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14 novembre 2021 7 14 /11 /novembre /2021 19:01

Comment se fait-il que, dans un environnement sinon quotidien du moins très familier, sans qu'aucune circonstance particulière soit à noter, on remarque tout d'un coup un détail, infime mais qui pourtant accroche – accroche et fascine, moins par lui-même que de n'avoir jamais été remarqué auparavant... 

Voici quelques jours (l'avant-hier d'abord écrit n'est maintenant plus de saison: trop de temps a passé entre le moment où ce qui motivait l'écriture a eu lieu et celui où ce qui le traduit est effectivement écrit) j'allais musant – quel autre verbe choisir pour exprimer ce pas singulier de la promenade, adopté lorsque l'on voudrait ne s'appesantir sur rien, cesser de chercher des solutions à des questions sans réponses... quand on tâche d'expurger l'esprit de réflexion suivie, l'ouvrant tout entier à la seule captation des parfums, des sensations proprioceptives, des mouvements du vent sur le peu de peau à découvert... Je musai donc dans une rue bordée de voitures stationnées, toutes ornées de feuilles mortes que les courants d'air avaient dispersées et accumulées selon des configurations aux innombrables variantes. Rien de nouveau dans ces jeux de formes, de couleurs, que l'automne, effeuillant les arbres, allume tous azimuts et que le soleil oblique fait chatoyer. Irrésistiblement photogénique... surtout les reflets doublés d'ombres sur les carrosseries ou les pare-brise.

Les files de voitures à l'arrêt me font, évidemment, ralentir pour scruter d'aussi près que je peux ces compositions éphémères. Souvent le smartphone jaillit, par exemple pour attraper dans ses pixels cette feuille aux frêles dentelures que l'ombre étirée magnifie en une main gracile:

Je m'avise alors d'un curieux motif tout à côté que je regarde de plus près encore. Les contours fantomisés d'une autre feuille qui, sans doute, avait adhéré à la peinture sous l'effet de l'humidité avant d'être emportée par le vent. Alors j'observe plus attentivement ce capot clair couvert de salissures et décèle plusieurs motifs du même genre. Bien sûr je capte:

Ce n'est pourtant pas la première fois que je me penche ainsi sur des capots habillés par l'automne et ces traces doivent être un phénomène des plus ordinaires. Mais pourquoi ne l'ai-je constaté que cette année, ce jour-là en particulier, au point de le photographier?

Peut-être parce que ce n'est qu'à ce moment-là que ces motifs sont entrés en collision avec un moment d'enfance et qu'il fallait cette collision pour que je les remarque. Ils m'ont rappelé ces impressions de fougères préhistoriques que mon grand-père m'avait montrées à la surface des dalles dont il allait recouvrir la terrasse qu'il venait de construire. Des contours d'une netteté extrême, de brillantes couleurs dorées, noir-bleuté... semées d'infimes paillettes. Quel trésor pour moi qui, à cet âge (une dizaine d'années?) me passionnais pour la préhistoire, ce que l'on appelait alors les leçons de choses (ancêtres de nos Sciences de la vie et de la Terre)! Et mon grand-père de m'expliquer comment l'empreinte de ces plantes avait été prise dans la pierre, que les couleurs et les brillances allaient se ternir très vite à force d'être exposées à l'air. En effet... ces merveilleux motifs perdirent peu à peu leur éclat.

Quelque quarante années plus tard, les impressions étaient largement défraîchies, en partie disparues pour certaines. Mais je les "voyais" encore. En même temps qu'elles, c'est mon grand-père que je voyais, que j'entendais me parler des fougères, des lichens, des pigments, de l'oxydation. Dans ma mémoire brillait aussi comme au jour de son épiphanie ce rameau entier, tout dentelé et luisant comme de l'or qui m'avait tant émerveillée et que mon grand-père avait consenti à préserver lors de la taille: il allait tâcher d'utiliser la dalle sans trancher dans le motif, comme on dirait dans le vif.

