C’est avec Cendres que le théâtre du Lierre a clôturé son
ultime saison – un beau symbole puisqu’il est moins question de ruine et de combustion que de renaissance. Et c’est bien une renaissance éclatante que l’on souhaite à Farid Paya et à sa
compagnie.
Deux représentations seulement ont eu lieu alors que cinq étaient initialement prévues. Un camouflet de plus infligé au Théâtre du
Lierre qui a dû écourter encore une saison déjà réduite, un coup dur, aussi, pour Gilles Coullet qui espérait de ces cinq passages au Lierre qu’ils allaient lui permettre
d’engager son spectacle sur de nouvelles voies – après l’avoir régulièrement joué en Italie, il aimerait maintenant le partager avec le public français, et ces représentations étaient les
premières en France.
Gilles Coullet a rencontré Farid Paya à l’occasion d’un stage-échange en Sardaigne avec la compagnie Actores Alidos. Cette
compagnie est ensuite venue au Lierre pour animer un stage et donner un spectacle de chants sardes. Gilles a gardé le contact avec l’équipe du Lierre et, aidé par Joseph Di Mora, il a
présenté Cendres à Farid – c’est ainsi que le solo a
été inscrit à l’affiche de la dernière saison du Lierre.
Le court extrait que j’avais vu lors de la présentation de saison m’avait séduite et intriguée – je soupçonnais, avant même de voir
le spectacle dans son intégralité, qu’une conversation avec Gilles Coullet ne pouvait être que passionnante. En même temps que je retenais une place pour la première je tâchai d’obtenir un
rendez-vous, qui me fut accordé sans difficulté. L’entrevue dura plus d’une heure, et en effet la conversation fut riche, vivante – au point que le temps derrière elle s’était retiré, comme en
suspens…
Ouverture biographique
Dans le programme édité par le théâtre du Lierre sont évoquées des "études de philosophie" avant la grande plongée dans le monde de
la danse et du théâtre corporel. Ce qui a précédé ces études, et sans quoi elles n’auraient peut-être pas été suivies – la traversée toutes voiles dehors de l’euphorie houleuse des années 1968/69
– a été déterminant. Plus déterminante peut-être, mais Gilles Coullet n’en a pris la mesure qu’a posteriori, cette enfance marquée par une découverte précoce et intime de la nature, de
la forêt – de leurs forces et de leurs mystères…
Gilles Coullet:
J’ai eu la chance d’avoir des parents très simples qui m’ont très tôt mis en contact avec la nature. Ils étaient de cette génération
qui sortait de la guerre; ils n’avaient pas d’argent, et leurs loisirs, c’était d’aller camper en forêt, à Fontainebleau. Ils partaient entre copains, à vélo – puis en voiture quand ils ont eu
les moyens d’en acheter une… et ils s’entraînaient à faire de la varappe. Je suis né là-dedans: j’ai commencé à faire du camping sauvage à l’âge de trois mois! Mes parents partaient le vendredi
soir, quand ma mère sortait de son travail – mon père, qui était représentant, avait davantage de liberté – et hop, on partait passer le week-end en forêt. On ne rentrait que le lundi matin très
tôt; ma mère allait travailler, on me déposait à l’école, et mon père partait de son côté… Jusque vers 14 ans, toutes les semaines, je passais trois nuits en forêt. Tout ça a fait que je suis
très sensible à ce qui se rapporte à la nature, et ce n’est certainement pas par hasard que ma compagnie s’appelle Le Corps
sauvage. De plus, j’ai toujours eu du goût par les activités physiques. Enfant, j’ai fait beaucoup de sport. Mais, professionnellement, je n’étais pas du tout voué au mime ni au
théâtre: j’ai achevé ma scolarité dans un CET d’où je suis sorti au bout de trois ans avec en poche un CAP de plombier. Après un épisode militaire disons… écourté, j’ai travaillé comme plombier
pendant environ un an puis j’ai pris l’avion pour New York avec ma guitare, dans l’intention de rallier San Francisco en stop. Du coup, je me suis trouvé à fêter mes 20 ans à des milliers de
kilomètres de mes parents, avec huit heures de décalage horaire entre nous, moi qui n’étais jamais beaucoup sorti – du moins pour voyager seul… Il faut dire que c’était pendant les années 68/69
et que le climat ambiant était plutôt chaud (rires)! À San Francisco, j’ai vécu dans une communauté hippie, et j’ai rencontré une jeune fille qui était née le même jour et la même année
que moi… Elle étudiait la philo, et je me suis dit qu’à mon retour en France, j’allais aussi étudier la philo. Pendant ce séjour aux États-Unis, j’avais côtoyé un univers radicalement différent
de ce que je connaissais; ça m’a ouvert la tête – c’est d’ailleurs un des effets habituels du voyage. Et je me suis rendu compte que ce qui m’attendait – reprendre mon métier de plombier, me
