Certains pensaient qu'au lendemain du 21 décembre 2012 il n'y aurait plus de planète Terre, d'autres que des cataclysmes en série ne laisseraient subsister qu'une poignée de survivants, d'autres encore que la "fin du monde" promise par le calendrier maya était en fait la fin d'un cycle devant déboucher sur le début d'une nouvelle ère – avec dans cette perspective de "nouvelle ère" quelque chose d'optimiste, comme l'aube d'une période qui verrait rectifiés les errements de l'humanité (guerres, massacres, destructions massives, etc.). Puisque nous sommes le 7 janvier 2013 et que la Terre tourne toujours comme devant, s'il y a en effet quelque prophétie à prendre au sérieux dans ce qu'indique cet antique calendrier, il semble que la troisième interprétation soit la bonne. À cela près que je ne vois guère de raisons d'être optimiste, justement parce que la Terre continue de tourner comme devant, c'est-à-dire fort mal…
Calendrier maya ou pas, les vœux de nouvel an sont en principe
l'occasion choisie pour annoncer de meilleures résolutions, des décisions visant à redresser ce qui jusqu'alors s'est avéré désastreux… et tout ce que j’entends dans les allocutions des chefs
d’État, dans les diverses déclarations d’intention de tels et tels potentats prononcées à la faveur du Nouvel an ce sont, en guise de remède à "la crise", des programmes, des projets et des
raisonnements fondés sur la seule économie – économie de marché cela va sans dire – et des promesses de "croissance" reposant évidemment sur l’hyperproductivité. Autrement dit, on nous promet de
résoudre "la crise" en recourant à cela même qui la provoque et l’aggrave.
Cependant, ce n’est pas "la crise" et sa persistance qui me rendent pessimiste, mais plutôt le fait que l’on ne parle que d’elle – comme pour la dresser en écran devant des motifs d’inquiétude beaucoup plus graves et beaucoup plus préoccupants sur lesquels on ne veut pas s’attarder justement parce qu’ils sont abyssaux, tels les changements climatiques, l’érosion galopante de la biodiversité… – et, surtout, que presque personne n’envisage de saisir l’avènement de cette "crise" que pourtant on décrit comme "profonde" et "durable" pour commencer à penser autrement que par le prisme de la productivité et de la "croissance à tout crin" le rapport au monde, les relations entre les nations et entre les personnes.
À l’aube de 2013 il y a vraiment de quoi désespérer de
l’humanité… après Fukushima, les Japonais renoncent à envisager de "sortir du nucléaire" – technologie qui, même sans accidents, génère d’énormes quantités de déchets valant bombes à retardement
dont, d'ailleurs, on se garde bien de parler! Chez nous, on parle d'exploiter les gaz de schiste, et tant pis pour le surcroît de pollution: le prétendu "bas prix" de cette source d'énergie vaut
bien quelques massacres de sites, n'est-ce pas? Aberration toujours: pour que le monde aille mieux il faudrait, par exemple, acheter plus de voitures neuves pour "faire marcher l'économie" et
donc consommer plus de carburants, polluer davantage une planète qui n'en peut mais, etc. etc.
À quel point de catastrophes et de pollution faudra-t-il arriver pour qu'enfin nos dirigeants revoient leurs programmes et leurs lois? Sans doute un point de non retour… Et encore, je suis sûre que, comptant parmi les ultimes survivants d'une espèce humaine quasi éradiquée par sa propre faute, il y aurait de dignes penseurs pour continuer, à moitié morts, bouffés par les radiations, les gaz toxiques et les virus mutés, de ne jurer que par "la relance économique" et la "croissance"…
Que peuvent face aux fous délirants que sont les sectateurs de l’hyperproductivisme les quelques "rainbow families" et apparentés
éparpillés ici et là… Rien je le crains, sinon enchanter nos rêves. Comme le font les artistes grâce à qui le triste monde est à peu près respirable.