Vendredi 20 avril, 19h30.
Nous sommes cinq réunis autour d'une belle table, goûtant au jardin le calme d'une fin de journée estivale. La grande ville en ce quartier se fait oublier – son brouhaha permanent, ses paysages de verticalités bétonnées que tempère mal une verduration pourtant soignée, ses embouteillages et ses émanations toxiques s'effacent derrière les chants d'oiseaux, les bruissements de feuillage. Les conversations vont leur train – tranquille façon tortillard: une douce lassitude nous engourdit un peu, il a fait chaud, les heures travaillées ont eu pour chacun leur lot de pressions diverses. Mais l'on parle photo, exposition prochaine et projets à lancer, cela éteint les désagréments...
Le soleil amoindri du soir filtre entre les ramures à peine reverdies des arbres bornant l’horizon. Soudain un mince éclat accroche le bord d’un verre et jette au fond de la transparence rosée du vin qui l’emplit à demi une pastille de lumière. Synchronicité! des jeux de transparence... Un travail photographique que je mène en ce moment sur les reflets... le liquide, le verre, fluidité vs solidité mais translucidités identiques... et mille autres choses qui surgissent à l'esprit et finissent par précipiter en un seul geste: je m'empare de mon smartphone et je prends une photo. Une seule car, le temps que le précipité aboutisse à l'intention puis au geste la luminosité s'est déjà modifiée et a perdu de cette évidence synchronistique qui m'a incitée au faire... Peu importe: c'est moins la perfection d'une photo réussie qu'une captation d'instant-lumière que j'ai recherchée et, à cet égard, un rapide coup d'oeil sur l'image enregistrée me dit que j'ai atteint mon but.
Synchronicité!
Une conjonction synchronistique opère comme un diapason, qui lâche soudain un la muet et limpide résonnant clair dans le chaos des pensées et sentiments laissés en friche – plusieurs lignes convergent éphémèrement en un point qui électrise l'âme puis disparaît tandis que ces lignes, un moment éclairées les unes par les autres en se rencontrant, reprennent leur trajectoire erratique et vont se perdre dans l'espace obscur confondant profondeurs du moi et vastitudes stellaires en une même nuit – celle de l’Inaccessible, où gisent tant de pensées informes.