On lui trouvait l’esprit moutonnier – toujours à suivre le mouvement, sans regarder au-delà des dos qui évoluaient devant lui en houle lorsque les rues étaient encombrées, ou qui se résumaient à une seule masse large, bouchant l’horizon, quand à un individu près la place manquait d’être déserte.
Ce jour-là comme tous les jours pour aller acheter son journal il traversa la grand-rue sans lever les yeux vers le feu tricolore, comptant sur son devancier pour assurer le passage. Et sans réfléchir plus que de coutume sur le bien-fondé de sa conduite. Il aurait dû songer plus tôt à considérer la question, car il ne devait plus jamais en avoir l’occasion: le piéton dont il avait élu les mollets pour balise était un suicidaire qui venait de toucher le fond de son désespoir.