mettre à mon compte, fonder une famille, etc. – ne m’enchantait pas vraiment. Alors j’ai profité de l’opportunité qu’offrait l’université de Vincennes, qui venait juste d’ouvrir: pour s’inscrire
aux cours du soir, il suffisait de justifier d’une année d’exercice de telle ou telle profession, et on pouvait étudier ce qu’on voulait. Je me suis donc inscrit en licence de philosophie et,
dans la foulée, j’ai changé de métier: comme j’avais obtenu mon diplôme de maître nageur avant mon départ aux États-Unis, j’ai trouvé un emploi de maître nageur et, le soir, j’allais assister aux
cours à Vincennes. Mais l’ambiance était davantage à l’agitation, à la contestation, et on était plus souvent dans la rue ou sur les toits à revendiquer que dans les amphis à étudier Nietzsche
(rires)! Pendant mon passage à l’université, j’ai participé aux activités de l’association sportive et, comme en plus de mon besoin de me dépenser physiquement, je me sentais attiré par
quelque chose de créatif, je me suis passionné pour les cours de théâtre, de danse… et, peu à peu, j’ai passé davantage de temps à faire du théâtre et de la danse qu’à approfondir mes
connaissances en philo. Mais j’ai quand même obtenu ma licence… et je m’étais inscrit pour préparer une maîtrise. J’avais choisi pour sujet "L’Insoumission" – l’insoumission en général, pas
seulement par rapport à l’armée. Mais je me sentais de plus en plus attiré par ce travail corporel que je commençais à pratiquer – et quand j’aime quelque chose, j’ai tendance à m’y engager à
fond… alors j’ai résolu mon dilemme en me disant que si je ne me présentais pas à l’examen, je ferai preuve d’insoumission… et que donc je serai en accord avec mon sujet
(rires)!
C’est à Vincennes que j’ai découvert la démarche de ce grand maestro haïtien, Herns Duplan; il travaille sur l’expression primitive du corps, c’est-à-dire une expression corporelle dépouillée de tout aspect folklorique, appuyée par des rythmes
binaires que fournit un accompagnement de percussions. Au cours de ces séances, je me retrouvais entouré d’Africains qui se démenaient sur leurs instruments, et je sentais circuler cette énergie
dont j’avais besoin… C’était beaucoup plus stimulant que le sport. Avec le recul, je me dis que je m’épanouissais là parce que, au fond, la compétition sportive, être le premier dans une course,
ne m’intéressait pas tant que ça et qu’il me fallait une activité plus créative. Mais à l’époque, je n’analysais rien du tout! Ce qui me stimulait, c’était de me dépenser physiquement.
Quand j’ai quitté Vincennes, j’ai continué à travailler avec Herns Duplan au Centre américain – j’ai suivi son enseignement pendant
huit ans. Il a vite vu que j’étais un vrai passionné, que j’en voulais… et comme je n’avais pas beaucoup d’argent, il m’a proposé de payer un cours par semaine mais de venir aussi souvent que je
le souhaitais. Puis je suis devenu son assistant. Être l’assistant de Herns Duplan, ça veut dire que je l’accompagnais durant les cours qu’il donnait aux enfants. Lui était l’adulte qui
conduisait la séance, indiquait ce qu’on allait faire, et moi, j’avais aussi une posture d’adulte mais j’étais celui qui se met au niveau des enfants – par exemple, si Herns disait: "On va faire
la grande course des crapauds", je devenais le gros crapaud qui allait servir de modèle aux enfants (rires)… Herns avait, surtout avec les tout-petits, une approche très créative, et
l’assister m’a beaucoup apporté: une grande partie de ce que je fais aujourd’hui, par exemple autour de l’animal, je sens que ça vient de ce contact avec les enfants. Ils sont d’une créativité
vraiment incroyable, surtout quand ils sont petits; ils n’ont pas de limites à leur imagination – par exemple, figurer un arbre complètement à l’envers ne leur pose aucun problème. Et ce n’est
pas le moment de les brider, de dire "Non, pas comme ça, un arbre, c’est dans ce sens, avec les racines en bas et les branches en haut"; au contraire, il faut les laisser aller, les encourager
dans leur inventivité. Les adultes sont très différents; il m’est arrivé d’organiser des stages avec des enfants puis, peu après, de proposer un même contenu à des adultes. La différence est
frappante: quand on dit à des enfants "maintenant on va prendre la position de tonton Kraboul!" puis "et maintenant la position de Haking!", ils réagissent tout de suite, sans se poser de
question. Mais quand on s’adresse de la même façon aux adultes, leur première réaction n’est pas de bouger mais de questionner: "Pardon? Qu’est-ce que vous avez dit?"