Il n'y a plus aujourd’hui que du carrelage écru, bien régulier, facile à entretenir car la réfection de l'étanchéité de la terrasse a exigé que l'on dépose ces dalles où frémissait une mémoire millénaire. Augmentée de la mienne, de mes souvenirs fragiles, dont je ne sais même plus quel est leur exact rapport au réel et dont je me dis qu'ils sont in fine leur propre et unique référent.

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13 novembre 2021 6 13 /11 /novembre /2021 09:46

Jeudi 11 novembre... un de ces jours fériés qui vident nombre d'espaces publics de leur foule habituelle (des jours dont le nombre tend à diminuer avec la généralisation des «ouvertures exceptionnelles», et l'exceptionnalité, à force de se répandre, est en passe de devenir sinon une règle du moins une habitude, quelque chose à quoi l'on s'accoutume sans s'en rendre compte jusqu'au jour où l'on est tout surpris de trouver le magasin du coin fermé un dimanche...).

Un de ces jours qui, par cette vacuité qu'ils y instaurent, m'attirent là où d'ordinaire vaque la foule, appareil photo à portée de main – il me semble en effet que subsistent dans ces déserts temporaires des présences résiduelles que la photographie peut sinon capter (comme on retient un filet d'eau au creux de la main le temps de se désaltérer) du moins signifier avec force au tirage si, lors de la prise de vue, j'ai su choisir un sujet, un cadrage, une mise au point – bref, calculer dans le viseur une composition qui in fine rende compte de ma conscience de ces  «présences-absentes-mais-pourtant-là».

Je ne suis pas allée très loin: je me suis bornée à rester «en bas de chez moi», là où sont rassemblés une partie des bâtiments de l'université de Créteil, organisés autour de cours et d'allées ponctuées de bancs. Personne en vue, pas même un promeneur isolé passant là par hasard – seuls circulent, poussés par le vent intermittent, quelques détritus mêlés aux feuilles mortes. Et soudain mon regard se rive sur une bouteille vide – une bouteille de vin dont le bouchon de liège gît tout près, que l'on eût attendue, au terme d'un repas fin, sur une table élégamment dressée plutôt que perdue au milieu d'une cour déserte. C'est évidemment cette incongruité qui m'a arrêtée (moi plutôt que mon seul regard: ce ne sont pas tant les formes, la couleur, ce que cette bouteille crée comme visualité dans son environnement qui ont fixé mon attention mais les pensées qui se sont greffées sur elle et en particulier sur le nom que je lis sur l'étiquette: La cour des anges... Un nom pareil surgi justement dans une cour, vide, silencieuse – pleine de ce silence qu'une expression courante dit traversé par un ange qui passe... Mais où les anges dans cet espace urbain inesthétique, privé de l'animation qui en atténue la géométrie rébarbative, livré aux volettements multicolores des feuilles tombées gâtés de papiers gras?

En même temps que je redoute l'échec de la captation je reste convaincue que la prise de vue sera signifiante – la tension des contraires se déséquilibre assez en faveur de la conviction positive pour que je sorte mon boîtier argentique. En attendant le verdict du tirage, la «captation galaxyque» dit son mot...

 

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29 octobre 2021 5 29 /10 /octobre /2021 16:34

... et la suite que j'ai cru bon de leur donner en m'arrêtant ici.

Or donc ce matin j'allais d'un bon pas, marchant au lieu de courir puisque bloquée par des gênes bien connues et qui me suggèrent de... marquer le pas dans mes entraînements quotidiens tant qu'elles sont légères afin de n'avoir pas à souffrir de leur persistance si je continue de ne rien entendre. Le soleil est encore bas, le ciel bleu nu - mais qui devrait se couvrir bientôt si j'en crois les prévisions de Météo France - et cette conjoncture répand une lumière qui intensifie les corps à force d'étirer leurs ombres (quand, les frappant de plein fouet aux midis de l'été, elle les les éteint à force de les écraser se sa puissance) et crudifie les couleurs qu'elle révèle en traversant les peaux ténues des fleurs et des feuilles. Une lumière plénifiante qui à elle seule donne des ailes à l'âme. Le souffle du vent, colporteur de senteurs fanées et bruissantes, lui fait prendre son essor.

