Pour Patricia - alias LLT
Je ne l’ai rencontrée qu’une fois, peut-être deux quand, en 2004, elle avait rejoint l’équipe du Littéraire et que s’organisaient encore des "réunions de rédaction" – les chroniqueurs se retrouvaient toutes les cinq ou six semaines environ dans un café parisien autour du fondateur du site pour choisir, parmi les livres qu’on lui avait envoyés en service de presse, ceux dont ils allaient traiter. Par la suite, les réunions se sont raréfiées jusqu'à disparaître, mais nous sommes restées en contact suivi: j’avais alors pour tâche de relire et de corriger avant publication les articles mis en ligne sur le Littéraire et chacune de ses contributions était l’occasion d’un rapide échange de courriels, bien plus amicaux que "professionnels". Ses articles, parfaitement aboutis, étaient de ceux que j’appréciais le plus: les lire ne relevait pas du travail mais du pur plaisir – le lui ai-je assez dit, quand j’accusais réception de ses textes? Et puis il n’y avait jamais rien à reprendre, sinon de temps en temps une faute ici, ou là, qui ne pouvait être que d’inattention. J’aimais sa concision, l’expressivité qu’elle savait mettre dans ses phrases toutes simples pour dire combien un livre pouvait être important, amusant, passionnant… pour les jeunes lecteurs à qui il est destiné. C’était un bonheur de les mettre en ligne et je me disais qu’ils étaient de ceux qui faisaient honneur au Littéraire.
Lorsque j’ai quitté le Littéraire, j’ai lu ses chroniques avec moins d’assiduité mais toujours avec le même plaisir – par goût pour sa plume de chroniqueuse car la littérature "jeunesse" n’est pas un sujet qui me passionne. Nos contacts ne se sont pas rompus pour autant; d’une part nous nous sommes "retrouvées" sur un autre site, k-libre.fr. Et puis elle m’a suivie sur mon petit coin de toile – ici même, épinglant régulièrement au bas de mes "Petites errances" ou de mes "Brèves d’un jour" des commentaires encourageants qu’elle signait LLT, son pseudo de BDblogueuse. Mais je doute d’avoir exprimé avec justesse dans mes réponses à quel point j’étais touchée de ce qu’elle, lectrice avisée, et femme d’écriture – elle a publié un receuil de textes divers, La Kermesse, aux éditions Le Bruit des autres –, ait de l'estime pour mes jetés de mots. Même quand elle ne commentait pas, je la sentais présente, là, à suivre mes pages comme par-dessus mon épaule.
Aujourd'hui, elle n'est plus là. Je n’entendrai plus, par
commentaires interposés, ses encouragements, ses clins d’œil qui laissaient deviner ses inclinations artistiques – sa tendresse pour les sculptures de Brancusi, par exemple… Mais comme avant je
continuerai de voir se lever à mes côtés, chaque fois que je publierai quelque chose en noires terres, l’image qu’elle s’était choisie pour avatar, et comme avant je continuerai à me demander,
presque en lui parlant, "tiens, je serais curieuse de savoir ce que tu penseras de ça…"
J’étais très sensible à ses messages. Moi, de mon côté, je ne lui ai jamais écrit au sujet de son livre. Je ne lui aurai
même pas offert cela, à elle qui m’a tant donné à travers ses commentaires, courts en général, mais denses, chaleureux, chargés pour moi d’un sens profond. Je sais bien qu’on ne se dédouane pas
n’avoir été inattentif à quelqu’un en lui écrivant des oraisons funèbres et des hommages post mortem – ce ne sont donc pas ces quelques lignes qui compenseront mes torts et manquements.
Pourtant je les écris malgré tout: je ne crois pas qu’après la mort on continue à avoir un œil sur les vivants et à pouvoir pardonner ou garder rancune mais, de cela, je ne puis être absolument
sûre… alors peut-être que, de poussière d’étoile en vapeurs de monde, tout ça finira plus près de LLT que je ne saurais l’imaginer.
Patricia Châtel est décédée le jeudi 26 mai 2011.
"Des suites d’une longue maladie" comme on a coutume de l’écrire. Une maladie dont elle m’avait dit quelques mots par courriel, à
propos de ses séjours à l’hôpital, des traitements, de ses phases de convalescence… Des messages directs et discrets d'où je sentais sourdre du courage, de la volonté, quelque chose aussi,
m’a-t-il semblé, qui relevait de l’optimisme et de la joie de vivre. Le peu que j’ai perçu d’elle, à travers ses commentaires, ses messages, ses chroniques, et ce que m’ont dit deux de ses amis
proches, Serge Cabrol et Brigitte Aubonnet*, m’inspire une seule conviction:elle était ce que l’on appelle "une belle personne".
* Fondateurs de la revue Encres vagabondes - où figure un bel hommage dans la rubrique "Infos".