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26 février 2010 5 26 /02 /février /2010 17:59

C’est d’abord un mot sur lequel on butte et que l’on retourne dix fois dans sa tête comme on mâcherait jusqu’à liquéfaction une bouchée de nourriture qui dégoûte mais que l’on ne peut ni recracher ni déglutir. Il finit par perdre sa couleur, sa forme… il s’affaisse et meurt – on le jette vite parce que, même mort, on lui trouve des relents de poussière mal viellie. À sa place un vide se creuse que l’on ne sait pas combler et c’est toute la phrase qui est éliminée. Rien de grave : l’on a souvent entendu dire que rien ne valait la concision et qu’une écriture directe, sans fioriture, était une démonstration de maîtrise de la langue. Donc voilà le propos qui s’amenuise, se resserre. Mais sans gagner en force. Au contraire il s’anémie. Et l’on ne parvient pas à replâtrer cette façade désolée (désolante aussi, d’ailleurs). Chercher un mot s’apparente de plus en plus à une immersion dans une fosse pleine de boue.


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Alors s’installe une affreuse sensation d’étouffement. Ce sont de vicieuses coulées de sable qui envahissent le cerveau ; les pensées suffoquent, mangent la poussière sablonneuse, et le corps tout entier ploie sous la défaite. On commence par redouter d’esquisser le moindre geste – si, au lieu d’apporter le filet d’air salvateur, ce geste venait à accroître le dégoût de soi en train de monter comme la marée d’équinoxe et à aggraver la suffocation ? Immobile, on croit se préserver mais l’on continue d’étouffer. La peur de risquer un mouvement croît. Et puis l’on se tasse davantage dans cette immobilité qui enfonce toujours plus loin dans l’angoisse – là où tout se fige. C’est l’engourdissement, l’aride impuissance à écrire et penser qui ferait hurler si elle n’avait pas pour effet premier de réduire au mutisme.


Et ces quelques mots d’annuler, par leur seule existence, ce qu’ils tentent d'évoquer.

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  • : Terres nykthes
  • : Ce blog au nom bizarre consonant un rien "fantasy" est né en janvier 2009; et bien que la rubrique "archives" n'en laisse voir qu'une petite partie émergée l'iceberg nykthéen est bien enraciné dans les premiers jours de l'an (fut-il "de grâce" ou non, ça...) 2009. C'est un petit coin de Toile taillé pour quelques aventures d'écriture essentiellement vouées à la chronique littéraire mais dérivant parfois - vers où? Ma foi je l'ignore. Le temps le dira...
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  • Entre littérature et arts visuels, à la poursuite des ombres, je cherche. Parfois je trouve. Souvent c'est à un mur que se résume le monde... Yza est un pseudonyme, choisi pour m'affranchir d'un prénom jugé trop banal mais sans m'en écarter complètement parce qu'au fond je ne me conçois pas sans lui
  • Entre littérature et arts visuels, à la poursuite des ombres, je cherche. Parfois je trouve. Souvent c'est à un mur que se résume le monde... Yza est un pseudonyme, choisi pour m'affranchir d'un prénom jugé trop banal mais sans m'en écarter complètement parce qu'au fond je ne me conçois pas sans lui

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