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12 septembre 2023 2 12 /09 /septembre /2023 14:11

Parfois, sans que rien se soit produit d'identifiable qui fût de nature à passer l'âme au noir de fumée, l'on se retrouve jeté dans un boyau sombre empuanti de moisissures... On vient d'entrer dans un long tunnel dont on n'entrevoit pas l'issue et, dès lors, chaque matin ressemblera à un pensum: l'on se réveille avec au fond de soi comme un sanglot coincé, une masse de ouate dans la tête qui fait obstacle à toute pensée et ne laisse subsister de cérébral que ce qui est de l'ordre du réflexe. Au physique, on est aussi ratatiné qu’un vieux cep tordu, desséché à force d’avoir rôti au soleil… L'on est enfoui dans ces sensations poisseuses comme dans un cocon qu'une armée d'araignées aurait tissé pendant des siècles. L'on s'éteint là à petite vitesse, ne pensant plus à rien autre qu'à son petit confort et à la satisfaction de ses besoins physiologiques, heureux simplement de ne souffrir de rien et de sentir son corps flexible, réactif – qui ne traîne pas la patte ni ne renâcle aux commandements du cerveau. Et à force, si l'on n'y prend garde, on atteint le niveau ultime du rétrécissement mental, celui de non-retour où l'on se résume à un point infinitésimal.

Telle est l'humeur joyeuse qui fut la mienne ces dernières semaines – je traversais un de ces longs tunnels aranéeux que mes états d'âme connaissent bien pour y macérer souvent et dont je sais, par habitude, que je finis par sortir avant de m'être racornie tout à fait... Un moment arrive, tôt ou tard, où ma léthargie vole en éclats au contact d'une de ces infimités qui pullulent en continu et auxquelles, quand on est normalement éveillé, on est infiniment sensible… un insecte en train de butiner. Un air à la radio qui accroche l'oreille. Ou encore un mot inconnu lu au détour d’un texte: poussée vers le dictionnaire pour en découvrir le sens, l'étymologie, l'évolution, je réalise que je ne suis pas si éteinte puisque je jubile d’avoir ressenti le désir d’en savoir plus et une joie intense d’avoir trouvé réponse à mon interrogation.

Une seule étincelle de cette sorte et me voilà rassurée: je ne suis pas irréversiblement ratatinée. Petit retour sur la plus récente...

Arrive la dernière semaine d'août. Cela fait plus d'un mois que je n’ai pas écrit. Ni ici ni ailleurs, pas même une de ces petites dépêches pour k-libre qui me maintiennent dans un état de lucidité scripturale à peu près satisfaisante car, sans requérir un registre de langue particulièrement soutenu – on n'écrit pas une dépêche informative le petit doigt en l'air et l'imparfait du subjonctif à la boutonnière – elles exigent du soin tout de même dans le choix des mots, de l’attention, de la réactivité, et surtout cette minuscule aiguille d’enthousiasme qui convainc dans la seconde suivant un constat que l’info aperçue doit absolument être partagée. Cette «minuscule aiguille d'enthousiasme» qui est justement l’une des premières choses à disparaître quand je déprime... Et il y a bien plus longtemps encore que je n’ai plus photographié. Je n'évoluais plus qu'à la surface de l'existence, confinant celle-ci aux soins domestiques et au maintien d'un confort physique minimal.

