loubière sur mon bureau bien en évidence avec les paperolles de notes le garnissant comme si, demain - au pire après-demain ou le surlendemain - j'allais enfin «m'y mettre», et ces Terres restèrent désertes. Plus RIEN!
Puis vint le deuil – mon père partait subitement en octobre, lui le dernier pilier du quatuor d'amour total et indéfectible que formaient depuis ma naissance mes parents et les parents de mon père, m'entourant d'un cocon douillet, protecteur, à l'épreuve de toutes les balles de la vie et dont j'ai profité de manière éhontée (sans jamais les remercier de l'amour qu'ils étaient en droit d'espérer), au point de n'avoir pas vraiment franchi le pas de l'âge adulte à 60 ans d'âge biologique. Une vieille petite chose ratatinée sur ses échecs, ses intentions avortées, ses exécrations rancies et autres ressassements fétides, qui continue à formuler des intentions et des rêveries en sachant fort bien qu'elle ne fera rien pour les accomplir, les vivre, avant de mourir et qui de là n'en est que plus aigrie: voilà le portrait en pied de ce «moi haïssable»... que je découvre nument maintenant que je suis orpheline et à force d’introspections (expéditions spéléologiques de plus en plus fréquentes, prenantes, obnubilantes), sans plus aucun bouclier pour me protéger – je veux dire, sans plus personne pour supporter mes lamentations et tout me pardonner. La vie est exécrable dès lors qu’on fait tout pour la rendre telle.
C'est aujourd'hui me dernier jour de l'année 2023. Je n'ai jamais tenu pour fondamentales ces dates-jalons dont on borne le cours du Temps (anniversaires, premiers et/ou derniers jours de...) histoire de s'imaginer avoir vue sur lui alors qu'il s'écoule, têtu et aveugle, sans que l'on y puisse rien, indifférent à nos décomptes ridicules – ridicules car emplis de la présomption qu'on peut contrôler quelque chose de ce Temps alors qu'il est seul maître à bord, consumant tout sur son passage quoi qu'on fasse ou pense. Pourtant, je suis encore assez imprégnée de ces habitudes mentales bien que je les sache hochets stupides pour me pousser à écrire tout spécialement pour «ce jour-là». En ce dimanche 31 décembre, je ne me prépare pas à «fêter l'an nouveau» – comment le fêter avant même son aurore alors qu'il peut s'avérer d'une noirceur abominable... non, je porte le deuil de l'année bientôt finie, comme chaque soir je porte le deuil du jour achevé en me disant que venait de passer autant de temps qu'il fallait ôter à mon solde vital. Mais une fois de plus et sans escompter de véritable reprise, c’est en ce 31 décembre que je travaille à laisser une nouvelle trace ici. À quand la prochaine…
© Photo: Yza R., 2019. Ci-gît l’année finie.