Les surgissements épiphaniques qui ont amené mon smartphone au bout de mes doigts sont à des lieues de ces glorieuses fugacités - ils relèvent plutôt de ce registre esthétique que j'ai baptisé, il y a bien longtemps, les "défaites polymorphes".

Il ne fait aucun doute que ces troncs ont été délibérément entreposés là après le tronçonnage d'un arbre abattu. Mais avec ce banc à la renverse, qui devait être à l'abandon depuis longtemps à en juger par l'état de son frère en infortune à l'arrière-plan mais que l'on dirait victime de l'avalanche des tronçons, comment ne pas s'imaginer avoir sous les yeux LA figuration du grand désastre? Sans m'attarder trop, je cherche cependant à enfermer dans le cadre de mon écran les éléments qui correspondent le mieux à ce que je suis en train de penser chaotiquement et à toute vitesse (ce qui précède en est la forme quintessenciée). Puis je me répète comme un mantra "Il te FAUT revenir ici avec ton boîtier argentique... il te FAUT revenir ici... et si la prise de vue escomptée s'avère impossible tant pis. Il FAUT tenter le coup, à la lumière de l'après-midi quand le ciel sera dégagé!" Je me doute bien que ce ne sera pas aujourd'hui eu égard aux prévisions météorologiques. Mais en me répétant la chose de la sorte, j'inscris l'intention sinon dans le marbre du moins dans la perspective d'un proche à-venir.

Au creux d'une bifurcation, à l'aplomb d'une poubelle, l'un de ces innombrables panneaux injonctifs à pictogrammes qui, ponctuant les chemins, rappellent continument aux promeneurs ce qui est interdit. "Circulation interdite aux deux-roues à moteur"; "Interdit aux chiens non tenus en laisse"... Les interdits n'ont pas été abrogés quand bien même ce qui les promulgue est en piteux état... Les temps - celui qu'il fait et celui qui passe, tous deux pareillement vecteurs d'usure - ont eu raison du bois, de la peinture, du métal... Ils auront aussi raison de nous au bout du compte. Mais peut-être serons-nous érodés par les contraintes et par elles brisés avant de l'être par les temps, ceux qui courent, galopent à bride abattue... et tous les autres.

Ce ne sont pas des "photos" au sens plein et entier (i.e.: cadrage et mise au point soignés, luminosité et contraste retravaillés à défaut d'avoir été maîtrisés à la prise de vue...) mais des captations aide-mémoire, soit qu'elles me servent à "construire" d'ultérieures photographies argentiques, soit qu'elles soient supports de textes. Parfois, mes captations remplissent ces deux offices à la fois, et en outre deviennent illustrations de nyktheries, se constituent en albums...

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24 octobre 2021 7 24 /10 /octobre /2021 16:43

