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12 janvier 2015 1 12 /01 /janvier /2015 18:25
Ne pas baisser les arts...

Noir au cœur et noir à l'âme depuis le 7 janvier. Mais les plus endeuillés continuent, les autres, aussi. Dont les artistes. Parmi eux, Marie-Annick Jagu, peintre... et professeur. Elle venait de diffuser son programme pour le premier semestre 2015 peu avant l'attentat. Un courriel reçu dimanche a confirmé ses cours pour la semaine du 12 au 17 janvier:

Mercredi 14:
Séance au Louvre de 18 heures à 20 heures. Exposition «Voyages Philippe Djian» (visible jusqu'au 23 février), entrée Sully, 2e étage, salles 20-23.. Deux heures pour traiter un sujet lié à cet accrochage avec carnets de croquis et crayons, boîtes de couleurs... et échanger ensuite autour de ce que l'on a fait, observé, aimé ou détester...

Jeudi 15
Ce sera le «jour du flâneur»: en adoptant son rythme comme elle le propose, celui d’une marche tranquille, l’esprit ouvert aux quatre vents de l’inattendu mais attentif tout de même et prêt à s’arrêter sur ce qui fait saillie ou qu’un guide lui tendra en pâture, Marie-Annick invite les passionnés de peinture, même si eux-mêmes ne peignent ni ne dessinent, à lui emboîter le pas dès 14h30 rue de Seine, jusqu’au n° 29, où se trouve la galerie Berthet-Aittouatès. Là est exposé, jusqu’au 14 février, un ensemble d’œuvres de Jean-Pierre Schneider,: «Le Bliaud de la reine et autres peintures». À lire ce que l’artiste écrit ici de son travail, entre corps et matière, déplacements/mouvements de motifs et rapports avec la surface (la peau du tableau) et à voir la superbe présentation qui en est faite en ligne, sous forme de glissés d’images, et sachant combien Marie-Annick réfléchit aux problématiques du corps en arts plastiques, qu’elle s’est penchée de près sur la question du nu pictural et que le rapport dessin/mouvement la passionne je sais que rencontrer ces œuvres en sa compagnie sera une expérience rare et hors de toute ornière. Quelques souvenirs bien ancrés dans ma mémoire de conversations diverses me le soufflent...

Samedi 17
Ce sera une nouvelle «journée totale», avec travail sur le motif le matin dans un musée et prolongation après le déjeuner à l'atelier Grenelle, soit en reprenant les esquisses du matin pour aboutir à une création achevée, soit en empruntant une voie propre à la séance d’atelier mais en contigüité avec ce qui aura été expérimenté précédemment. Pour cette première «journée totale» de l'année, le rendez-vous est fixé à 10 heures au musée d’Art moderne de la ville de Paris, dans la salle des peintures de Robert Delaunay et Gleizes. Selon le sujet que proposera Marie-Annick et si sa leçon en laisse le loisir, peut-être qu’aller faire un pas de côté vers l’exposition «Sonia Delaunay, les couleurs de l’abstraction», qui est visible jusqu’au 22 février, nourrira la réflexion plastique des élèves qui suivront le cours?

LES LIEUX
Galerie Berthet-Aittouatès
29 rue de Seine
75006 Paris
Tél: 01 43 26 53 09

Musée d'Art moderne de la ville de Paris
11, avenue du président Wilson
75116 Paris
Tél: 01 53 67 40 00

Atelier Grenelle
7 rue Ernest Psichari
75007 Paris

Pour des renseignements plus précis, et connaître les tarifs, contacter Marie-Annick au 06.85.67.25.44. Sans oublier de visiter son blog, par ici...

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10 janvier 2015 6 10 /01 /janvier /2015 09:59

Partout, depuis mercredi, sur la Toile, dans les rues, à la une des journaux, sur les grand-places où les gens spontanément se rassemblent, partout de par le monde se lève cette bannière: en grandes capitales blanches sur fond noir: JE SUIS CHARLIE. Et en fin de journée j'ai vu pleuvoir au "20 heures" de France 2 une averse de dessins eux aussi envoyés de partout, percutants, justes, mais sans haine ni méchanceté malgré l'acte horrible qui les a suscités, comme l'étaient ceux que créaient les assassinés de Charlie Hebdo. Caustiques toujours, jamais méchants même si, parfois, on pouvait trouver qu'ils tapaient un peu fort sur ce qu'ils voulaient dénoncer. Un peu fort, mais pas vraiment à tort, il fallait bien le reconnaître dès lors qu'on se donnait la peine de réfléchir: sous la charge de la caricature ‒ c'est la loi du genre que de grossir le trait ‒ toujours la subtilité était à l’œuvre, une finesse qui au-delà du dessin, ou du texte-slogan qui claque et fait rire, obligeait à penser, à scruter le fond des choses. Longtemps j'ai été une fidèle lectrice de Charlie quand, phénix, il est re-né en 1992. Je l'achetais dès le matin et commençais de le lire dans le métro, souvent je l'achevais en marchant dans la rue et je riais, d'un rire tripal, sincère, libérateur... Ce que j'aimais dans Charlie? Lire ce que des gens de talent savaient faire à partir de faits et d'événements qui, moi, me mettaient simplement en colère sans que je sache aller au-delà de la petite indignation mesquine, sans cesse remâchée jusqu'à l'aigreur, et stérile puisque je n'esquissais pas le moindre geste utile d'engagement protestataire. Non seulement ils réagissaient et s'indignaient avec une acuité, une pertinence sidérantes mais en plus, ils transcendaient tout cela par l'HUMOUR. Et parvenaient à lever le poing sans haine. Quel tour de force, et cela me faisait jubiler.

Mais depuis bien des années je ne suivais plus vraiment Charlie. Tout au plus m'attardais-je à parcourir les "unes" en passant devant les kiosques, parfois je lisais, par-dessus le bras d'un voisin de voyage, dans le métro, le numéro qu'il avait entre les mains. Autant dire que je n'étais pas là et que je ne comptais pas parmi ceux qui permettaient à Charlie Hebdo de vivre par un acte vrai ‒ l'achat régulier, ou l'abonnement. Pourtant, je m'autorise à écrire que ce journal et ceux qui signaient articles et dessins faisaient partie de mon univers, de mes références. Je me souviendrai longtemps, je crois, de cette sensation bizarre qui m'a glacée mercredi quand je lus, dans les fils d'infos m'arrivant comme chaque jour par courriel, que "Charb, Wolinski, Cabu, Tignous et Honoré" comptaient parmi les douze morts de l'attentat. Un vide, une incrédulité... Comment cela pouvait-il être vrai? Eux qui se vouaient à faire rire de tout et même du pire sans jamais verser dans l'ignominie, et qui probablement devaient encore rire à la fin de leur réunion de rédaction en songeant aux piques qu'ils allaient planter dans leur premier journal de l'année... Mais il fallut bien se rendre à l'évidence: ces assassinats avaient bel et bien été perpétrés.

Moi je ne sais pas être juste avec ça, avec ce que j'éprouve, avec ce que cet attentat représente, implique... Pourtant quelque chose au fond de moi me pousse à épingler à mon tour la fameuse bannière non pas pour rejoindre le courant général mais parce que quelque chose dans mon cœur m'y pousse. Et pour conclure je voudrais saluer l'édito que Julien Védrenne a publié sur k-libre. Vibrant d'émotion, d'une grande tenue d'écriture malgré cela... Il y aura un après-7 janvier, écrit-il. C'est une évidence: le dessin satirique survivra, les dessins que l'on a envoyés le soir même de l'attentat le prouvent, et puis il a déjà survécu à d'autres horreurs historiques, mais il portera, pour longtemps, un brassard noir; et sa résonance a pris, définitivement, un degré supplémentaire de sombre profondeur. On satirisera toujours, oui, mais plus comme avant, de cela je suis, moi aussi, certaine.

