3 août 2009
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En effet : à peine le concert a-t-il commencé qu’un des musiciens se lève pour aller tirer de l’habit de son voisin… un cintre, qui aussitôt est substitué à l’archet de celui-ci. Et ainsi de suite jusqu’à ce que tous jouent du cintre en lieu et place de leur archet. Un peu plus tard le gag se répète, avec un peigne cette fois. Ce serait d’une drôlerie banale si les sons obtenus en étaient gâchés, ce qui n’est pas le cas : la musique reste superbe dans le gauchissement même des sonorités ! Et encore ces clowneries seraient-elles à peine extraordinaires… si elles n’épiçaient un sketch par ailleurs beaucoup plus riche reposant sur une série de glissements musicaux à partir des Quatre saisons de Vivaldi – à l’automne par exemple surgit au détour de la partition Les Feuilles mortes de Prévert – et à travers lequel les quatre artistes donnent déjà un échantillonnage des multiples talents qu’ils développeront avec bonheur en enchaînant pendant presque deux heures une série de sketches plus désopilants les uns que les autres : voix magnifiques aux tessitures étendues capables de chanter a cappella, en chœur, en solo ou en canon ; corps mobiles, souples, et visages magnifiquement expressifs comme l’étaient ceux des comédiens burlesques, un sens du gag époustouflant où se révèle une incroyable inventivité et, par-dessus tout cela, une fascinante capacité à étirer en tous sens les possibilités musicales de leurs instruments sans jamais tomber dans la dysharmonie – même lorsqu’ils tâchent de faire couaquer leur violon ou leur voix, cela demeure harmonieux !
En un subtil crescendo ces virtuosités diverses s’additionnent, se conjuguent et s’enrichissent mutuellement au fil des sketches, chacun centré sur un type musical – musique sacrée, médiévale, slave… pop-rock anglo-saxon – ou une saynète archétypique – le concert familial, la leçon… le rythme est soutenu, molto vivace mais habilement scandé par des moderati permettant de savourer la musique qui, avec le chant, reste tout de même maîtresse des lieux.
Il n’y a aucun sketch qui soit à admirer moindrement qu’un autre ; tous sont d’un exceptionnel niveau artistique. Je retiendrai toutefois les deux leçons de chant et de musique dispensées par un maestro emperruqué plus folle que ma tante et, dans l’ensemble du spectacle, ce que ces artistes formidables parviennent à obtenir de leurs instruments, dociles sous leurs doigts agiles comme s’ils obéissaient à Orphée – imaginez l’hymne américain version Hendrix joué avec des violons aussi rugissants que des guitares électriques, ou encore un violoncelle à qui l’on fait rendre le son syncopé de l’harmonica accompagnant On the road again…
La prestation du Quatuor fut éblouissante ; les spectateurs, conquis, se sont levés pour la saluer d’une retentissante ovation. Sans pitié pour les artistes, à n’en pas douter exténués au sortir de scène, nous avons probablement été nombreux à imaginer que, rappel après rappel, le show allait se poursuive ainsi jusqu’à plus d’heure… Il a pourtant fallu quitter son siège, avec au cœur une émotion qui, bien au-delà du plaisir théâtral, se situe en un lieu ineffable vers lequel très peu de spectacles parviennent à emmener leur public.
Corps à cordes
Spectacle musical écrit et conçu par Le Quatuor
Arrangements musicaux :
Le Quatuor ou Patrice Peyrieras
Le Quatuor :
Jean-Claude Camors (violon),Laurent Vercambre (violon), Pierre Ganem (alto), Jean-Yves Lacombe (violoncelle)
Mise en scène :
Alain Sachs
Direction musicale :
Cécile Girard
Direction technique :
Dominique Peurois
Accessoires :
Denis Richard
Costumes :
Pascale Bordet
Durée :
1h40
Représentation donnée le vendredi 24 juillet place de la Liberté.