Aller au bout d'une intention : voilà qui à soi seul constitue pour moi une petite victoire sur l'aranéosité habituelle de mes dispositions - toujours enclines aux reculades et autres renoncements. Aujourd'hui j'avais en projet d'aller au Marché aux fleurs : je voulais refaire une photo que j'avais faite là voici trois ou quatre ans, qui avait figuré dans la primo-sélection des images à tirer en 30x40 pour constituer l'expo "Reflets" puis qui n'avait finalement pas été tirée pour des questions de temps. Mais lorsque j'ai voulu reconsidérer tous les tirages de lecture laissés de côté afin de les mener jusqu'au format d'exposition, je me suis aperçue que cette photo prise au Marché aux fleurs souffrait d'une imperfection irréparable : montrant le reflet d'un candélabre à deux lanternes sur une vitrine qui se superposait à des branchages et à un morceau de bâtiment avec un peu de ciel en arrière-plan, elle recelait sur le bord droit une forme triangulaire noire qui rompait l'harmonie générale - un fragment non identifié. Premier réflexe: recadrer. De manière homothétique s'entend...  Mais éliminer ce fragment intempestif sur le bord droit eût exigé de rogner à proportion dans la partie supérieure ou inférieure, et l'image gagnait... en platitude. Or ces lanternes, le jeu réflexif qu'elles faisaient sur cette vitrine avec branches, ciel et architecture me semblaient mériter de nouvelles prises de vue, tirables puisqu'en aurait été expurgé le parasite. Ce n'est que ce dimanche que l'intention s'est concrétisée. Deux photos prises (oui, prises et non faites : pour dire que je "fais" la photo, j'attends de l'avoir menée au moins jusqu'au tirage de lecture; développée - i.e. à l'état de négatif - elle n'est "faite" qu'à demi) dont je sais par avance qu'elles seront lacunaires : en y pensant après coup je me souviens que, obnubilée par la suppression de l'élément parasite lors du cadrage, je n'ai pas songé à inclure le morceau de bâtiment qui contribuait à l'intérêt de cette photo que je voulais améliorer. Ces re-prises auront-elles encore un sens ? Je le saurai vite. Dans la foulée d'autres photos ont été prises (tant que le geste photographique reste au stade du déclenchement, ce n'est encore que prendre) et le film terminé, que je pourrai développer sans tarder. Je saurai... euh, non : j'entreverrai alors jusqu'à quel point j'ai réussi ou échoué à "capter". Pour savoir il me faudra tirer en lecture...

Même équipée de mon boîtier argentique je n'oublie jamais mon smartphone. Captations "galaxyques" du jour :

D'abord cette tesselle perdue en hauteur sur un mur clair... un petit oiseau que j'ai vu au diapason de mon état d'esprit du moment.

Puis ce visage de street art, balayé par les ombres mouvantes des branchages mus par la brise... qui m'ont paru lui conférer une indicible grâce.

Coda

En arrivant au bout de la rue Saint-Louis-en-L'île - l'extrémité débouchant boulevard Henri-IV - j'aperçois un groupe de touristes rassemblés autour d'un conférencier petit et frêle, dont la voix, qui porte peu, me parvient hachée par le vent. Vêtu d'un costume bleu marine étriqué, coiffé d'un haut-de-forme beige . Ce couvre-chef à lui seul appelait le portrait... Il m'eût fallu l'aborder, je n'ai pas osé - un seuil de plus que je n'aurai pas franchi, une photo de plus que je n'aurai pas prise et qui ira grossir la liste longue de mes regrets photographiques.

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21 octobre 2021 4 21 /10 /octobre /2021 17:27

Ce matin la tempête s'est calmée. À 8 heures le vent est tombé assez bas pour que je puisse sortir courir sans appréhension. Foulée fluide, allègre – excellentes sensations à tous points de vue ; le bien-être est total. Ailées aussi les pensées, point trop désordonnées malgré tout. Une phrase claire et bien-sonnante peu à peu s'impose dont je me dis qu'elle doit être retenue pour la chronique que je prépare*. Je cours avec une aisance croissante tandis que je me répète la phrase à retenir jusqu'au seuil de mon immeuble. Corps délié, âme légère... mais sitôt que je m'empare d'un stylo et d'une feuille de papier, la phrase "claire-et-bien-sonnante" s'en est allée. Ce que j'écris, et qui suit d'aussi près que possible cette phrase répétée mentalement, n'a plus rien d'avenant : c'est plat, et si j'ornemente pour donner du piquant ça devient grotesque. In fine, ça ne veut plus rien dire.

Une fois de plus, la phrase imaginée se brise les ailes au contact de la concrétisation écrite.