J’ai également été formé par Yves Lebreton, qui m’a été
présenté par Herns Duplan lors d’un stage international à Bonn. J’ai suivi avec lui un stage intensif de deux mois à Paris, au cours duquel j’ai rencontré Benoît qui était élève, comme moi
[Benoît Théberge, assistant à la mise en scène et collaborateur artistique pour Cendres – NdR] puis j’ai intégré son école. À la fin de l’année, il a
organisé une démonstration avec ses meilleurs élèves, dont j’étais. À la suite de quoi il m’a proposé de partir avec lui en Italie – où il travaille toujours, d’ailleurs. À ce moment-là, il avait
en projet de tourner un film sur la technique particulière de travail corporel qu’il développait, la "dynamique". "Si tu veux, m’a-t-il dit, tu m’assistes pendant les stages, on travaille
ensemble, on sue ensemble, et ce film, on le fait tous les deux." Mais il y a eu des problèmes financiers et, au bout du compte, le film ne s’est pas fait. Je suis quand même resté avec lui en
Italie; j’ai participé à tous ses spectacles, en tant que technicien notamment – le théâtre, ça se passe aussi derrière la scène! J’ai fait beaucoup de choses, surtout dans le domaine du son, de
la synchronisation entre le mouvement et la bande sonore. Ce travail technique m’a énormément appris; et j’ai aussi fait quelques solos… Puis est venu un moment où j’ai senti que j’arrivais au
terme de mes études – après avoir été bien nourri par ces années de stages, de démonstrations, etc., il était temps que je commence à digérer (rires)… Comme Yves Lebreton est très connu
en Italie, avoir été son assistant m’a donné une carte de visite qui m’a permis de me présenter en mon nom propre – avoir été "l’assistant de…" m’autorisait à me présenter en tant que Gilles
Coullet…
Aux sources de Cendres
Du drap étendu au sol telle une mer primordiale au corps parfait, en passant par la masse vivante mais encore sans forme, ce solo
évoque l'épopée vitale, depuis ses prémices palpitantes jusqu'à l'émergence de l'homo sapiens
sapiens. Comme l'humanité, la vie, l'univers... Cendres a son histoire.
Gilles Coullet:
Ce solo est né de toute une série de recherches que j’ai menées sans avoir l’intention de préparer un spectacle. J’ai exploré le
rapport du corps à un objet, puis à une matière, divers tissus… je travaillais avec un drap, je m’amusais à créer des formes, comme quand on essaie de reconnaître des silhouettes en regardant les
nuages… Et puis, comme j’aime beaucoup le son, je cherchais aussi des sons un peu partout: dans la nature, dans la rue, dans les CD que j’écoutais; ça allait des abeilles que j’enregistrais en
rampant dans l’herbe au marteau piqueur… en même temps, je m’interrogeais sur ce qui se passe dans mon corps quand j’entends un son – par exemple, le chant d’un oiseau qui crée un rythme. Et peu
à peu j’ai commencé à explorer mes propres sons: le gargouillis que vous entendez au début du spectacle, au milieu du ressac, c’est l’enregistrement des bruits qu’a fait mon corps après que j’ai
eu avalé six oranges à jeun (rires)! Progressivement, une thématique générale s’est dégagée de toutes ces recherches: je pensais au magma, à la mer, au liquide amniotique, à la
naissance, au chaos… mais tout ça restait très intuitif. Et puis après coup on se rend compte que tout se recoupe: magma/liquide amniotique/ventre et bruits de ventre, la mer/la mère, etc.