Brassard noir
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29 décembre 2014 1 29 /12 /décembre /2014 14:33
Western tragedy (pour un peu plus tard...)

J'avais esquissé cet article en décembre 2012, après avoir vu la pièce au Théâtre 14, où il s'installait pour quelques semaines dix ans après sa création en 2002, donc (au Théâtre 13). Comme souvent, je n'avais pas été au bout de la rédaction, abandonnant en fin de compte tout effort lorsque les représentations eurent cessé. Je n'avais pourtant pas détruit le brouillon, le laissant aux amarres dans cette petite rade reculée de l'administration de mon blog où je puis garder aussi longtemps que je le souhaite les choses "pas-finies-mais-qui-pourraient-l'être-un-jour". J'espérais qu'une perche se tendrait dont je pourrais m'emparer pour ordonner un peu ces écrits et louer enfin comme il le mérite ce spectacle de grande qualité - quelque reprise, ou une programmation sarladaise... Rien de tel n'était advenu jusqu'à présent mais voilà que j'apprenais, il y a quelques jours, le retour prochain à Paris du chef-d’œuvre de Steinbeck [...] après un immense succès au Théâtre 13 [...] et six tournées à guichets fermés:

À partir du 27 janvier 2015 au théâtre du Palais-Royal.

Je puis donc mettre à flot cette chronique, restée en cale sèche deux années durant, telle que je l'avais écrite en 2012 – enfin presque: amendée bien évidemment là où je la voyais pécher au point de ne la point mettre en ligne, calfatée comme il convient quand l'exige le jointoiement de ses éléments par trop épars... et en actualisant la distribution qui ne sera plus tout à fait celle d'alors.

********************************************************

Aux noms de Lennie et George, énoncés comme cela, en paire – en couple presque – on est nombreux à songer tout de suite au roman de John Steinbeck Des souris et des hommes – probablement l'un des plus connus de cet auteur avec Les Raisins de la colère. Et en même temps que les noms resurgissent les caractères, l'histoire…

Lennie, un colosse d'une force rare mais simplet, obsédé par tout ce qui est doux au toucher – pelages, étoffes, chevelures… –, et George, moins impressionnant, petit et sec, plutôt malin, sans obsession notable mais redoutant sans cesse que Lennie commette une bourde… Étrange couple que ces deux journaliers allant quérir l'embauche d'un ranch à l'autre, tâchant de cumuler assez de dollars pour s'offrir enfin leur maison, avec un potager, et quelques lapins. Aucun lien de parenté entre eux, mais quelque chose de fort, qui tient à la fois de l'amitié et de la fraternité, nuancé d'un rapport d'autorité évoquant celui qu'un père raisonnable aurait avec un fils trop naïf et trop peu avisé pour se gouverner lui-même. Leurs échanges restent limités: outre que Lennie n'a pas beaucoup de conversation, il oublie presque tout et, de ce fait, George est contraint de lui répéter sans cesse ce dont il doit impérativement se rappeler – par exemple, ne pas dire un mot en présence d'un patron potentiel… Bien sûr, l'attrait de Lennie pour les choses douces, son incapacité à contrôler ses impulsions et à maîtriser sa force vont conduire droit à l'irréparable catastrophe.


Je m'attendrais presque à entendre George murmurer Fatalitas!! – enfin... au théâtre car c'est là que j'ai soudainement pris conscience de ce que l'histoire est une authentique tragédie. Sans la mise en scène et le jeu exceptionnel des comédiens qui font sentir qu'il n'y aura pas d'échappatoire au pire, je n'aurais sans doute jamais mesuré combien le Destin, d'emblée, pèse et détermine l'évolution des personnages, toute prise que j'étais dans l'impression pénible que m'a laissée la lecture du roman. Je dois dire que j'avais de celui-ci un souvenir lycéen assez morne: outre que c'était une lecture "obligée" car il était l'objet de divers exercices, son réalisme m'avait beaucoup ennuyée – à 15 ans, en plus d'être rétive aux contraintes bien que soucieuse, assez, de mes résultats scolaires, je n'étais guère encline aux lectures romanesques à moins qu'elles fussent "fantastiques" ou "policières". Pourtant il m'a marquée, et plus profondément que je ne le pensais puisque, le relisant juste avant d’aller le voir transposé sur la scène du Théâtre 14, je me suis aperçue que, à quelques détails près, tout était bien là inscrit dans ma mémoire – les noms des principaux protagonistes et les grandes lignes de l’intrigue… J’avais donc gardé en moi, de cette seule lecture de plus source d’ennui, l’essentiel du roman.

Cela me surprit un peu que revinssent aussi aisément ces réminiscences que je croyais enfouies; me surprit plus encore d’éprouver à la seconde lecture un même ennui qu’à la première – ayant depuis beaucoup lu, quelque peu ajusté mon regard, ma façon d’aborder une écriture littéraire, et largement diversifié mes inclinations de lectrice, je pensais que cela aurait rafraîchi mon approche. Las! Je retrouvais, aussi intact que les souvenirs de l’histoire, l’ennui, à cela près que j’identifiais fort bien d’où il venait et ses causes se révélèrent d’ordre formel: descriptions plates "au ras du figuratif" si je puis dire, répliques répétitives, effets d'annonce trop appuyés, manière très artificielle de tisser un avant-récit à seule fin d'éclairer le lecteur en mettant dans la bouche de George dès les premières lignes un rappel circonstancié de tout ce qu'ils viennent de vivre au motif que Lennie n'a quasiment aucune mémoire… Tous procédés narratifs à mes yeux trop clairement apparents, cousus à gros fils blancs, à quoi il faut ajouter ce quelque chose de mal sonnant que j'ai trouvé aux dialogues et qui me fait mesurer combien il est difficile de transcrire le langage oral sans le dévoyer dans une inauthenticité déplaisante, surtout lorsqu'il s'agit d'une parole fruste, malhabile – les butées sur les mots, les répétitions, les bafouillis passent décidément très mal à l'écrit. Je ne dois certes pas oublier que j'ai lu une traduction et que ces appréciations ne concernent pas directement l'écriture de Steinbeck mais celle dont je dispose* est probablement irréprochable en termes de justesse puisqu'elle est due à Maurice-Edgar Coindreau, traducteur réputé au point qu'il a donné son nom à un prix littéraire décerné chaque année par la Société des gens de lettres…

Ce n'est donc pas par affection particulière pour le roman que je suis allée voir Des souris et des hommes au Théâtre 14, mais par intérêt pour ce travail consistant à transformer un roman en objet théâtral. Jean-Pierre Évariste et Philippe Ivancic ont conçu leur mise en scène à partir de l'adaptation écrite par Marcel Duhamel (dont le texte a été, je crois, publié en 1976 par L'Avant-scène théâtre). N'était cette mention portée sur l'affiche, je n'aurais pas imaginé d'autre source à la pièce que la version française du roman lui-même: le spectacle se déroule en six "actes" – que séparent des noirs habités de quelques notes de musique pendant lesquels les décors sont changés – comme le roman est composé de six chapitres; chaque événement du récit est repris et suivie la chronologie; je ne crois pas qu'il y ait un protagoniste intervenant dans le texte qui ne soit pas convoqué sur scène, et les dialogues m'ont semblé, hors de menues variantes, sortis directement de la traduction. Des changements de noms m’ont cependant intriguée: pourquoi George Milton, devient-il George Morton? Quant à Lennie, qui a pour patronyme Svelt au lieu de Small dans le roman, on se doute que c’est pour rendre tout de suite audible au public non anglophone le jeu auquel s’est livré Steinbeck, baptisant Petit (Small en anglais) un colosse. Mais à part cela et un léger aménagement du dénouement - la pièce s'arrête juste après le coup de feu qui tue Lennie quand le roman, lui, laisse ensuite réaffluer la vie en s’achevant sur des échanges entre les employés du ranch, tandis qu'une complicité se confirme entre Slim et George – je ne crois pas que ces modifications, somme toute minimes, justifient de nommer "adaptation" ce qui, pour moi, relève plutôt d'une "transposition", soit un simple ploiement de l’œuvre d'origine aux exigences d'un autre mode d'expression sans qu'il y ait besoin d'opérer des transformations radicales.