* Je viens d'achever Le Mystère Caravage, de Peter Dempf, à fin de chronique pour le site k-libre et l’article est à écrire... en friche pour l'heure.

Ayant prévu d'aller passer la journée au labo photo je pensais profiter du trajet en métro pour noter une esquisse d'épinglette. Las... ni stylo no crayon dans mon sac! Il me faut pourtant la noter, quitte à la jeter plus tard. Alors j'imagine de m'envoyer un texto... Et de sortir mon smartphone, de pianoter dessus comme 90% de mes compagnons de voyage.

Un stupide oubli, et me voilà sujette au même geste que la masse, moi qui prends tant de plaisir à me sentir inactuelle (en lisant un vieux bouquin par exemple, dans le métro justement...)

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19 octobre 2021 2 19 /10 /octobre /2021 10:51

Voici quelques jours, je marchais rue de Belleville.

Un miroir d'un bleu sidérant marque l'entrée d'un restaurant, d'un bleu tel qu'il ne peut qu'arrêter le regard, celui-ci fût-il absent, flottant au gré de pensées obnubilantes plutôt qu'attentif à l'environnement.

Il vibrionne aux confins de mon champ visuel - je le sens plus que je ne le vois et, m'arrêtant, un autre éclat me happe, celui d'un œillet d'Inde violemment jaune dressé devant le miroir au bleu si intense. Ah, ce choc chromatique! je cède sans réfléchir à la pulsion photographique. Le smartphone est à portée qui, seul, me permet ce geste spontané. Une spontanéité relative: je dois m'y reprendre à plusieurs fois car des bouffées de vent viennent intempestivement compromettre la qualité de l'image. Et puis j'essaie de soigner le cadrage: tout entière focalisée sur le choc des primaires j'en oublie les "bruits" de pourtour, ces informations parasites que l'objectif capte si l'on ne prend garde à les éviter dès la prise de vue. Trois ou quatre essais, de suite "modifiés" - id est: recadrés et je finis par garder cela.

Ce n'est pas une photo de choix, juste l'image associée à une petite "histoire de chose vue".

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18 octobre 2021 1 18 /10 /octobre /2021 10:26

Pâleur rosée du soleil à peine levé
Ô ces jours pudiques d’automne aux joues hâves
Avançant à pas de fantômes sous leurs voiles de brumes vagues

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17 octobre 2021 7 17 /10 /octobre /2021 09:52

Une énième fois je balbutie, hésite... ne sais comment secouer les cendres.

Et si... je renonçais, justement, à déblayer, à émerger de la cinérarité - id est: souffler sur les poussières et faire émerger un peu de clarté sur cette vaste vacuité que j'ai laissée se déployer pendant des mois, un déblaiement qui cependant s'opère mais n'est pas encore suffisamment avancé pour se fixer en un écrit éclairant?

Oui, laisser temporairement de côté cette mise au clair pour m'abandonner au seul plaisir de laisser là, au jour le jour, ces micro-fulgurances qui, derrière ce vide, n'ont en fait jamais cessé d’affluer, beaucoup réclamant sans doute leur place en ces terres tant elles s'installaient et s'incrustaient, sans que pour autant je consente à leur offrir autre chose qu'un rapide griffonnage, sur une vague paperolle plus ou moins "déchetive" et, donc, promise au rebut.

Ne plus renoncer au dépôt de mots, fussent-ils frustes, ternes: premiers termes d'une résolution salutaire!