Là-dessus se sont ajoutées mes propres références symboliques – les éléments, les forces de la nature… par exemple, à un moment, je me suis dit que dans chaque phase du spectacle, j’avais envie
qu’il y ait un orage, des bruits de tonnerre, de pluie. Et après, j’ai réalisé que, l’eau étant un symbole de purification, cela introduisait dans chaque cycle une renaissance. En ce qui concerne
le son, au départ je ne voulais travailler que sur les battements cardiaques et articuler les quatre énergies autour de ces sons-là. Jusqu’à ce qu’un jour, chez une amie, j’entende un disque qui
m’a tout de suite attiré – je ne cherchais rien de particulier mais en écoutant ce disque je me suis dit "c’est ça!" En regardant la pochette, j’ai lu Rites funéraires de
Côte-d’Ivoire et là-bas, la couleur associée à la mort, c’est le blanc; la mort est perçue comme une nouvelle naissance… et les rythmes de ces chants, de ces musiques, ressemblent à des
battements cardiaques. Les choses se sont ainsi organisées les unes par rapport aux autres… La trouvaille sonore et le geste se sont mis en place quasi simultanément, comme le fruit d’une
recherche globale. Ensuite, Benoît – qui est beaucoup plus "dramaturgique" que moi: je suis très instinctif et davantage dans l’immédiat – m’a aidé à découvrir ce que je voulais vraiment dire et
à l’exprimer dans un spectacle bien structuré, qui a fini par devenir ce solo en quatre phases.
La première évoque la naissance du monde, à partir d’une espèce de magma. Puis de là sort un être indéfini, sans chair, que l’école, la
famille, l’armée, le monde du travail… va modeler – d’où ce costume passé par-dessus une combinaison sans forme, en lycra. Une sorte de rêve survient – peut-être tombe-t-il amoureux? Mais la
machine le rappelle et le broie. Jusqu’à ce qu’il explose. Et il en reste ce que j’appelle "la tache noire" – la combinaison en lycra. Et de cette tache noire, qui à son tour va exploser – on se
demande ce qui va arriver après que tout aura explosé: qu’est-ce qui restera? Du pétrole? de la radioactivité? – il va bien renaître quelque chose… Et en effet: il émerge un corps presque nu. On
repart de zéro; on va de l’insecte à l’oiseau, au singe, au gorille, à l’homme… et là, la naissance devient vraiment charnelle. Pour la première fois on voit la forme aboutie qui sort. Et enfin,
l’homme rit. Pour moi, le rire est très positif. Au début, ce rire n’était pas tout à fait comme ça, il sonnait de façon beaucoup plus angoissante – je riais et pleurais alternativement; je
voulais reproduire le rire-pleur de l’orgasme, mais ça devenait quelque chose de trop angoissant. Alors j’ai changé, et maintenant, c’est un rire à l’univers; "Tout va mal mais je suis vivant et
c’est formidable, la vie est belle." Cette quatrième phase, c’est "l’homme rituel", qui renaît du chaos et qui refait le chemin depuis l’insecte jusqu’à l’homme, qui parvient à vivre en harmonie
avec les éléments. Comme dans les sociétés animistes, où l’on remercie la terre… mais cette notion de "rituel" n’a rien à voir avec la religion, c’est juste une marque de respect pour ce qui nous
entoure.
C’est un spectacle très construit, mais j’aime bien qu’il conserve un peu de mou, de façon à ce que chaque spectateur puisse y trouver
des choses différentes. Il y a des gens qui reçoivent Cendres directement, sans intellectualiser – par exemple à Palerme: on a joué devant des gens très pauvres, qui n’étaient pas du
tout habitués au théâtre et qui ont tout de suite accroché. Même les très jeunes enfants, qui chahutaient beaucoup, mais c’était un bordel attentif, passionné! À la fin de la représentation, une
dame est venue me demander de lui écrire quelque chose sur le programme. Puis elle m’a demandé ce que j’avais écrit car elle ne savait pas lire… Je suis heureux de parvenir à toucher des gens de
cette façon. À côté de ça, il y a des spectateurs, comme Bill [Bill Mahder, le musicien qui a composé les musiques de nombreuses pièces montées par Farid Paya –
NdR], qui identifient tout un univers, qui reconnaissent des tas de symboles…
De quelques aspects techniques…
Tous les spectateurs, même les plus naïfs, auront forcément, à un moment ou à un autre du solo, la conscience claire que, pour leur offrir un tel résultat scénique, l'artiste est capable d’une maîtrise de soi hors du commun. Les plus avisés d'entre eux songeront que cela ne suffit pas – il faut au corps et à l'esprit efficaces un soutien technique de grande précision pour que le miracle s’accomplisse...