N'ayant guère adhéré au roman je me suis au contraire enthousiasmée pour sa version scénique qui, à mon sens, l'a vivifié. D'abord en ce qui concerne les dialogues: leur registre familier, cette parole empêchée dont ils témoignent – hésitations, vocabulaire fruste... ‒ font qu'ils s’ensablent dans l'inertie scripturale tandis qu'ils retentissent pleins de sève dits par les comédiens – et, ici, excellemment dits. C'est là un avantage majeur du théâtre sur l'écriture que de pouvoir ainsi vitaliser la parole qui, puisant beaucoup de son sens dans les inflexions de voix, les intonations qu’aucun moyen typographique ne peut traduire, tire grand avantage à être dite, et aussi jouée car c'est le jeu qui lui apporte ce que l’écriture peine souvent à exprimer sans être embarrassée ou, à l’inverse, trop elliptique – le discours non verbal que développent les postures, les regards, les gestes… Les redites, et les menus détails qui dans le roman participent d’un effet d’annonce trop appuyé deviennent, au théâtre, autant d’éléments qui posent des jalons tragiques et signalent combien le fatum pèse, là, autant que dans une tragédie antique. Pour mieux le faire peser, le décor: à la fois figuratif, avec ses panneaux de lattes de bois dessinant des rais de lumière, ses caisses, sa table reproduisant en partie la chambrée des employés du ranch, et symbolique – par exemple les rives de la Salinas et le lit de la rivière, au début, ne sont représentés par aucun moyen, ni visuel ni sonore, il faut "y croire", en écoutant Lennie et George les évoquer – il souligne cette fatalité par le biais de ces rais de lumière qui, avec insistance, reviennent, de tableau en tableau. La mise en scène, à l’image du décor, joue habilement sur cette alliance de réalisme au premier degré – un vrai chien accompagne Candy; on entend claquer deux vraies détonations – et de représentation symbolique. Mode de représentation qui, d’ailleurs, est omniprésent dans le roman: George a le don de faire exister la petite maison, les lapins et le carré de luzerne, qu’il fait surgir des limbes par ses seules descriptions répétées, encore, et encore, comme un mantra…

En toute subjectivité, je dirai que l’œuvre de Steinbeck a beaucoup gagné à être ainsi transposée: expurgée des spécificités de la narrativité romanesque qui la plombent elle est ici magnifiée. À la mise en scène, fine et intelligente, s'ajoute une interprétation de haut niveau qui me faisait écrire, voici deux ans, au lendemain de la représentation et avant même de savoir par quel bout j'allais commencer ma chronique:
"Les comédiens enfin sont remarquables. Leur interprétation à tous est superbe, pas un mot qui ne dissone, pas une inflexion qui achoppe, leur langage corporel est à l'avenant: pas de geste qui paraisse déplacé, pas d'attitude qui fasse hiatus avec la voix... Et tous sont au plus proche, au plus juste du personnage qu'ils incarnent."
Je me souviens aussi que deux d’entre eux m’avaient alors particulièrement émue; Philippe Invancic qui était un Lennie magnifique, tout en nuances dans sa simplicité naïve, et Augustin Ruhabura qui donnait à Crooks, le nègre au dos cassé confiné dans une chambre non par égard pour ses infirmités mais par ostracisme, une aura, une force qui ne m’étaient pas apparues dans le roman.

Puisse cette nouvelle série de représentations connaître autant de succès que les précédentes...

* Des souris et des hommes (traduit de l'anglais américain par Maurice-Edgar Coindreau, avec une préface de Joseph Kessel), Gallimard coll. "Folio", 1980.

DES SOURIS ET DES HOMMES
Roman de John Steinbeck adapté par Marcel Duhamel.
Mise en scène:
Jean-Philippe Évariste et Philippe Ivancic
Direction d'acteurs:
Anne Bourgeois
Avec:
Jacques Bouanich, Emmanuel Dabbous, Henri Déus, Jean-Philippe Évariste, Jean Hache, Philippe Invancic, Hervé Jacobi ou Pascal Invancic, Emmanuel Lemire, Agnès Ramy ou Alizé Costes, Augustin Ruhabura ou Bruno Henry.
Lumières:
Jacques Rouveyrollis
Musique:
Bertrand Saint-Aubin
Costumes:
Emily Beer
Durée:
1h20 sans entracte.

À partir du 27 janvier 2015 au théâtre du Palais-Royal, 38 rue de Montpensier – 75001 PARIS.
Du mardi au samedi à 19 heures, relâche dimanche et lundi.
Réservations: en ligne sur cette page, sur place, ou
par téléphone au 01.42.97.40.00.

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25 décembre 2014 4 25 /12 /décembre /2014 13:49

Du 31 janvier au 13 février 2015 aura lieu la 6e édition de Photovision 94*. Le thème à traiter était "L'envers du décor". Comme chaque année depuis que j'ai découvert cet événement réservé aux amateurs – fin 2010, quand a été publié l'appel à candidature autour du thème "Abstraction urbaine" – j'ai proposé cinq images à la sélection. Et, pour la première fois depuis que je suis candidate, aucune de mes photos n'a été sélectionnée. Déçue, oui, bien sûr... Dans la mesure où l'on décide de soumettre un travail à un jury c'est bien que l'on a quelque espoir de le voir retenu sans quoi, et quand bien même on a une piètre opinion de ce que l'on a fait, on ne participerait pas.
Je dois cependant reconnaître, dès lors que je réfléchis un tant soit peu, que j'ai, au fond, délibérément provoqué ce résultat. Comme on dit d'un contrevenant qu'il "cherche le bâton pour se faire battre", par la manière même dont j'ai "participé" j'ai littéralement appelé le refus de mes images. D'abord, j'en ai envoyé deux sous une forme qui interdisait leur sélection. Il est expressément stipulé dans le règlement que les images doivent parvenir au jury par courriel, en format .jpg uniquement, donc scannées pour les clichés argentiques; or j'ai fourni ces deux-là sous forme de fichier word: j'avais en effet décidé de composer des montages – ce que le règlement admet tout à fait, étant entendu que chaque montage constitue une seule image candidate – et, ne sachant pas faire de montage avec un logiciel de traitement d'image, je me suis débrouillée avec la fonction "insérer une image" de Word... Ce faisant, je me doutais bien que ces deux montages ne seraient même pas regardés, la contrainte de format visant à simplifier la tâche du jury qui, confronté à un grand nombre de photos à départager, ne peut se permettre de gérer plusieurs types de fichiers lors de la délibération. Et puis j'ai transmis ma candidature au tout dernier moment, empêchant de la sorte que l'on puisse éventuellement me suggérer un moyen de mettre mes deux montages en conformité avec les exigences du règlement. Enfin, des cinq "textimages" que j'ai envoyés, ce sont évidemment les deux "vilains petits canards" qui étaient les plus pertinents au thème... les trois autres ont été choisis au pied levé, en tirant bien fort sur les cheveux pour les faire correspondre à "l'envers du décor".