Tout ce dont j'aurais pu dire qu'il relevait de la «nécessité intérieure» était enseveli sous la cendre et rien n’était plus sorti de cette cinérarité généralisée quand, à la faveur d’une balade boulevard Mainiol à Gourdon – une balade au pas de charge, yeux rivés au sol et pensées verrouillées sur l’effort que je voulais optimiser – un panneau à l’extérieur de la librairie Des livres et vous a percé contre toute attente l’épaisse paroi derrière laquelle je me pensais emmurée vive (auto-emmurée pour être juste). Y était affichée l’annonce de la prochaine venue d’une autrice dont le nom m’était familier pour l’avoir bien souvent croisé lors de mes contributions au fil d’actualité de k-libre (mais sans que j’aie encore rien lu d’elle): Sophie Loubière. Ce nom à l’extrême périphérie d’un champ visuel dont j’avais délibérément limité l’étendue a suffi pour couper court à mes pas. Je fais halte et prends le temps de lire toute l’affichette. Deux dates, les 15 et 16 septembre; deux lieux, la bibliothèque municipale et la librairie devant laquelle je suis à l’arrêt, un titre de livre enfin, À la mesure de nos silences.

«Il faut absolument rédiger une dépêche!» ai-je aussitôt pensé et, dès lors, cette intention occulta tout sur son passage! Elle s’imposa ainsi jusqu’à ce que j’aie l’accord de Julien V. pour la rédaction du billet qui, ainsi, fut mis en ligne le 7 septembre. Une intention moins anodine qu’il n’y paraît: elle témoigne d’abord qu’en dépit de mes incapacités répétées de rédiger une chronique décente, rien de ce qui pouvait intéresser k-libre ne m’était devenu indifférent. Ensuite, elle m’a amenée à l’intérieur de la librairie pour questionner un peu le libraire sur la rencontre à venir – je retrouvai un comportement de chroniqueuse curieuse, c’était donc un peu de vie qui brasillait de nouveau – et, enfin, m'a incitée à acheter le roman et à le lire… Ma curiosité poursuivait son chemin, se déployait au-delà du seul accroc au regard: le peu-de-vie brasillant devenait flammèche. Je cessais de tâtonner dans la nuit – le long tunnel obscur se moirait de clartés...

J’ai acheté À la mesure de nos silences toutes ailes dehors – je veux dire avec, à son endroit, une totale liberté: ne l’ayant pas reçu en service de presse, je ne lui dois rien; qu’il me séduise ou pas, peu importe que je ne trouve pas les mots pour l’évoquer, je n’éprouverais aucune culpabilité de n'en rien écrire.
Mais voilà... à peine lues les premières pages, l’écriture me subjuguait déjà  – non, non... le mot n’est pas trop fort: ces «premières pages» ont été l'ancre qui a durablement amarré mon attention dans les profondeurs du texte, dans son intimité... en lisant je retrouvais goût à cette façon singulière de «lire dans les recoins» qui est celle de la chroniqueuse mais aussi, à quelques variantes près, de la correctrice (saurai-je lire tout à fait autrement?) Ce roman m’a réconciliée avec cette lecture-là, avec la lecture tout court et, par là, je peux dire sans détour que je lui dois les prémices d’une résurrection intérieure.

[à suivre...]

 

 

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  • : Terres nykthes
  • : Ce blog au nom bizarre consonant un rien "fantasy" est né en janvier 2009; et bien que la rubrique "archives" n'en laisse voir qu'une petite partie émergée l'iceberg nykthéen est bien enraciné dans les premiers jours de l'an (fut-il "de grâce" ou non, ça...) 2009. C'est un petit coin de Toile taillé pour quelques aventures d'écriture essentiellement vouées à la chronique littéraire mais dérivant parfois - vers où? Ma foi je l'ignore. Le temps le dira...
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  • Entre littérature et arts visuels, à la poursuite des ombres, je cherche. Parfois je trouve. Souvent c'est à un mur que se résume le monde... Yza est un pseudonyme, choisi pour m'affranchir d'un prénom jugé trop banal mais sans m'en écarter complètement parce qu'au fond je ne me conçois pas sans lui
  • Entre littérature et arts visuels, à la poursuite des ombres, je cherche. Parfois je trouve. Souvent c'est à un mur que se résume le monde... Yza est un pseudonyme, choisi pour m'affranchir d'un prénom jugé trop banal mais sans m'en écarter complètement parce qu'au fond je ne me conçois pas sans lui

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