 

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27 juillet 2021 2 27 /07 /juillet /2021 12:17

Dix mois de silence - l'équivalent de ce qu'aura duré mon séjour "hors sol" - ma traversée des confinements: là-bas, en terre d'enfance, où je croyais être mieux armée pour supporter ces pelletées de cendre dont on nous a recouverts, décret après décret, depuis mars 2020. Et en effet des choses ont bougé, mes réflexions aiguisées et j'entrevoyais même les raisons profondes qui me tenaient éloignées de ces terres. Oh certes pas la seule "panne du mot juste" (qui est certes un frein d'importance) mais bien plutôt des mutations, des bouleversements dans ce qui pousse à l'écriture et dont je sentais que le fruit n'avait pas sa place ici - ce coin de Toile qu'après plusieurs années de chronniqu'ailleurs, j'entendais assigner à une continuation de la chronique tout en m'autorisant des pas de côté plus introspectifs. Ces derniers ont peu à peu envahi mon espace de pensécriture et, de ce fait, j'en suis venue à ne plus me reconnaître le droit de coucher ces mots ici.

Plusieurs fois j'ai balbutié - des brouillons ont pullulé que je tirais du papier: surtout ne pas me laisser nécroser par l'extinction du mot mort-né... ne pas devenir intérieurement semblable à ce bouton tardif que le gel brutal passé par-dessus un redoux intempestif a figé dans un devenir avorté... mais le silence a eu raison de tous ces frémissements.

Et puis il y eut d'autres cendres, dont l'amertume, l'âcreté, auraient été mois étouffantes s'il n'y avait eu celles dont nous ont gavés l' "exécutif": la mort de maman dont je n'ai su dire rien autre que des pages et des pages de phrases incoercibles, impossibles à littérariser - peut-être parce qu'elles échappent à la "littérature" et ne peuvent, pour moi, que demeurer dans l'ordre de l'intime incommunicable (il faut être écrivain pour savoir sortir de cet antre obscur les mots qui s'y pressent, ce que je ne suis pas). Quelques mois plus tard cet autre décès, de l'éditeur-ami - à travailler pour lui seul pendant dix ans, des liens atypiques, à la fois étroits et très distanciés, s'étaient noués et avec eux une socialité elle aussi atypique, qui s'étendaient aux auteurs que j'ai côtoyés,  une socialité choisie que je vivais comme un insigne privilège. Quelques mots pour lui sont venus néanmoins, qui me paraissaient tenir (et dont on m'a fait savoir qu'en effet ils tenaient). Mais, n'ayant rien su tirer de mes nuits pour toi, maman, comment allais-je m'autoriser, ici à dire les mots pour cet ami? A lui j'ai pu écrire ailleurs fort heureusement. Je veux croire qu'il me comprend (non, je suis sûre qu'il me comprend). Et toi aussi qui ne me liras plus, ne veilleras plus sur mes phrases pour qu'elles soient le moins fautives possible.

Les nuits sont noires et les lumières qui parfois les trouent ne sont pas toujours de celles qu'on voudrait voir. Mais les-mots-pour-toi viendront. Un jour. Là-bas loin à l'horizon. En attendant ils vivent fort et se meuvent sous tant de regrets qu'il me faudra pousser du coude.

Pour l'heure, la grande affaire étant de vaincre la cinérarité dont je me sens si prisonnière.

 

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5 octobre 2020 1 05 /10 /octobre /2020 12:49

Il court le désert... Tel le Sahara jadis, au fin fond du temps géologique, ces terres se sot désertifiées - je les ai désertées... deux mois durant l'insoutenable blancheur de l'absence silencieuse a régné, l'aridité s'est installée. Brûlante et sèche. Où ne gisent plus que des vestiges, ensevelis si profond sous la masse du temps passé que ce blog paraît voué désormais à n'être plus qu'un champ de fouilles archéologiques... Ces terres ne sont plus que sable pulvérulent et je ne sais encore jusqu'où se poursuivront ces pas que j'y risque aujourd’hui,  en un second  retour à deux semaines de distance d'une précédente approche que je pensais voir se muer en durable abordage et qui s'est soldée par un maintien en retrait, au loin - et ce que j'avais alors commencé de déposer est resté là en rade dans la rubrique "brouillons", où continuent d'agoniser pas moins d'une dizaine de textes dont il faudra bien que je décide une fois pour toutes si je les jette ou si je tente l'improbable démarche de les "remettre à flot".