Bref: cela s'appelle de la candidature sciemment sabotée. La logique à l’œuvre dans cette triste entreprise? Celle qui préside à ce rapport complexe, sans cesse conflictuel, que j'entretiens avec la photo: je sens en mes tréfonds qu'il m'est impossible de ne pas photographier; de ne pas réfléchir à ce que signifient, ce que recouvrent, le geste et l'intention de photographier; de ne pas utiliser la photographie pour manifester ma façon d'être au monde. Et en même temps me taraude cette souffrance répétée de constater, presque systématiquement lorsque je procède au tirage, que je suis passée à côté de mon intention, que la photo obtenue est à des lieues de la construction mentale que je tâchais de concrétiser. Encore la déception est-elle peu douloureuse si, techniquement, l'image a de l'intérêt, mais si, en plus de ne rien me murmurer, l'image est sinon ratée du moins complètement plate en termes d’esthétique photographique (mauvaise exposition, composition brouillée, zones de netteté mal définies, etc.) me submerge alors un immense dégoût – comme un glas, la certitude que sonne l'extinction prochaine de tout désir de photographier. Il arrive souvent que, le moment de la prise de vue étant fort éloigné de celui du tirage, j'aie perdu le fil de mon intention. Le rapport à l'image étant ainsi épuré de toute sensation autre que visuelle, de tout souvenir parasite, ce qui apparaît dans le révélateur parfois fait sens malgré tout, et m'insuffle la conviction que j'ai atteint quelque chose, qu'un lien s'est tissé de moi au monde et du monde à moi. Cette conviction est rarissime mais, aussi rare soit-elle, elle rend vivant – elle me rend vivante. Je la ressens grâce à la photo, grâce, aussi, à l'écriture – quand enfin je sens que j'ai mis en cohésion un sentiment, une réminiscence, une sensation, et des mots, des phrases. C'est pour cette pulsion de vie, ténue, ô si ténue mais infiniment précieuse quand elle jaillit, que je ne renonce pas – pas encore – ni à la photo ni à l'écriture, ces deux "gestes d'être" eussent-ils pour fruits de minables infinitésimalités au regard de ce que font les grands écrivains, les grands photographes.

Mais autre chose encore a, je crois, présidé à cet autosabotage, qui a à voir avec le thème même de cette sixième édition. Quand il avait été dévoilé, je l'avais tout de suite adoré; j'avais immédiatement imaginé plusieurs photos, visuellement mais aussi "pratiquement", je veux dire en songeant très précisément à la façon dont je pourrais les réaliser. Puis, le temps passant, rien de ce à quoi j'avais pensé ne se concrétisait. L'échéance du 5 décembre approchait, je ne parvenais à rien et, du coup, j'en suis venue à haïr le thème – il est évidemment plus facile de haïr le facteur, ou la circonstance, hors de soi que de puiser en soi la force de surmonter l'empêchement. Dans un tel état d'esprit, comment aurais-je pu, fût-ce en fouillant dans mes anciennes photos, opérer une sélection pertinente?

Quoi qu'il en soit, et parce que je ne déteste pas tout à fait mes "envers du décor", j'en recompose ici l'album...

* Exposition organisée par l'association Photovision France au centre culturel Madeleine Rebérioux 27 avenue François Mitterrand - 94000 Créteil.

Avant. L’envers du décor ? Ce que l’on ne verra qu’au prix d’une indiscrétion, parfois d’une indélicatesse ; au sens figuré, l’avant, voire l’extrême avant des choses – en peinture, précédant même le geste de l’artiste d’où émergera l’œuvre: le pinceau, les couleurs, le désordre de l’atelier…

Avant. L’envers du décor ? Ce que l’on ne verra qu’au prix d’une indiscrétion, parfois d’une indélicatesse ; au sens figuré, l’avant, voire l’extrême avant des choses – en peinture, précédant même le geste de l’artiste d’où émergera l’œuvre: le pinceau, les couleurs, le désordre de l’atelier…

De loin. Plutôt que de regarder, par-dessus l’épaule du peintre, l’œuvre naître au fur et à mesure de ses gestes, je me suis aventurée du côté du modèle. La genèse se poursuit sans que j’en voie rien – autre chose cependant se dévoile.

De loin. Plutôt que de regarder, par-dessus l’épaule du peintre, l’œuvre naître au fur et à mesure de ses gestes, je me suis aventurée du côté du modèle. La genèse se poursuit sans que j’en voie rien – autre chose cependant se dévoile.

Entre-deux. D’un côté le refuge de la chambre. De l’autre le jardin. Lequel est l’envers de l’autre ?

Entre-deux. D’un côté le refuge de la chambre. De l’autre le jardin. Lequel est l’envers de l’autre ?

L'avant-décor plutôt que l'envers...

L'envers du décor au sens le plus strict de l'expression...

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17 décembre 2014 3 17 /12 /décembre /2014 10:54
Fleurs de mort

Depuis le 11 novembre, le théâtre 14 s'est mis à l'unisson des commémorations du centenaire de la Grande Guerre ‒ date qui s'imposait pour accueillir la première parisienne de la pièce écrite par Georges-Marie Jolidon et adaptée, mise en scène, par Xavier Lemaire Les Coquelicots des tranchées. D'autant que c'est aussi, jeu d'échos insistants, une date axiale à plus d’un titre sur le plan narratif: le récit commence le 11 novembre 1914, le jour où, chez les Lesage, grands propriétaires terriens, l'on s'apprête à fêter l'anniversaire de la matriarche, Gertrud, née le 11 novembre 1849. Et s’achève après la signature de l’armistice quatre ans plus tard.


La pièce est très ambitieuse, tant en ce qui regarde l’argument – quatre années de guerre retracées à travers le vécu de la maisonnée Lesage, maîtres et employés : la matriarche, donc, son fils Hector, déjà au front, sa fille Augusta engagée comme infirmière, sa bru Mathilde, institutrice, sa petite-fille Louise; et les Coron, l’aïeul Thomas, ouvrier agricole retraité dont le fils, Honoré, est lui aussi au front, et ses deux petits-enfants, Julie, domestique chez Gertrud et Jules, apprenti ouvrier agricole ‒ que sa dramaturgie: vingt-deux tableaux faisant correspondre un moment narratif à un lieu, douze comédiens dont certains devront endosser plusieurs rôles de manière à faire vivre une cinquantaine de personnages, deux heures et demie de durée. La scénographie est à la mesure de cette ampleur : les décors sont riches et savamment chorégraphiée leur mise en place, le tout étudié pour, simultanément, installer un réalisme figuratif des plus limpides à l'intérieur de chaque tableau (des chaises, une table, des ustensiles de cuisine lorsque l'on est convié dans la salle commune des Lesage; des seaux débordants de charpie rougie quand on est transporté dans un de ces "havres" de fortune où se pratique une chirurgie minimaliste dans l'urgence des souffrances à soulager, des gangrènes à endiguer par amputation...), manifester une part de représentation symbolique ‒ un panneau noir moucheté de blanc ferme l'arrière du plateau, qui prendra les couleurs requises par la situation narrative selon les lumières qu'il réfléchira et, devant lui, trois poteaux seront là à demeure, comme chargés d'une signification fondamentale que nuancera le rôle qui leur sera imparti d'un tableau l'autre – et afficher sans faux-semblant la théâtralité – ainsi, tour à tour masquant ou englobant les éléments fixes du décor, de nombreux accessoires sont amenés, déplacés, changés et reconfigurés par les comédiens eux-mêmes, pendant les noirs séparant les tableaux comme les nervures de plomb les verres colorés d'un vitrail. La théâtralité est s’expose encore par d’autres détails, par exemple le tableau noir en coin de plateau où sont écrits à la craie, au long du spectacle, les dates-repères du récit, des citations, parfois de brefs commentaires comme sur un phylactère (un tableau qui, à l'instar du 11 novembre, répercute des échos, renvoyant aux "tableaux" dramatiques, au métier de Mathilde, et peut-être à la dimension pédagogique que peut avoir la pièce). Jusqu'à la convocation, le temps d'une rapide allocution, d'un Clemenceau-marionnette, confectionné à la hâte avec un balai retourné dans un seau de fer-blanc et à qui la comédienne incarnant la jeune Louise Lesage (15 ans) prêtera sa voix…