Gilles Coullet:
C’est en effet un spectacle à haut risque, extrêmement précis et qui a demandé beaucoup de préparation. J’ai travaillé sur des
enregistrements vidéo, puis à partir de ce que des observateurs extérieurs me disaient. En Italie, j’avais un assistant qui m’aidait à me placer sous le drap. On s’est souvent plantés, et on a
tâtonné longtemps. Quand un effet me plaisait il fallait que je me souvienne comment je faisais pour l’obtenir… c’est une affaire de haute précision: il suffit que le drap soit mal placé de
quelques millimètres, que le parapluie ne soit pas positionné comme il faut, et tout est chamboulé… Alors je retenais quelque chose, puis je laissais tomber, je reprenais… jusqu’à ce qu’un jour
je reçoive une proposition pour jouer le spectacle à un mois de là! Il n’y avait plus moyen de tergiverser: il fallait vite mettre en place quelque chose qui se tienne… c’était assez angoissant,
mais sans ça, on serait encore en train de chercher et de préparer le spectacle!
Tout en étant très précis, ça reste un spectacle qui évolue. À chaque représentation, j’ajoute des choses nouvelles, j’en élimine
d’autres… et puis il faut s’adapter aux lieux: j’avais l’habitude de jouer dans de petits théâtres, et mes gestes, me déplacements, étaient étudiés pour un espace restreint; je travaillais
beaucoup sur le cercle. Ici, au Lierre, on a une scène très vaste, alors on a tâché d’utiliser tout le plateau – et ça a demandé pas mal d’ajustements; d’autant que je n’avais pas joué
Cendres depuis longtemps. Le contenu change aussi; par exemple, la deuxième phase, "l’homme mécanique", avait un côté assez "années 70" au début, qui est moins prononcé aujourd’hui. Et
il y a des détails qui ancrent le spectacle dans l’actualité, comme ces enregistrements radio que j’ai intégrés à la bande son et dans lesquels on parle du tsunami et de Fukushima…
Le Lierre, et après…
Gilles Coullet:
J’espère que ces deux représentations de Cendres, au Lierre, vont déclencher des choses… J’aimerais beaucoup qu’il tourne –
pour pouvoir avancer, le faire évoluer, le partager, tout simplement. Et comme c’est un spectacle sans paroles, il peut s’exporter facilement… en Afrique, au Japon… et puis à chaque pays, on a un
retour différent du public. En dehors de ça, j’ai en projet un spectacle sur les Amérindiens. J’y pense depuis deux ou trois ans, mais je n’en suis qu’à la collecte de documents – des milliers de
photos, de films, de disques, de livres… J’aimerais inclure des projections vidéo, j’ai commencé à enregistrer quelques séquences, à faire des montages – par exemple un coucher de soleil, des
regards – et puis un texte que j’aimerais beaucoup dire – le discours qu’un chef a adressé au président des États-Unis qui voulait lui acheter sa terre. C’est un texte magnifique, que j’ai appris
par cœur et qui demanderait un bon quart d’heure pour être dit. Il est d’une grande simplicité mais très profond – on y entend ceci, par exemple: La terre
n’appartient pas à l’homme, mais l’homme appartient à la terre. Mon idée est de travailler non pas sur les Amérindiens d’aujourd’hui, mais ceux d’il y a plusieurs siècles, avant que
Christophe Colomb débarque… Je parle des Amérindiens mais en fait je pense aux Eskimos, aux Indiens d’Amazonie… à tous ces peuples qui vivent encore en relation étroite avec la nature –
j’aimerais fonder tout le spectacle sur cette harmonie avec les éléments, la nature…
Interview réalisée le jeudi 28 avril dans le hall du théâtre du Lierre alors encore debout au 22 de la rue du Chevaleret.