Depuis que s'est achevé le 31 juillet 2020 les jours ont poursuivi leur inexorable succession, laissant août filer dans le plus grand silence nykthéen sans que je m'en émeuve et projetant septembre si loin dans son écoulement qu'il sera bientôt à son terme, une fois franchi le seuil de l'automne où je me tiens en écrivant ces lignes. 

Ainsi croyais-je "revenir", le 22 septembre dernier. Mais non... il m'a fallu reculer. Je croyais pourtant le tenir, mon incipit de retour... tracé à toute hâte sur une feuille de papier, quasi au saut du lit - une feuille entière, format A4  et non l'un ou l'autre de ces improbables micro-paperolles censées "garder trace" mais dont au fond je sais qu'elles sont vouées à être perdues, avec elles ce qui est écrit dessus, et que c'est justement pour cela, pour la perte qu'elles promettent, que je les utilise.

C'était une fausse alerte. Il n'y a sur cette feuille qu'une friche hirsute et j'ai bien des efforts à faire pour en extirper ce dont la mise en texte me sera lueur. Comme elle me paraît hors de vue cette période où ne point aborder ici pendant plus d'une semaine me donnait le sentiment d'être paralysée, empêchée - prisonnière d'un carcan d'impuissance dont il me fallait à toute force me désincarcérer...

Durant cette désertion cette souffrance s'est tue, comme la flamme sous la cendre - et le désir d'écrire qui m'amenait là avec une certaine régularité de m'être longtemps apparu comme un ballon crevé dont n'aurait subsisté que le maigre lambeau tenant au nœud de son fil d'attache. Sans doute d'un geste allais-je balayer ce pauvre détritus et ne plus me soucier de travailler à enserrer du sens dans des mots tant cela est vain, ce "sens" (et j'appelle "sens" cette indéfinissable "chose" qui par salves discursives aussi évanescentes que luxuriantes occupe mon esprit tout entier), plus anguille que l'anguille elle-même, se dérobe, file, glisse... m'échappe sans que j'y puisse rien alors même que je m'efforce de le "tenir".

Et voilà que ces quelques mots valent travail de saisie; attestant que n'est pas encore éteinte ma volonté (mon besoin?) de mettre ici par écrit un peu de ce qui continûment se dit en moi - cette "chose qui par salves, etc.

 

 

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Présentation

  • : Terres nykthes
  • : Ce blog au nom bizarre consonant un rien "fantasy" est né en janvier 2009; et bien que la rubrique "archives" n'en laisse voir qu'une petite partie émergée l'iceberg nykthéen est bien enraciné dans les premiers jours de l'an (fut-il "de grâce" ou non, ça...) 2009. C'est un petit coin de Toile taillé pour quelques aventures d'écriture essentiellement vouées à la chronique littéraire mais dérivant parfois - vers où? Ma foi je l'ignore. Le temps le dira...
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  • Entre littérature et arts visuels, à la poursuite des ombres, je cherche. Parfois je trouve. Souvent c'est à un mur que se résume le monde... Yza est un pseudonyme, choisi pour m'affranchir d'un prénom jugé trop banal mais sans m'en écarter complètement parce qu'au fond je ne me conçois pas sans lui
  • Entre littérature et arts visuels, à la poursuite des ombres, je cherche. Parfois je trouve. Souvent c'est à un mur que se résume le monde... Yza est un pseudonyme, choisi pour m'affranchir d'un prénom jugé trop banal mais sans m'en écarter complètement parce qu'au fond je ne me conçois pas sans lui

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    Au fond de ma poche un marron, terne et ratatiné, que je roule machinalement entre paume et doigts dès que ma main le trouve. Ramassé il y a des jours, au temps de sa splendeur, tout luisant et lisse, comme verni, encore tenant à sa bogue entrouverte...

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