La construction est certes fragmentée ‒ un morcellement accentué par les sauts chronologiques, les changements de lieu et de situations narratives: l’on va du domaine des Lesage aux tranchées, de la salle commune à la chambre conjugale… ‒ mais habilement cimentée par ce seul facteur de cohésion qui suffit à tenir en un tout ces pages éparses : ce que vivent les membres de la maisonnée Lesage mis en scène. À travers eux, la guerre est montrée dans ses aspects les plus douloureux, les plus complexes et les plus ambivalents. L’on vit avec eux dans l’attente des passages du facteur, on espère le retour du père, de l’époux, du frère, on guette l’évolution des batailles… et, au rythme de ce qui les frappe, on est confronté aux déchirements que cause le conflit: les deuils bien sûr mais également les conflits plus intimes, par exemple celui qui oppose Augusta, incarnant l’émancipation féminine, à sa mère qui lui reproche de porter les pantalons; ou encore Mathilde qui, mue par la seule force des sentiments, bien que foudroyée par la mort de son époux, tombera éperdument amoureuse du prisonnier allemand affecté au domaine. Les pires zones d’ombre de cette guerre – incohérence des stratégies militaires, comportement douteux de certains officiers, traitement des soldats jugés déserteurs que l’on fusille… ‒ sont pareillement montrées et la grande force de cette pièce est d’avoir exprimé tout cela, le chaos de l’Histoire et les tragédies intimes d’une famille, avec une grande justesse.

Sans doute n’y a-t-il que la fiction qui puisse réussir cette prouesse, en donnant à la complexité historique un "cadre ordonnateur" avec lequel on entre aisément en sympathie: un foyer et une famille imaginaires, pourvus au moins d’une figure axiale. Ici, la matriarche dont on a vu qu'elle s'érigeait d'emblée en symbole par sa date de naissance. De fait, Gertrud est bien la figure axiale de la pièce. Outre qu’elle l’ouvre et la clôt, imperturbable, droite et inflexible, dans sa posture comme dans sa conduite, ses positions morales, elle est celle qui détermine les relations entre les autres personnages, assoit sur eux sa domination, tâche de régenter leurs émotions. Elle est aussi une sorte de creuset de l’Histoire et ramasse en elle une part cruciale des enjeux de la Grande Guerre puisque, native d’Alsace, elle a dû fuir son pays après la défaite de 1870 – non sans avoir souffert au plus profond des exactions prussiennes – pour, ensuite, perdre son fils au front et d'une manière plus symbolique sa bru. Mais elle est debout encore au dernier tableau. Elle aura traverse le drame aussi bien que l'Histoire, cumulant dans son cœur et sa chair des cicatrices, des humiliations, des deuils qui sont ceux du pays tout entier. Et comme lui, elle demeure. Personnage fascinant que Gertrud qui, campée par une Bérangère Dautun impériale, en devient quasi magnétique. Frêle et aristocratique dans sa rectitude si entière, magnifiée par sa stricte robe de deuil, la comédienne excelle à présentifier l'autorité – par sa voix qu'elle sait rendre tranchante autant que par ses silences butés, ses regards pleins de dédain ou de haine, ses gestes sans appel. Une autorité qui cependant plie face à l'affection vouée au fils, et à montrer les infimes nuances d'expression que requièrent ces fissures Bérangère Dautun est tout aussi excellente.

Cette pièce, formellement remarquable dans son architecture, est magnifiquement servie par la mise en scène autant que par ses interprètes: les comédiens sont époustouflants de justesse. Leur diction est irréprochable, leurs inflexions toujours en parfaite cohérence avec le langage non verbal qu'ils parlent. Jamais de pathos même au plus fort des douleurs, jamais de sobriété excessive qui pourrait faire croire à un détachement, à une absence d'investissement. Leur "être-sur-scène" (pour ne pas user du mot "jeu" qui, ici, sonnerait faux même si, comme je l'ai écrit, la théâtralité n'est jamais dissimulée) me paraît être un modèle de ce théâtre d'incarnation dont Xavier Lemaire a dit à Sarlat, cet été, lorsqu'il est venu avec Isabelle Andréani présenter l'"autre spectacle 14/18" de la compagnie des Larrons, Qui es-tu Fritz Haber?, qu'il était celui-là même qu'il défendait. Chacun incarne son personnage au plus étroit de ce que peut être l'incarnation théâtrale, et il n’y a que lorsqu’il s’agit de mourir que les comédiens cessent d’être et jouent, histoire de pouvoir se relever une fois le noir venu…

Créé en février 2014 au Théâtre de Saint-Maur, le spectacle a bénéficié d'une aide à l'écriture de la SACD - Association Beaumarchais, puis a obtenu le label "Centenaire de la Première Guerre mondiale" délivré par la commission chargée de piloter tous les événements qui vont, pendant quatre ans, marquer cet anniversaire. Programmé au festival "off" d'Avignon, il a été récompensé par le prix du public. De bien justes lauriers pour cette impressionnante et magnifique fresque, qui sans nul doute en recevra bien d'autres.

Les Coquelicots des tranchées
Texte de Georges-Marie Jolidon.
Adaptation et mise en scène :
Xavier Lemaire, assisté de Quentin Vouaux.
Avec :
Sylvia Bruyant, Christophe Calmel, Marion Champenois, Bérangère Dautun (sociétaire de la Comédie-Française), Eva Dumont, Franck Jouglas, Céline Mauge, Didier Niverd, Manuel Olinger, Thibaud Pinson, Vincent Viotti, Philippe Weissert.
Décors :
Caroline Mexme.
Lumières :
Didider Brun.
Costumes :
Virginie Houdinière.
Musique :
Fred Jaillard.
Combats :
Christophe Charrier.
Durée du spectacle :
environ 2h30

Jusqu’au 31 décembre 2014 au théâtre 14, 20 avenue Marc Sangnier – 75014 PARIS.
Mardi, vendredi et samedi à 20h30 ; mercredi et jeudi à 19 heures, matinée dimanche à 16 heures.
Réservation: du
lundi au samedi de 14 heures à 18 heures au 01 45 45 49 77.

NB - Une petite visite sur le site de la compagnie Les Larrons permet d'avoir un aperçu de ses créations dont la plupart vivent simultanément, au gré des engagements. Une "boutique en ligne" permet de s'offrir quelques DVD de spectacles mais, bien sûr, ce n'est qu'en allant les voir en salles qu'on prend la vraie mesure de leurs qualités. S'il n'est pas vécu en direct, dans sa dimension vivante, le théâtre perd l'essentiel non seulement de sa magie un peu miraculeuse mais, tout simplement, de son pouvoir d'impact. ..

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 13:29

D’où me vient donc cet infléchissement, cette défaite de tout l’être, ce ploiement intérieur qui courbe le corps et le plombe, sans qu’aucune douleur sensible, aiguë ou sourde mais persistante, se manifeste? Pas même une once de vraie fatigue qui puisse justifier cet abattement – sommeil excellent, travail sans excès, exercice physique modéré sans gêne particulière… Ce qui achève de me vaincre est de comprendre combien je me leurre en attribuant à cet état déliquescent telle au telle cause objective – l’impossibilité de terminer une chronique à laquelle j’accorde beaucoup d’importance, le désagrément de ne pas parvenir à mes fins photographiques, voire les perturbations que provoquent des voisins bruyants qui, en réalité, ne font rien autre que vivre leur vie d’artistes musiciens et qu’en d’autres moments, sans doute, je tolérerais mieux en dépit du niveau déplorable d’isolation sonore de mon appartement. À rien de tout cela que je crois me miner ne saurait être imputée la raison de cet avachissement où règnent l’absence de motivation et de désir, l’extinction radicale de toute énergie. Mais alors où chercher l’origine de cette froidure de braises mortes? Pourquoi le souffle vital sans qui elles ne peuvent brasiller, cet indéfinissable élan impossible à décrire mais dont on sent la chaleur et que l’on sent à l’œuvre derrière chaque geste accompli dans la simple joie de l’accomplissement, fût-il des plus quotidiens, des plus banals, m’a-t-il ainsi désertée?


