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17 décembre 2024 2 17 /12 /décembre /2024 11:44

En dépit de mon inclination à la mélancolie, voire au désespoir, qui tend à s'installer, il y a en moi une petite flamme vitale qui persiste à brûler vaille que vaille: la curiosité. Non pas celle, malsaine, qui pousse à fouiller dans les boues de ses contemporains pour en tirer calomnies et rumeurs diffamatoires, celle des commères et des harceleurs, des espions au petit pied qui observent leurs voisin à la dérobée depuis leur fenêtre... Non: la curiosité qui m'anime est celle qui, sur un mot, une allusion, une note infrapaginale... va allumer dans la pensée un désir irrésistible d'apprendre ce que l'on est sûr d'ignorer – cette curiosité sous l'effet de laquelle l'internaute va systématiquement cliquer sur le lien contenu dans l'invite « pour en savoir plus » dès qu'il la rencontre.

Curieuse de beaucoup de choses, certes, mais aussi un rien paresseuse, rétive à l'effort soutenu de longue haleine tant que nulle nécessité ne m'y contraint, je suis devenue une adepte de ces «cours en ligne pour tous», gratuits, et prétendument «accessibles sans prérequis», que ne sanctionne aucun diplôme et offrant une grande liberté de fréquentation – ces fameux MOOC, sigle commode mais pas assez français à mon goût pour dire clairement ce dont il s'agit. Depuis les premiers diffusés en France, je me suis ainsi initiée à la géologie, à la botanique, à l'histoire de Carthage à compter de ses origines phéniciennes, à l’œuvre et à la vie de Picasso, à la naissance de l'impressionnisme... Autant de sujets auxquels je me suis intéressée à différents moments de ma vie; en renouant avec eux par le truchement de ces cours si faciles d'accès n’avais-je pas, plus ou moins consciemment, le sentiment de revenir en arrière et de réécrire un peu mon histoire? Rien de tel avec ces «Fondamentaux de l'état civil» que j’ai explorés ces dernières semaines car jamais je n'ai eu le moindre attrait pour ce qui regarde le droit (quoique... à force de lire des polars, de regarder des séries télévisées où sont souvent convoqués les arcanes juridiques, n'était-il pas fatal qu'un jour où l'autre j'en vienne à me pencher dessus...): je me suis inscrite à ce cycle de cinq séquences diffusé par la plateforme FUN parce qu'en décidant de m'initier, l'an dernier, à la paléographie, j'ai pris conscience de l'étendue de mes ignorances, en ce qui regarde l'Histoire en général, et l'histoire juridique en particulier. Ce cours n'allait pas beaucoup m'aider sur le plan historique mais, au moins, allais-je être un peu plus au fait de ces lois actuelles que nul n'est censé ignorer. En outre j'allais gagner un savoir que je pourrais mettre en perspective avec ce que m'apprennent les vieux documents proposés au déchiffrement par le formateur, dont certains remontent au XIIIe siècle.

 

Ce n'est pourtant pas la réflexion introspective sur ma curiosité qui a décidé de l'écriture de cette page mais, une fois de plus, une boîte à livres. Une de ces boîtes à trésors où tant de trouvailles ont surgi fortuitement – d'autant plus formidables qu'elles sont, justement, fortuites.

Ainsi mon regard – surattentif dès que je suis dehors, prêt à épingler toute boîte à livres qui se présente – a-t-il repéré, alors que je venais tout juste de commencer à suivre ce cycle d'initiation, un exemplaire du code civil édition 2024, encore enveloppé de sa pellicule plastique attestant qu'il avait été mis là sans même avoir été consulté une seule fois! Rien de surprenant car c'est le genre d'ouvrage qui se périme très vite pour ceux qui en ont besoin: les étudiants en droit, les candidats aux concours exigeant des connaissances en droit civil se doivent d'utiliser l'édition la plus récente et, en novembre 2024, c'est déjà l'édition 2025 qui sert de référence. Mais pour moi qui n'ai pas à connaître les ultimes éléments de jurisprudence, ce volume restait une aubaine qui m'offrait de nouveau ce délectable aléa du quotidien: la rencontre inopinée d'une circonstance toute personnelle et d'un élément extérieur qui s'emboîte avec elle aussi étroitement que les deux pièces d'un puzzle réunies par leurs formes complémentaires.

 

Je n'ai pas hésité une seconde: sitôt achevé un rapide examen m'assurant qu'au premier abord il n'y avait pas de défaut rédhibitoire je m'emparai de l'imposant volume (pas moins de 7 cm d'épaisseur, et plus de 3600 pages). Puis je l'ai déballé, feuilleté, m'arrêtant çà et là sur certaines pages… et, contre toute attente, ce n’est pas à la praticité de consultation que je me suis essentiellement arrêtée – ou, plutôt, m’attachant à expérimenter celle-ci, à observer dans le détail comment un tel ouvrage pouvait être organisé et, entre eux, les différents niveaux d’information, bien plus nombreux et complexement liés les uns aux autres que dans n’importe quel usuel (à ma connaissance du moins), je me suis rendu compte que les concepteurs avaient dû se préoccuper d’esthétisme et que leur souci d’efficacité pratique avait sans aucun doute été corrélé à des considérations d’agrément à la fois visuel et tactile. Et ce dès la couverture: son bleu profond où brille la minuscule tache rouge du logo de l’éditeur, la manière dont sont disposés et composés, sur le premier plat, le titre et le nom du directeur d'annotation qui leur confère, dans une impeccable harmonie, une parfaite lisibilité, la matière et la «main» enfin de la reliure, semi-souple, plus douce au toucher qu’un banal pelliculage mat et dont le simple contact incite à la consultation… tout cela, perceptible de prime abord, signale, selon moi, que l’on s’est véritablement soucié de rendre l’ouvrage attrayant et son utilisation plaisante autant que pratique. Une conviction dans laquelle j’ai été confortée en compulsant ce code pour y trouver tel ou tel article mentionné dans le cours: l’on a habilement joué sur les ressources de la typographie pour hiérarchiser les informations (variation de polices et de corps, alternance gras/maigre et romain/italiques…), le papier bible des pages est un délice sous les doigts et sa blancheur où se détache le texte procure une lecture très confortable. En outre, l’ouvrage peut rester ouvert à n’importe quel endroit sans se refermer et, ultime élégance dépassant la simple praticité, les deux signets permettant le marquage simultané de deux passages sont de couleurs différentes mais assorties au chromatisme général, l'un est bleu et l'autre gris pâle.

 

Au fil des séquences de mon «initiation aux fondamentaux de l’état civil», je me suis reportée à ce code chaque fois qu’une référence était faite à l’un de ses articles. La compréhension du cours ne l’exigeait pas ni mon statut de simple apprenante curieuse mais le plaisir que j’avais à manipuler le volume, augmenté de cette senteur propre aux livres neufs, ne cessait de m'y pousser. Et je suis à peu près certaine que, s'il m'avait fallu consulter le code civil en ligne je ne l'aurais pas arpenté aussi souvent et me serais contentée des indications données dans les fiches du cours, amplement suffisantes pour répondre aux questionnaires.

 

Tout cela pour dire que, nonobstant l'aide inestimable prodiguée par la somme documentaire accessible en ligne, je reste, viscéralement, attachée au bon vieux livre imprimé, aux pages que l'on tourne, aux couvertures que l'on prend le temps de contempler avant d'entamer la lecture.

 

 

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