Peut-être un effet rampant d’un tout récent «anniversaire», jour prétexte à fête et à rires pour la plupart des gens mais qui pour moi, s’il fallait absolument le distinguer des autres jours de l’année quand il n’a rien de particulier considéré à l’aune de l’écoulement continu du temps, donnerait plutôt envie de prendre le deuil, comme le «Nouvel An», d’ailleurs – la marque d’une année passée, à titre personnel ou général, c’est un étrécissement de perspectives, un abaissement d’horizon, le moment où l’on mesure avec plus d’acuité quand on est un adulte mature combien est immense l’écart avec son enfance, quand on désirait fort de grandir et que l’on s’occupait l’esprit à rêver de ce que l’on ferait «plus tard», un «plus tard» imaginé sans bornes. Celles-là se dressent peu à peu, au long de la vie, et c’est au nombre, à la fréquence allant croissant de leurs surgissements, aux limites toujours plus restreintes qu’elles assignent aux «plus tard», que l’on sait à quel point on vieillit.


Mais de cela je ne suis même pas sûre. Sans doute suis-je en train d’activer quelque soufflet de forge à tâcher, de la sorte, de trouver un «chemin de mots» qui puisse donner corps à cet avachissement putride, délétère, asphyxiant et incapacitant. Là encore, ce n’est qu’une soupape brièvement ouverte. Et je sais bien que rien n’apparaîtra de l’obscure source de cette morbidité, que le jour n’est pas venu où je pourrai enfin la combler pour en faire taire à jamais le débit… Mais une éclaircie même éphémère est toujours bonne à contempler (cette simple phrase me laisse penser que le soufflet d forge n’a pas été tout à fait inefficace. Que l’un de mes pieds au moins reste disposé à frapper fort le fond du gouffre pour me rapprocher d’une issue…).

Couleur d'humeur...

Couleur d'humeur...

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4 décembre 2014 4 04 /12 /décembre /2014 13:35
Bribe - une de plus...

Avant-hier…

Enfin vidé, ce sac de vêtements laissé fermé sur son contenu depuis mon retour de Gourdon, voici… plus de trois mois. En moins de dix minutes chemisiers et jupes, tenus serrés sur leurs plis pendant si longtemps, ont retrouvé leur place dans la penderie; tee-shirts et sous-vêtements, eux aussi pliés avec soin et pétrifiés ainsi, ont été rempilés dans l’armoire d’où je les avais tirés après avoir décidé qu’ils me suivraient en vacances. Restes d’été s’élevant par petits nuages, pulvérulents à l’instar de toutes les traces du passé, tandis qu’au-dehors la grisaille se fait froidure.

Le sac est remisé jusqu’au prochain départ qui restait posé là dans le coin de ma chambre comme panneau de rappel, à lui seul symbole de tout ce que je sais «être à faire». Un ordre est désormais revenu – quelque chose a été accompli et c’est un sommet vaincu; un piolet fiché dans la pierre par un alpiniste heureux d’être arrivé où il voulait aller… Mais, par-delà cet infime (ar)rangement, combien, encore, d’Everest à terrasser?

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29 novembre 2014 6 29 /11 /novembre /2014 11:00
Bribes impromptues

Sempiternellement en panne, comme saisie d'un trac, d'une paralysie intellectuelle qui me rend balbutiante, maladroite, tremblotante quand il s'agit d'écrire une chronique, donc un texte construit, architecturé, aux articulations souples et mû vers un propos final. Tout aussi bloquée lorsque n'est en jeu qu'une considération toute personnelle, dont le libellé pourrait s'autoriser quelques flottements que pourtant je refuse bec et ongles moins par souci de clarté pour autrui qui daignerait me lire que par quête d'adéquation la plus étroite possible entre ce qui se meut intérieurement et son expression textuelle - le rapport le plus juste que je puisse imaginer entre le mot et la "chose"... Comme il y aura toujours et quoi que l'on tente, selon moi, un irréductible interstice entre le ressenti, le pensé, et la forme qu'on tâchera de lui donner (écriture, dessin, composition musicale, sculpture, etc.) jamais ne saurait être éprouvée la moindre satisfaction pleine et entière.

Écrivant cela, je réalise que je viens peut-être de formuler un semblant de réponse à ce qui a d'abord motivé mon écriture et que je ne transcris qu'ici:
Quel vertige au seuil de l’écriture me retient d’écrire? quelle peur strangulatoire empêche le mot de venir, la phrase de se délier et le texte de se construire? Quel danger y a-t-il à tisser le texte? Quelle souffrance m’imaginè-je être en passe d’endurer à ne pas "écrire juste", qui soit si douloureuse que sa seule perspective cause ce vertige empêchant?

Ce "vertige" est, semble-t-il, la conscience aiguë de l'irréductibilité de cet "interstice". Mais son acuité même est sujette à variations, d'où ces moments où l'écriture, la photographie, le dessin... sont possibles.

De quelques sérendipités...

J’ai appris tout à l’heure que pleurs pouvait être féminin lorsque le mot était au pluriel. Et, jeudi 27 novembre, au détour d’un documentaire radiophonique consacré à la typographie ("Sur les docks", France Culture, 17 heures), qu’un "traînard" était un pinceau spécial qu’utilisaient souvent les peintres en lettres. Immédiatement j’ai éprouvé le besoin de noter ces informations – comme chaque fois que je découvre une tournure inhabituelle, un mot rare ou de jargon, une étymologie surprenante… bref, tout ce qui au premier regard passe pour une incongruité, voire une faute et qui, à l’analyse, se révèle simple désuétude, ou figure de style très peu usitée au point d’être oubliée comme telle, ou encore acrobatie relevant de la licence poétique. On pourrait penser qu’il s’agit d’une banale pulsion professionnelle – étant lectrice-correctrice je serais tout naturellement encline à emmagasiner toutes les informations susceptibles de m’éviter des corrections erronées ou juste mal venues imputables à mes ignorances. Et sans doute y a-t-il en effet dans ces saisies quelque motivation de cet ordre. Mais aussi autre chose de moins définissable. Chacune de ces découvertes m’égaie, me rend joyeuse – d’une joie particulière propre aux sérendipités et que n’ont pas les choses apprises par l’étude, les trouvailles amenées par des recherches délibérées, une joie à la saveur si délectable que je préfère me tenir aux aguets de ces sérendipités plutôt que d’étudier, bien qu’étudier me soit toujours agréable et, plus encore mais l’un ne va pas sans l’autre je crois, sentir que cela a déposé en moi un acquis, un savoir durablement possédé dont je pourrai disposer à ma guise ‒ comme si elle était un trésor, l’élément précieux entre tous grâce auquel allait continuer de s’étendre un ensemble de "provisions" destiné à croître indéfiniment et dans lequel puiser tout aussi indéfiniment allait être à son tour source de joie. Comme si je ne devais jamais mourir ni même dépérir et me défaire – n’avoir plus rien à faire de tous ces trésors. Mais au contraire avoir toujours besoin d’eux, et que ce besoin dût grandir toujours au fil du temps au lieu de s’amenuiser jusqu’à disparaître avant que moi-même meure tout entière…

Au fait...

Je passe paraît-il pour une lectrice-correctrice avisée, et vigilante – pour autant que l’on puisse l’être étant entendu que je ne suis pas plus que quiconque infaillible et que personne ne peut l’être stricto sensu. Mais… si j'avais moins d'inclination pour glaner et suivre de rebonds en rebonds les informations les plus ténues, ce qui doit beaucoup, sans doute, à ma propension à m’interroger sans cesse ‒ même parfois sur des certitudes que je croyais ancrées et qui, souvent, ainsi questionnées, se trouvent défaites ‒ et à hésiter longtemps avant de prendre une décision – d’explorer pour ce faire autant de pistes que je le peux et que le temps m’en laisse le loisir –, travaillerais-je de telle sorte, à tout petits pas précautionneux et généralement deux en avant pour trois en arrière voire davantage, qu’au fil des missions pareille réputation ait fini par m’être faite?

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22 novembre 2014 6 22 /11 /novembre /2014 04:33
Détournement d'intention...

Depuis quelques jours, soucieuse d'utiliser enfin trois ou quatre films couleur périmés, je tâchais de trouver des sujets qui puissent m'offrir matière à réhabituer mon regard argentique à "penser couleur" et, en même temps, m'être d'assez peu d'importance pour que je ne sois pas trop mortifiée d'un résultat désastreux imputable à la péremption chimique. Je songeais au Jardin des plantes: un lieu d'autant plus attirant pour travailler son rapport à la couleur qu'en ce mois de novembre l'ensemble du site était investi par la FIAC 2014 «hors les murs». J'avais eu un aperçu de ce qui avait été installé en parcourant les pages que le site web du Muséum national d'histoire naturelle consacre à l'événement et quelque chose m’avait amusée, à défaut de me séduire, dans les photos mises en ligne – disons qu’en les voyant, je m’étais plu à imaginer les photos que moi je pourrais faire des objets exposés, m’abandonnant à mon exercice favori: construire mentalement des photos, vivre mentalement l’acte de photographier – viser, cadrer, mettre au point, déclencher… et râler ou jubiler selon que je penserai avoir «réussi» ou «raté» (entendez : «mis en adéquation ma visée et mon intention» ou «n’être parvenu qu’à un décalage radical entre l’intention et la chose vue dans le viseur»). Une fois la décision prise, sur le tard comme toujours, d'aller découvrir ce parcours il me fallut attendre que la météo prévoie une journée sans pluie avant qu'il soit désinstallé et, jeudi 20, le vague projet fut changé en acte effectif...

J'arrivai au Jardin du côté de la galerie d'anatomie comparée et de paléontologie et croisai, d’abord, Sans titre, de Vincent Mauger (2012. Bacs plastiques découpés), dont je m'étais dit que cet assemblage avait une structure qui allait me donner du film à dérouler. Mais face à l'objet réel, j’ai ressenti une telle déception que je n’ai même pas pris la peine de sortir mon appareil pour tenter quelques prises de vue. Un je-ne-sais-quoi m'a affligée, érodant une envie de photographier déjà rongée par une lumière en berne: le temps de rallier en métro le jardin depuis Créteil et l'infime rayon de soleil qui était enfin venu, à la mi-journée, déplomber le ciel sans l'éclairer vraiment avait disparu; c'en était fini de cette belle clarté opalescente propre aux atmosphères grisonnantes d'automne, tout était tristement aplati dans un jour sans lumière, comme mâché par la masse nuageuse L'envie photographique n'était cependant pas tout à fait éteinte puisque, ayant prévu de travailler dans des conditions de faible luminosité. j'avais équipé mon appareil d'un film à haute sensibilité (800 ASA). Alors j'ai continué mon chemin, ne cherchant plus qu’à demi les... [ici, imaginer un autre mot que «œuvre» qui ne soit pas aussi vachard que truc, ou machin… mais franchement, je sèche! bah, optons pour le très neutre «chose(s)»...] les «choses», donc, disséminées dont je n’avais pas retenu précisément où elles se tenaient, m’attachant à observer ce qui, des plantes, des arbres, de la géométrie des pelouses et des plates-bandes pouvaient être photogénique. J’ai ainsi poussé jusqu’aux grandes serres, où était installé Scissure signal, de Pierre-Alexandre Rémy (2014. Acier peint, élastomère teinte dans la masse). C’est en définitive un tuyau d’arrosage roulé sur lui-même qui m’a intéressée : l’enroulement dessinait des courbes plastiquement superbes mais surtout valait le jeu chromatique de son vert – à dominante bleue – avec celui de la pelouse sur laquelle il reposait, un vert beaucoup plus jaune. Et il avait une embouchure orange vif… Vraiment, beaucoup plus intéressant que Scissure signal!

Voyant se gâter le teint déjà bien cadavéreux de cette morne après-midi, et, de plus, résolue à ne plus chercher aucune autre fiaquerie, je rebroussai chemin vers la galerie de paléontologie mais l'appareil toujours prêt, au cas où... Bien m'en prit: mon attention fut soudain happée par des grumes de bois aux formes torturées gisant au bord d'une allée qui laissaient apparaître dans les béances de leur écorce brune noircie par l’humidité de fascinantes moirures rosées, confinant parfois au rouge sang-de-bœuf… Sitôt vues, je m’approche d’elles, commence à ne plus les scruter qu’au travers de mon objectif, tournant autour, me baissant, me relevant, posant genou en terre, essayant plusieurs cadrages, plusieurs mises au point – variations limitées par la mauvaise luminosité qui m’impose de maintenir une ouverture assez importante même à 800 ASA puisque, contrainte de ne pas réduire ma vitesse en deçà du 1/60e pour que le flou de bougé ne mue pas chaque image en gâchis, je ne puis jouir que d’une faible profondeur de champ. Tout à mes essais – à mes hésitations surtout… – je ne percevais plus grand-chose de ce qui m’entourait et fus brusquement tirée de ma scrutation hypnotique par le conducteur d’une chargeuse-pelleteuse qui devait ôter de là les grumes qui m'occupaient tant… «Je vais juste les déposer ailleurs; si vous voulez, vous pourrez continuer à prendre des photos là-bas», me dit-il en désignant l’endroit où allait être transporté le bois que déjà saisissaient les mâchoires d’acier de son engin. «Non, non, ça ira, je vous remercie… j’ai fini!» répondis-je. Puis un de ses collègues vint vers moi, et m’expliqua qu’ils abattaient des arbres malades, infestés par un parasite qui s’insinuait dans les troncs à la faveur de blessures. «Vous voyez, celui-là devant vous? Tout en haut, ce trou avec ce bourrelet noir, eh bien il est fichu, tout creux à l’intérieur… et celui-là, avec un gros champignon à l’échancrure des branches… lui aussi, on va l’abattre… C’est comme sur le canal du Midi, vous savez…» et de se lancer dans un récit serré, dont parfois certains mots m’échappaient tant ils étaient mangés par son élocution, son débit rapide… Pourtant j’écoutais avidement cet homme au visage couleur grand air et bonne chère, tanné, ouvert comme une main tendue auquel un bouc taillé court donnait une finesse, une distinction qui cassait un peu sa gouaille. Ses yeux, bleu vif qu’il plissait légèrement, me parurent traversés d'un infime éclat réjoui, malgré la gravité de ce dont il parlait. En l’écoutant – je m’en suis rendu compte après coup ‒ c’est une photo que je voyais, son portrait que je construisais en imagination, décliné en trois, quatre prises de vue… Bien sûr, je n’ai pas osé lui demander l’autorisation de le photographier. Et si, au fond, il n’avait attendu que ça? Peut-être a-t-il même été déçu que je ne lui dise pas «vous permettez que je vous prenne en photo?» et m’en tienne à le questionner sur les maladies des platanes? Qui sait… pour moi, ce sera encore de ces «photos-que-je-n’ai-pas-faites» à verser au dossier toujours plus épais des occasions gâchées.

Restent les quelque vingt clichés pris malgré tout. il me faut désormais attendre d'avoir fini d'impressionner la pellicule pour voir ce qu'ils auront capté de ces impressions visuelles que, je le sais aujourd'hui, j'ai davantage narrativisées que je ne les ai analysées photographiquement alors même que j'avais l’œil rivé à mon viseur. Une pente sur laquelle je glisse presque systématiquement: je brode du discours sur une image ‒ autrement dit, : rien qui se puisse photographier. Je n'escompte donc rien autre que beaucoup de déception.

Comble du dépit: le lendemain vendredi, que j'avais par un calcul basé sur des prévisions météorologiques par trop anticipées qui promettaient un temps pluvieux ce jour-là bloqué pour honorer divers rendez-vous, une lumière douce, filtrant d'un ciel uniformément ouaté, s'installait en fin de matinée pour durer jusqu'au soir. Une lumière certes assez présente pour vivifier les couleurs, mais qui eût cependant bien supporté les 800 ASA de mon film. Exactement comme j'aurais aimé qu'elle fût la veille...

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14 novembre 2014 5 14 /11 /novembre /2014 10:52

À peine née et déclarée au Journal officiel, l'association Photovision France était sollicitée par Marie-Laure Weill-Raynal, professeur de chant au conservatoire Marcel-Dadi, pour participer aux Fantaisies lyriques, le spectacle d'opéra-comique qu'elle préparait avec ses étudiants afin d'en donner une représentation le 14 novembre. Non pour que l'un ou l'autre de ses membres, ayant des dons de chanteur, montât sur scène: il s'agissait vraiment de photographies, et dans une double perspective. Marie-Laure, qui avait imaginé de donner pour décor à son spectacle ‒ un montage de différents morceaux d'opérette empruntés à un répertoire couvrant grosso modo le XIXe siècle et débordant un peu sur le début du XXe évoquant l'univers de la banlieue en même temps qu'une rencontre amoureuse ‒ des photographies projetées en fond de scène, souhaitait mêler aux images anciennes qu'elle avait glanées aux Archives départementales des photographies contemporaines. Plutôt que de solliciter une agence elle a préféré compulser l'annuaire des associations cristoliennes. et c'est ainsi qu'elle a fait appel à Photovision.

"En m'adressant à votre association, a-t-elle écrit, je souhaite rencontrer et faire rencontrer à mes étudiants et au public du Conservatoire d'autres amateurs au meilleur sens du terme: plus les photos témoigneront d'une recherche personnelle, mieux ce sera."

La rencontre photo-musique ne s'arrêtait pas à l'élaboration du décor: les photos choisies allaient être exposées pendant une dizaine de jours, augmentées de quelques autres. Et mieux encore: Marie-Laure offrait aux membres de Photovision qui le souhaitaient la possibilité de prendre des photos pendant une des séances de répétition, puis pendant le spectacle ‒ opportunité à ne pas rater quand on sait combien il est rare, quand on est simple amateur et que l'on n'a aucun passe-droit particulier, de photographier des artistes en répétition et en représentation... Il est vrai que c'est un exercice techniquement très difficile, tout tentant qu'il soit. J'avais pour ma part sauté sur l'occasion et "retenu" une place pour le soir de la répétition puis, le temps passant, j'ai réalisé que je n'étais ni compétente, ni équipée pour ce genre de prise de vue... "Cela ne fait rien m'a-t-on dit: il n'y a pas obligation de résultat, c'est juste une bonne occasion d'expérimenter quelque chose". Donc je n'ai pas reculé; j'ai juste renoncé à mon appareil argentique; bien que disposant d'un film à très haute sensibilité, une Delta 3200. Et en effet, une fois sur place, j'ai pu me féliciter de m'en être remise à mon seul petit Coolpix dont je savais qu'il prenait des images à peu près correctes même dans la pénombre. Quel piètre équipement comparé aux reflex numériques dont étaient pourvus les trois autres photographes présents, armés de surcroît de leur trépied, et de leur flash... Et le résultat a été à l'avenant de cet attirail minuscule: une petite dizaine d'images acceptables, à condition de les maintenir à la taille d'une vignette et de ne pas les imprimer. Je me console en me disant que mes camarades auront mieux fait honneur à l'offre de Marie-Laure...

Mais revenons un peu en arrière pour évoquer le chemin qu'a fait le projet au sein de l'association. Dès le mois de septembre un appel à participation était lancé, qui présentait succinctement le spectacle et les thèmes auxquels devraient s'attacher les photos proposées. Chaque participant devait envoyer ses images par courriel ‒ pas plus de cinq par personne ‒ qui seraient ensuite soumises au choix du jury, constitué du conseil d'administration de Photovision et de Marie-Laure Weill-Raynal. Les thèmes à traiter étaient l'espace urbain cristolien aujourd'hui, la rencontre de deux amoureux, et la fête, dans une dimension intimiste ‒ pique-nique, repas de mariage, d'anniversaire...

La sélection finale a été arrêtée le 24 octobre; j'ai eu le plaisir de voir une des miennes choisies ‒ prise par un morne dimanche après-midi, fixant un état éphémère du chantier alors en cours... tout à côté du conservatoire. Il m'a fallu ensuite la tirer. Tâche qui s'est avérée bien plus difficile que ne le laissait supposer la vue du seul négatif scanné... Et sans l'appui de Jean-Philippe [Jean-Philippe Jourdrin, photographe de talent, tireur émérite et animateur du labo argentique de la MJC Village actuellement en perdition...] qui en deux mots et quelques gestes précis au-dessus de tirages ratés m'a indiqué comment faire monter le ciel, quelles étaient les zones où il fallait au contraire retenir la lumière, me conseillant aussi de changer de filtre pour finaliser mon maquillage... Ensuite il m'a suffi d'une heure et de deux feuilles de papier pour obtenir un beau tirage. Merci Jean-Philippe!!!


L'accrochage, finalisé le 10 novembre, est une belle réussite; j'en ai vu l'essentiel dans le hall du conservatoire, disposé tel un collier sur la paroi tronconique de bois de l'auditorium. Par le biais des photographies l'hier donne joliment la main à notre aujourd'hui, en écho aux Fantaisies lyriques qui font se succéder les airs et les saynètes au rythme d'images anciennes et contemporaines habilement alternées par Marie-Laure Weill-Raynal.

* Conservatoire à rayonnement départemental Marcel-Dadi
2-4 rue Maurice Déménitroux
94000 Créteil
Tel: 01.56.72
.10.10

"Dépeuplé": voilà l'image que le jury a retenue pour être intégrée à l'exposition qui ornera les murs de l'auditorium du conservatoire. Plutôt équilibrée une fois scannée - donc de qualité visuelle suffisante pour être soumise à sélection - l'image s'est révélée très difficile à tirer sous l'agrandisseur. Sans les conseils avisés de Jean-Philippe, c'est un tirage médiocre, à la limite du montrable, que j'aurais eu à donner...

"Dépeuplé": voilà l'image que le jury a retenue pour être intégrée à l'exposition qui ornera les murs de l'auditorium du conservatoire. Plutôt équilibrée une fois scannée - donc de qualité visuelle suffisante pour être soumise à sélection - l'image s'est révélée très difficile à tirer sous l'agrandisseur. Sans les conseils avisés de Jean-Philippe, c'est un tirage médiocre, à la limite du montrable, que j'aurais eu à donner...

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  • : Ce blog au nom bizarre consonant un rien "fantasy" est né en janvier 2009; et bien que la rubrique "archives" n'en laisse voir qu'une petite partie émergée l'iceberg nykthéen est bien enraciné dans les premiers jours de l'an (fut-il "de grâce" ou non, ça...) 2009. C'est un petit coin de Toile taillé pour quelques aventures d'écriture essentiellement vouées à la chronique littéraire mais dérivant parfois - vers où? Ma foi je l'ignore. Le temps le dira...
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